𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑

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Alma

Depuis le début du repas, Andres ne me lâcha pas du regard. Son insistance me mit mal à l'aise, je lui fis même des petites grimaces furtives pour le dissuader de continuer à me fixer. Ce furent des échecs. Il ne souhaitait pas diriger son attention sur quelque chose d'autres, alors que nos pères, eux, étaient pris par les préparatifs de ce fameux mariage. Ils avaient déjà en tête le thème, la réception, les invités, le traiteur, et la liste était encore longue. Andres et moi n'avions pas notre mot à dire dans leurs préparatifs.

Nous étions certes les mariés, mais aucun droit nous était conféré. Hormis le fait de jouer les poupées lors de la cérémonie, le reste ne nous concernait pas.

– Esteban, j'ai une dernière question. Sebastian annonça-t-il en mettant sa dernière bouchée en bouche.

– Dime. Dis-moi. Mon père répondit en ne lâchant pas son interlocuteur du regard, le défiant presque.

– Alma est toujours vierge ? Tu sais que chez nous cette tradition est très importante. Le père d'Andres demanda, me laissant bouche bée. Cette question me coupa littéralement le souffle.

Mon cœur s'accéléra instantanément, pendant que mon père lui fit les yeux ronds. Il ne pouvait pas lui dire la vérité. Des flashes vinrent me hanter, rendant difficile le contrôle des tremblements qui me parcouraient. Instinctivement, je cachai mes mains sous la table, ne voulant pas attirer l'attention plus que ça.

– Bien entendu, Sebastian, quelle question ! Répondit mon père en rigolant légèrement. Elle n'a jamais eu de copain, ou de relation. Alma est une fleur intacte.

– Parfait, d'ailleurs, nous avons déjà choisi une maison pour les futurs mariés. Elle se trouve à quelques pas d'ici. Sebastian ajouta, Alma, Andres, vous devriez la visiter dès demain ! Mes yeux se dirigèrent vers celui de mon futur époux, rencontrant son regard interrogateur. Je clignai plusieurs fois des yeux, avant de lui adresser un faux sourire. Cela ferait l'affaire pour le moment.

– Bien entendu, je serais ravie de visiter la maison que vous avez choisie. Dis-je en posant mes mains de nouveau sur la table, mon regard jongla entre Andres et Sebastian, espérant que ma réaction auparavant passerait inaperçue.

Il ne suffit d'un rien pour que la discussion reprenne son cours. Le dîner était beaucoup plus appréciable lorsque l'attention ne m'était pas dirigée. Je fis en sorte de ne plus me faire remarquer au cours de celui-ci.

Cette fois-ci, au vu des deux invités en plus à notre table, nos assiettes étaient bien plus remplies que d'habitude.

Je n'avais pas envie de finir.

Je ne pouvais pas finir.

A peine quelques bouchées dans mon estomac, et je me trouvais déjà bien ballonnée. Heureusement une fois fini, mon père et celui d'Andres nous laissèrent aller dans le jardin, comme pour renouer les liens du passé – qui se trouvaient bien trop morts pour commencer quoique ce soit – me permettant de me dégourdir les jambes ainsi que de digérer un peu plus facilement ce repas beaucoup trop copieux.

Andres avait bien changé depuis la dernière fois que j'eus l'occasion de poser mes yeux sur lui. Il avait grandi, maintenant, je devais littéralement lever la tête pour le regarder, alors que moi-même j'étais grande. Ses muscles s'étaient développés, ses traits affinés, ses yeux s'étaient assombris par la douleur, néanmoins, il garda ses cheveux noirs dans lesquels je voulais toujours passer mes mains.

– Je sais que je suis à tomber, mais arrête de me regarder ainsi. Veux-tu ? Sa voix roque me coupa dans mon analyse, me faisant presque sursauter.

– Ne prends pas la grosse tête, Andres. Rétorquai-je en détournant le regard.

𝐂𝐎𝐋𝐋𝐀𝐏𝐒𝐈𝐍𝐆Où les histoires vivent. Découvrez maintenant