Chapitre 8

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Lorsque Kaveh ouvrit les yeux, il était dans son lit emmitouflé dans sa couette. La présence rassurante de la veille était allongée à coté de lui, par dessus les draps, mais avec son bras le tenant légèrement. L'homme était profondément endormi, et le blondinet comprit qu'il ne se réveillerait pas de sitôt lorsqu'il vint pincer doucement sa joue. Ceci lui permit d'observer le scribe sous bien des angles dont il n'avait pas accès d'habitude. Simplement le voir endormi était une nouveauté appréciable, pas qu'il ne l'avait jamais vu sous son air le plus innocent, plutôt, ça n'avait jamais été le cas d'aussi près. Il se surpris à admirer chaque ligne de son visage, sa respiration lente, ses cheveux tombant sur ses yeux fermés, puis ses lèvres dont il avait goûté la saveur la veille. Kaveh secoua la tête, souhaitant un instant oublier cette information, sans réussir à détourner son regard de la source de ses préoccupations. Il finit cependant par baisser les yeux, se sentant coupable de pensées bien trop "enfantine" alors qu'il était en larmes pour quelque chose de bien plus important le jour d'avant. Se réjouir de ce qui avait pu se passer le soir, alors qu'il pleurait son père à l'origine. Il ne se sentait pas en droit de ressentir une quelconque joie, seulement un grand voile de culpabilité recouvrant son léger bonheur.
Il commença à se redresser, puis passa une jambe par-dessus sa couette, et c'est à ce moment précis qu'il sentit des bras fort enserrer sa taille, le coupant dans son mouvement. Al-Haitham vint frotter son visage à son ventre, comme l'aurait fait un chat affectueux, tandis que l'architecte n'osait plus bouger un pouce. En voyant que l'homme n'était pas décidé à le libérer, Kaveh vint poser ses mains sur sa tête, caressant ses cheveux doucement. Cela dura une, deux, cinq ou six minutes, mais Al-Haitham gardait ses yeux fermés en appréciant silencieusement ce qui lui arrivait. Le blondinet le trouva mignon, ce qui détonnait avec son agacement habituel, pas que ce soit particulièrement une mauvaise chose.
- Haitham...
Les yeux du scribe s'ouvrirent doucement, et il tourna la tête dans sa direction.
- Tu m'as déposé dans mon lit, cette nuit ?
Il hocha simplement la tête, n'ayant visiblement pas l'envie de développer.
- Et tu es resté avec moi ?
- Ta main ne voulait pas me lâcher.
Kaveh pouffait, se rendant compte du ridicule de son excuse. Quand bien même il l'avait agrippé dans son sommeil, il aurait pu se dégager très facilement.
Ils se regardèrent en silence quelques instants, ne faisant ni attention à l'heure, ni aux secondes qui défilaient.
- Kaveh.
Il se redressa, faisant face au blondinet qui attendait qu'il parle. Al-Haitham l'observait d'un regard des plus sérieux, laissant un blanc bien trop long pour Kaveh.
- Est-ce que tu veux parler d'hier soir ?
Le coeur de l'architecte loupa un battement, lui-même incertain de ce qu'il voulait. En parler signifierait-il qu'ils se mettraient en couple ? Ou bien, le scribe préférait oublier ce qu'il s'était passé ? Peut-être que c'était une erreur, pour lui, et qu'il n'aurait jamais voulu l'embrasser. Kaveh sentit son corps le brûler de l'intérieur, à l'idée même que l'homme face à lui ne puisse pas vouloir de sa personne. Mais en même temps, qui pourrait bien le désirer ?
En sentant une main attraper la sienne, il releva le regard. Al-Haitham le regardait d'un air concerné, attendant sagement sa réponse.
- Haitham... Dit, tu veux bien m'aimer, juste un peu ?
Il l'avait dit d'une voix tremblante, et regrettait déjà ses paroles.
- Non, enfin, oublie, désolé...
- Si je t'aime, vas-tu me fuir en pensant que tu ne mérites pas d'être aimé ?
L'architecte écarquilla les yeux, se rendant compte de la réalité décrite dans ces paroles. Il finirait sûrement par l'éviter, se sentant indigne de gestes tendres ou de belles paroles. Il baissa la tête, les larmes lui montant aux yeux.
- Je suis désolé...
Sa voix tremblante ne fit pas fuir le scribe, qui vint alors l'attirer contre lui. Il libéra quelques sanglots, sans se contrôler. Kaveh se détestait d'être aussi sensible, de penser de cette façon, de se sentir mal à chaque nouvelle chose qui lui arrivait.
- Kaveh.
Le blond se recula légèrement, observant difficilement le visage d'Al-Haitham, flouté par ses larmes.
- Ne me fuit jamais, Kaveh.
L'homme vint embrasser sa joue mouillée, faisant fermer les yeux du blondinet au passage. Kaveh songea qu'il pourrait presque s'habituer à ses baisers, s'il se battait contre lui-même pour croire en eux.
- Haitham...! Je veux...
L'homme l'observa, attendant sagement qu'il continue.
- Est-ce que l'on peut s'aimer...?
La question, après être sortie de sa bouche, lui sembla soudain ridicule. Il voulait s'enterrer vivant dans un coin, sans réellement pouvoir. Le scribe lia ses doigts aux siens, dans un mouvement d'une douceur qui détonnait beaucoup avec son visage impassible habituel.
- Je vais y réfléchir... Dit Al-Haitham.
Kaveh le regardait soudain en fronçant les sourcils.
- Tu vas y réflechir ?
Al-Haitham souria soudain, avant de coller leurs fronts.
- C'est pour te montrer que ta question avait déjà sa réponse.
- Ça veut dire ?
- Que l'on peut s'aimer.
Le regard de Kaveh s'illumina, et il prit l'homme dans ses bras sans se rendre réellement compte d'à quel point ces mots lui avaient fait du bien.

HaiKaveh ~ Une Histoire De ConflitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant