Chapitre 9

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Cela faisait une semaine que les deux colocataires avaient officialisé leur relation entre eux, sans le dire à personne. Kaveh avait refusé d'en parler autour d'eux, pour la simple raison qu'il avait peur. Peur de cette évolution, peur que ça se passe mal, peur des réactions autour. Il y avait aussi une chose qui le perturbait depuis, il avait la sensation que rien n'avait vraiment changé entre lui et Al-Haitham. Celui-ci agissait comme habituellement, sans réellement ajouter de marques d'affections ou de baiser. L'homme le touchait à peine pour lui ébouriffer les cheveux. Kaveh ruminait beaucoup, se demandant si le fait de se cacher avait au fond déplu le scribe, ou si au final la relation en elle-même lui semblait une erreur.

L'architecte déprimait seul à son bureau, incapable de se concentrer sur le moindre croquis, tandis qu'il entendit quelqu'un entrer dans la pièce. Ça ne pouvait qu'être Al-Haitham, mais il n'avait clairement pas envie de le voir au moment présent. Celui-ci lui reprochait souvent d'être trop sensible, il se doutait donc que le scribe ne prenne pas au sérieux ses inquiétudes s'il lui en parlait. Il lui dirait très certainement de moins se prendre la tête, un air blasé sur le visage.
Ainsi il serra son crayon dans sa main, faisant des traits aux hasards sur sa feuille pour faire mine de travailler. Il espérait qu'ainsi, l'homme ne lui adresserait pas la parole. Mais lorsqu'il le vit déposer une tasse de thé près de lui en silence, sans se donner la peine de parler pour ne pas le déranger, Kaveh se sentit instantanément coupable. Il ne put s'empêcher d'attraper sa main en le voyant se tourner pour repartir.
— Attends !
Le scribe serra sa main instantanément, comme un réflexe, avant de lui lancer un regard d'interrogation.
— Merci...
Kaveh le vit hausser les épaules, comme si lui apporter à boire était la chose la plus naturel au monde. Il sortit cependant quelques mots, trahissant une certaine inquiétude dans son regard.
— Prend une pause, Kaveh.
Il lâcha ensuite sa main pour repartir, mais le plus âgé des deux n'avait pas eu assez de ce contact. Il lâcha son critérium pour se lever et vint croiser ses doigts à ceux de l'homme. Leurs regards se croisèrent à nouveau, silencieux l'un et l'autre durant quelques minutes. Al-Haitham vint chercher la chaleur de son autre main, liant à nouveau leurs doigts. Il s'agissait là d'un dialogue silencieux important, sans qu'ils ne comprennent réellement ce qui s'en écoulait. Ainsi, les inquiétudes de Kaveh avaient comme disparues durant cet instant, lisant dans le regard du scribe une passion indescriptible. Peut-être qu'au fond, il voulait le toucher, l'embrasser, sans réellement oser. Peut-être que l'homme ne voulait pas le brusquer, qu'il se contentait de brèves caresses sur ses cheveux, se disant que c'était bien assez de lui. Mais Kaveh voulait ce contact, il désirait être enfermé contre lui, emmitouflé dans ses bras puissants et rassurant. Il voulait se sentir protéger, et goûter à nouveau à ses lèvres, caresser la peau douce de ses joues. Le blondinet songea qu'il en demandait peut-être trop, lui aussi, sachant au fond qu'il ne méritait pas tout cela. Il ne devrait pas être avide de lui, seulement, il n'arrivait pas cette fois à contrôler ses envies, à se restreindre.

Al-Haitham, les yeux hésitant, vint déposer un baiser sur la tempe de l'architecte, avant de coller leurs front en fermant les yeux. Kaveh sentait la douce respiration du plus jeune, et sans résister plus à ses pulsions il vint coller leurs lèvres un bref instant, faisant presque sursauter le scribe. Celui-ci rouvrit les paupières, observant d'un regard brûlant les yeux écarlates de l'architecte. 
— Haitham ?
— Tes pauses ressemblent à ça ?
Kaveh sentit son propre corps se crisper.
— Quoi, ça te dérange ? 
Il sentit le scribe lâcher ses deux mains, avant d'enrouler ses bras autour de sa taille et de poser sa tête sur son épaule. Il ne s'attendait pas à un geste soudain d'affection, alors il hésita quelques instants avant de lui rendre son étreinte. 
— Non, ça ne me dérange pas. 
Il sentit Al-Haitham déposer un baiser dans le creux de son cou tendrement, faisant réchauffer son corps entier instantanément.
— Ton thé va refroidir, Kaveh.
— C'est toi qui me serre, c'est ta faute.
— Je te le ferais réchauffer. 
Sur ces mots, le scribe le serra un peu plus fort, et Kaveh se demanda un instant s'il avait peur qu'il s'envole s'il le lâchait. Il glissa ses doigts dans les cheveux courts de son grand koala, appréciant la douceur de chacune de ses mèches. Il remarqua qu'il avait à nouveau fermé les yeux, ce qui le fit sourire.
— Ne t'endort pas, hein ? Je te laisserais par terre sinon.
— Moi je te porte jusqu'à ton lit, quand tu ne t'endors pas dedans. 
Il rouvrit les yeux, fixant Kaveh d'un œil rieur, tandis que le blondinet semblait presque outré.
— Moi c'est différent ! 
— En quoi ? 
— Eh bien...Déjà je suis moins lourd. 
L'architecte sentit le corps de Al-Haitham battre légèrement à plusieurs reprises contre lui, avant de se rendre compte qu'il était en train de rire gaiement. Il songea qu'il ne l'avait jamais vu s'esclaffer aussi clairement, et son cœur se réchauffa agréablement. 

HaiKaveh ~ Une Histoire De ConflitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant