Chapitre 16

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 Si Mélandrie avait fini par perdre la notion du temps, elle était absolument certaine d'avoir passé au moins plusieurs heures à discuter seule à seule avec Illiandra du problème qu'elle avait avec Kahina. La principale difficulté qu'elle avait rencontrée était de définir clairement l'état d'esprit de sa prêtresse. Si elle était capable de connaître la moindre pensée de son alter égo du futur rien qu'en voyant l'expression sur son visage, elle n'était pas aussi intime avec cette Kahina.

L'ancienne déesse de la vie avait pu avoir un aperçu de comment elle était depuis qu'elles s'étaient rencontrées, mais même cette déesse perspicace ne pouvait définir le véritable caractère d'une personne en aussi peu de temps. Pour dresser un portrait fidèle de son amie, l'ancienne conscience de la terre-mère dut fouiller dans sa mémoire et revenir quarante ans en arrière, lorsqu'elle n'était pas encore enfermée dans le cristal ou que son sacrifice n'était que récent.

Une fois le portrait tracé, Illiandra ne cacha pas sa surprise. Contrairement à la plupart des dieux qui avaient fini par s'en désintéresser, elle continuait à observer le monde des mortels. Quoi de plus normal vu que ce monde lui appartenait entièrement autrefois, se dit l'ange de miséricorde.

Le fait est qu'elle connaissait donc les difficultés que représentait la vie sur les terres noires. Selon ses dires, il était donc étonnant qu'une fleur aussi pure ait réussi à s'épanouir sur une terre aussi hostile. Mélandrie put ainsi rebondir sur le fait qu'il s'agissait de son lien avec la terre-mère qui lui avait donné le statut de prêtresse et ainsi sauvé la vie. Ce lien, qu'elle avait reporté sur Mélandrie à la disparition de la pierre des vents, était une grosse partie du problème. C'était à cause de lui qu'elle craignait que sa prêtresse ne se remette pas de son départ.

Une chose était certaine pour l'ancienne déesse de la vie. Les risques qu'elle fasse une bêtise et aille jusqu'à commettre l'irréparable étaient bien plus importants si elle ne lui disait rien et la mettait devant le fait accompli.

En deuxième partie de cette conversation dont la première avait déjà duré un long moment, Illiandra lui donna une véritable leçon de psychologie. L'écouter ne fit que confirmer le fait qu'elle avait bel et bien orienté la discussion pour pousser Malacine à aller voir Ouros.

Ainsi, aux termes de ces explications, Mélandrie savait dans quel état d'esprit devait se trouver Kahina, quels étaient les points clés à aborder ainsi que les sujets à éviter pour augmenter ses chances qu'elle accepte de la laisser partir.

— Merci pour tous ces conseils, même si je dois bien avouer que c'est un peu terrifiant...

— Terrifiant ? S'étonna l'ancienne déesse.

— Maintenant, je vais avoir l'impression que vous tentez de me manipuler pour m'amener à faire quelque chose dès que nous aurons une conversation, rit l'ange de miséricorde.

— Tu avais remarqué pour Malacine ?

— J'avais des doutes, mais avec ce que vous m'avez appris, j'en ai eu la certitude.

— Pour ma défense, je ne fais jamais ça dans mon propre intérêt ou si cela va à l'encontre de celui de la personne à qui je parle, se défendit-elle calmement. Et puis, je ne suis pas la première personne que tu croises qui manie les mots comme ton père manie une lame. Ta nourrice en est l'exemple parfait.

Sa nourrice ? Pendant un moment, Mélandrie chercha de qui Illiandra voulait parler. Ce ne fut qu'après de longues secondes qu'elle comprit qu'il s'agissait de Bahia. Elle pouvait effectivement être considérée comme sa nourrice vu qu'elle l'avait gardée lorsqu'elle venait de naître pendant que sa mère accomplissait sa mission qui allait mener Ouros à lui offrir le poste de gardienne du dormeur.

Mélandrie Tome 4 : Les fils du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant