Chapitre 23

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 Dans l'attente de la première question que Mélandrie allait lui poser, le père des dieux passa sa main au-dessus de la table et y fit apparaître une assiette de biscuits. Après un moment d'hésitation à la survoler en faisant bouger ses doigts, il finit par en choisir un qu'il porta à sa bouche avant de se servir de son autre main pour pousser l'assiette vers son invitée pour qu'elle se serve.

Absolument tout dans sa gestuelle rappelait à Mélandrie Amyr. Il ne copiait pas uniquement l'apparence de ses amis, mais aussi leurs manières et leur façon de parler. S'il avait expliqué qu'il avait agi ainsi pour qu'elle se sente plus en confiance, cela avait plus pour effet de la déstabiliser.

— Tu n'as vraiment aucune question à me poser avant de passer au sujet principal ?

— Vu que vous avez pris l'apparence de mes amis, j'en déduis que vous pouvez lire dans mes pensées. Vous savez donc que j'ai beaucoup de questions.

— Je peux effectivement lire dans les pensées et, même si c'est un procédé différent, j'ai effectivement utilisé l'un de mes pouvoirs pour fouiller dans ta mémoire et trouver une personne à qui emprunter l'apparence. Je m'excuse d'ailleurs pour cette intrusion. Je n'ai cependant fait que chercher des critères bien précis sans tout explorer. Tout ceci n'appartient qu'à toi. Enfin, pour en revenir au fait de lire dans les pensées, disons que je préfère une discussion saine et naturelle.

— Vous ne savez donc pas à quoi je pense en ce moment ?

— Je le pourrais, mais je ne le ferais pas à moins que tu ne me le demandes, confirma-t-il en reprenant un biscuit qu'il trempa dans sa tasse avant de le porter à sa bouche.

— Dans ce cas, voici ma première question. Ma mère est la seule à avoir pu se réincarner tout en gardant ses souvenirs de sa vie d'avant. À mon avis, vous n'êtes pas étranger à cet événement et ce doit même être vous qui avez fait en sorte qu'elle puisse retourner dans les autres mondes ainsi. Pourquoi lui avoir accordé cette faveur alors que vous l'avez refusé à tout le monde, même à vos enfants ?

— La raison est simple. De tous ceux qui sont arrivés dans mon monde, seules deux étaient destinées à être séparées à jamais de l'être qu'elles aimait. Ta mère et Illiandra. Elles étaient les deux seules pour qui j'étais prêt à faire une exception. Ma fille n'ayant jamais formulé une telle demande, Lief est donc la seule à avoir pu le faire.

— Mais pourquoi avoir attendu si longtemps ?

— Se réincarner avec ses souvenirs d'avant est un processus complexe et éprouvant pour l'âme, surtout lorsqu'elle doit passer de mon monde à un autre. Si elle a dû patienter aussi longtemps, c'est uniquement parce que cela n'aurait pas fonctionné avant et que son âme aurait au mieux été lavée de tous ses souvenirs et au pire déchirée et perdue à jamais lors du processus. Elle a donc du attendre, patiemment, que son âme se renforce naturellement pour revenir. D'ailleurs, si je reprends la deuxième exception que j'évoquais pour ma fille, elle n'aurait toujours pas pu, à ce jour, repartir dans les autres mondes. Son âme est certes plus puissante que celle des anges qui la servaient, mais elle est aussi fractionnée, ce qui l'affaiblie grandement. Quelques millénaires auraient encore dû s'écouler pour que j'accepte de la renvoyer.

Donc, si Ouros n'avait rien fait et était resté bien sagement à sa place de dieu de la mort sans chercher à ressusciter Illiandra, elle aurait pu être à ses côtés sans qu'il n'ait à impliquer qui que ce soit d'autre, Scyllia la première, dans son plan tordu, résuma intérieurement Mélandrie.

— Mais ma mère peut maintenant voyager entre les mondes. Elle l'a fait plusieurs fois en tant que votre messagère parce que je suis une ange de miséricorde. Pourquoi ne pas avoir fait la même chose pour qu'Ouros retrouve Illiandra ?

Mélandrie Tome 4 : Les fils du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant