La rencontre

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Le lendemain de cette décision, avant de faire mes bagages pour partir, j'ai pris la route pour me ressourcer en forêt. Seulement après quelques pas à l'orée de la forêt, j'entends des aboiements. Au début, je n'y prête pas vraiment attention, je me dis que c'est un chien avec son maître. Mais ils se font de plus en plus plaintifs, je commence à m'inquiéter, est-ce un chien qui s'est blessé et qui attend son maître, ou un chien errant... Je me décide à partir à sa recherche, j'ai besoin de savoir.

En suivant un petit sentier peu emprunté, je t'ai vu près de cet arbre. Au loin, lorsque je t'entendais aboyer, je pensais que tu attendais ton maître ou ta maîtresse, mais en me rapprochant, j'ai vu à quel point tu étais mal, tu étais attaché à l'arbre, tu n'avais ni eau ni à manger. Tu n'es ni un chien errant, ni un chien blessé, enfin si blessé par l'inconscience humaine... Tu m'as l'air d'un assez jeune chien, tu es typé husky, tristement abandonné, peut-être parce que tes anciens maîtres, inconscients des besoins dont tu as besoin qu'ils répondent, ne le faisaient pas et à préférer t'abandonner. On t'avait laissé là comme ça, sans rien pour que tu meures en agonisant... Les humains me désespèrent...

Après de longues minutes, où tu m'aboies dessus pour m'empêcher de t'approcher, tu comprends, je crois, que je ne te veux aucun mal. Je te détache en prenant soin de ne pas te faire plus de mal, te porte avec précaution, parce que je sais que tu es trop faible pour marcher. Puis, on regagne ma voiture, je t'installe sur la banquette arrière, je téléphone à un vétérinaire pour prendre rendez-vous pour toi, pour soigner tes blessures visibles au moins.

En route pour aller chez le vétérinaire, tu hurles au loup,

— Tu crains d'être abandonné de nouveau, ne t'inquiète pas, tu trouveras de bons maîtres et une bonne famille, te dis-je en te caressant doucement la tête.

Mais tu continues, je te questionne, comme si tu allais me répondre, en pensant que tu n'es qu'un chien :

— Tu veux qu'on y aille à pied ?

Tu arrêtes instantanément de hurler et commence à avancer devant moi, en guise de réponse.

— Bon d'accord, on y va à pied, finalement, tu comprends bien des choses, et tu es capable de te faire comprendre.

Je sors de la voiture, puis tu fais de même, je saisis mon téléphone et tape l'adresse du vétérinaire dans le GPS. Je te porte à nouveau avant de me mettre en route.

Une fois arrivé dans la salle d'attente de la clinique vétérinaire, tu te couches à mes pieds et attends sagement. La vétérinaire arrive dans la salle d'attente après vingt bonnes minutes d'attente, et de souffrance pour toi. Elle s'adresse à moi :

— Bonjour, c'est à vous monsieur, suivez-moi.

Je la suis avec toi à mes côtés, on entre tous les trois dans la salle de consultation. Après avoir fermé la porte, elle me demande :

— Que se passe-t-il avec votre chien ?

— À vrai dire, ce n'est pas mon chien. Je l'ai trouvé en plein milieu de la forêt, attaché à un arbre. Et je viens parce qu'il a l'air mal au point. Même si je sais que son ou sa propriétaire l'a abandonné.

— D'accord. Mettez-le sur la table.

Je te pose précautionneusement sur la table du vétérinaire. Tu te laisses faire assez facilement, je te caresse et te félicite.

La vétérinaire t'ausculte puis dit :

— Sans grande surprise, il n'est pas pucé. C'est un mâle husky. Il a l'air fatigué, il souffre de mal nutrition et de déshydratation. Il est encore jeune, il a environ 6 mois, il se remettra rapidement d'aplomb avec de bons soins.

— Tant mieux, j'espère qu'il trouvera une bonne famille, mais j'aimerais quand même des nouvelles tant qu'il est chez vous, dis-je.

— Je vais le garder quelques jours en observation, le pucer et je vais le confier à une association pour qu'il soit adopté. Je vous appellerai tous les jours pour vous donner des nouvelles, répond-elle.

— D'accord, merci, réponds-je. Je vous dois quelque chose ? demandé-je.

— Puisqu'il ne vous appartient pas, et qu'il n'est pas pucé, vous avez uniquement la consultation à payer, je vous laisse régler à l'accueil avec mon assistante vétérinaire.

— D'accord, je vais m'en occuper. Au revoir, dis-je en m'adressant à la vétérinaire. J'adresse un au revoir silencieux au chiot.

Je suis tourmenté par le regard douloureux du chiot. Je prends la direction de la sortie malgré tout. L'assistante vétérinaire de l'accueil me sourit en me disant « À bientôt. »

Après avoir réglé la consultation, en sortant de la clinique, je fais le chemin inverse pour regagner ma voiture laissée près de la forêt. Ses aboiements, ses pleurs et son regard malheureux, me hante. Mais je dois partir en Irlande demain. Que dois-je faire ? Tout quitter malgré sa rencontre ? Malgré son regard me suppliant de ne pas l'abandonner à mon tour ? ou rester ici, et trouver ma place ici avec lui ? ou l'adopter et partir avec lui ? Je ne sais que faire.

Je regagne ma voiture, m'enferme dans l'habitacle. Et j'essaie de peser les pours et les contres, j'ai les mains sur le volant. Je suis crispé, car je ne comprends plus les signaux de la vie, je crois, que je ne suis plus que l'ombre de moi-même. Je ne suis plus moi, je ferme les yeux pour essayer de mettre les choses au clair. Je suis dans ma réflexion, quand je sursaute, après avoir cogné involontairement ma tête contre le volant, j'ai klaxonné, « Mais PUTAIN, qu'est-ce que je suis en train de faire ? qu'est-ce que je vais faire ? »

Chienne de vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant