Harry n'est pas revenu à la pharmacie depuis la dernière semaine de Novembre, on approche du 24 décembre, de mon anniversaire, et il ne le sait pas. D'ailleurs, je ne sais même pas s'il sera là.
Depuis que Madeleine et moi avons été plus loin dans la relation, c'est encore pire qu'avant. Je n'ose plus la regarder dans les yeux, ni l'embrasser. Je regrette ce soir-là. C'est avec un goût amer que j'y pense constamment, parce qu'en plus de lui avoir pris son innocence, j'ai trahi celui que j'aime avec un amour inconditionnel. J'ai brisé ma promesse de l'attendre et je me sens coupable. Je ne peux pas m'arrêter de penser au fait qu'il doit être au courant et que c'est cette raison pour laquelle il ne me vient plus me voir.
C'est douloureux comme il me manque. J'ai espoir qu'il apparaisse à la porte d'entrée à chaque fois qu'un client entre. La neige tombe et je peux rester des heures à contempler la fenêtre, rêvant de le voir courir jusqu'à moi. C'est une boucle capricieuse à laquelle je suis incapable de mettre fin. Chaque bruit qui résonne dans l'immeuble me laisse espérer que c'est lui qui arrive.
*
**
On est le 21 décembre. Toujours aucune trace d'Harry. Si seulement j'avais une quelconque information sur l'endroit où il vit. J'ai tellement besoin de le voir. Je sais que le bal est dans quatre jours, mais j'ai besoin de m'entretenir avec lui avant ça.
Madeleine n'est pas dans son état normal aujourd'hui et ça n'apaise pas mon angoisse. En fin de journée, elle ne part pas comme d'habitude, elle se contente de s'asseoir dans un coin de la pièce alors que je range les derniers papiers et je me sens obligé de lui demander ce qu'elle a.
« Madeleine, tout va bien ? Tu n'as pas été concentrée de toute la journée. »
Il y a bien longtemps que je ne lui avais pas donné une phrase complète, cette situation me rend mal au point que je ne lui répondais que par onomatopées. Elle s'en contentait.
« Viens t'asseoir, j'ai à te parler. »
Je relève vivement la tête en entendant ces mots. J'ai l'impression de revivre le même jour où ses parents m'ont pratiquement forcé à me marier avec elle. C'est différent mais le malaise qui me gagne est le même. Je pose alors les derniers documents que j'avais dans mes mains et je fais le tour du comptoir pour la rejoindre. J'enfonce les mains à l'intérieur de mes poches de blouse.
« Je t'écoute ?
- Assieds toi Louis s'il te plaît. »
Les battements de mon cœur s'accélèrent mais je l'écoute et je m'assois sur le fauteuil près du sien, habituellement réservé aux clients. Sa main vient tirer mon bras pour prendre ma main dans la sienne et elle esquisse un sourire pas très sûre d'elle. Mes sourcils se froncent.
« Maddie ? »
Elle prend une grande inspiration et ses yeux deviennent brillants.
« Je porte ton enfant. »
C'est le coup de grâce. Je ne pouvais pas trahir plus Harry que je ne l'avais déjà fait.« Ce n'est pas possible. »
Je ne peux pas croire qu'une chose pareille puisse arriver. Pas en une fois. Pas nous. Je retire ma main de la sienne et même si ses yeux montrent la douleur que je viens de lui infliger, je remarque que mon comportement ne la surprend pas. C'est pour cela qu'elle était si absente, elle savait qu'elle devait me l'annoncer et que je ne le prendrais pas bien. Parce que je ne veux pas finir ma vie avec elle. Je dois partir avec Harry dans quatre jours. Elle ne peut pas me faire ça.
« Je pense que l'on devrait se marier avant la fin du mois.. Sinon les gens comprendront que nous avons procréer avant d'être mariés.
- Non.. on ne peut pas faire ça.. »
Mes mots sont presque un murmure, tout me paraît irréel. Elle se lève en époussetant sa robe.
« On a pas le choix Louis. »
Elle s'affirme. Je le sens dans sa voix mais je vois bien qu'elle n'est pas sûre.
« Je sais que tu n'es pas amoureux de moi comme j'aimerais que tu le sois.. Mais maintenant tu n'as plus le choix, tu as ta part de responsabilité, tu as accepté de te fiancer avec moi. C'est trop tard. Tu ne peux plus revenir en arrière. Je ne sais pas pourquoi tu n'es pas enthousiaste comme je le suis, je ne sais pas quelle est la véritable raison, je ne pense pas que c'est à cause d'une autre femme alors dis-moi ? Explique moi pourquoi tu n'es pas heureux de savoir que ta future femme porte ton enfant ? Et pourquoi tu n'es pas rassuré de savoir que ta descendance s'occupera de ta pharmacie comme tu t'en occupes et comme moi je m'en occupe ? »
Alors c'est comme ça. La vie prend donc cette tournure. Elle sait qu'avec son enfant elle me tient par le cou. Mais est-ce qu'elle sait à quel point mon amour pour Harry est plus fort que ce qu'elle veut m'offrir ? Je n'arrive pas à lui dire que c'est pour un homme que je me refuse à cette vie simple qui s'annonce devant moi. Je ne peux pas lui dire.
Elle pleure maintenant, elle sanglote et je n'ai toujours pas bougé d'un centimètre. Ce qui me fait sortir de ma stupeur, c'est le bruit que l'on entend dans l'entrée de lettres. Nos regards se dirigent vers le bruit et je fronce les sourcils, il est bien trop tard pour que le postier m'apporte du courrier. Pourtant une lettre traverse la porte et vient s'écraser sur le sol. Je me lève en avançant vers l'enveloppe et Madeleine m'interpelle, elle continue de me supplier de m'expliquer pourquoi je réagis comme ça. Cette enveloppe, c'est aussi le moyen
de fuir la conversation. Je la déchire rapidement pour en ouvrir le contenu. Seulement quelques mots sont griffonnés sur le papier écru.
Ne viens pas au bal de Noël. Je n'y serai pas. C'est annulé.
À bientôt.
H
H. H comme Harry.
En quelques secondes, je m'empresse de déverrouiller la porte et je cours à l'extérieur. Il fait noir, la neige tombe encore plus que tout à l'heure mais je le cherche du regard. C'était lui. C'était lui et il n'est même pas venu me voir. Juste ces mots qui brisent encore plus mon cœur. Je murmure alors pour moi-même « Harry.. ».
« Louis qu'est-ce que tu fais ? Rentre tu vas attraper froid ! »
Madeleine me crie à l'entrée de la porte alors que je suis toujours debout avec les mots de l'homme que j'aime dans mes mains. Des mots qui ont brisé mon cœur et mon âme. Parce que j'ai compris à travers cette phrase, qu'il n'y aura pas de voyage. Que ce n'est pas le bal qui est annulé, mais bien notre départ.
VOUS LISEZ
Le bal du Lancaster
FanfictionL'histoire est terminée. Vous pouvez acheter la version papier ici : https://www.lulu.com/shop/adeline-ruczynski/le-bal-du-lancaster/paperback/product-e7e8gw8.html?q=Le+bal+du+Lancaster&page=1&pageSize=4