2. Aimer ses alters ?

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Front : Viktor

C'est un sujet qu'on aimerait aborder depuis un moment... et je me retrouve bloqué comme Walter hier, comme quoi, l'écriture est un exercice qui vient plus aisément quand on en prend l'habitude. Il est plus difficile de concevoir et mettre en mots nos idées en ce moment, je m'excuserai moi-même pour ce fait et je vous demanderai d'être indulgents.

D'un point de vue extérieur au monde complexe qu'est la Multiplicité, j'ai l'impression qu'il est de mauvais ton d'aimer ses alters et j'irai même plus loin en affirmant que pour les gens, le simple fait d'être handicapé devrait être une honte. Je m'en réfère aux insultes du style "pauvre gogole" / "sale autiste" / "espèce de taré" / etc. Doit-on les bannir ? Déjà, je pense que l'action serait vaine surtout en France car le français est grincheux et déteste obéir... il ne supporte pas les interdits, nous obtiendrons l'effet inverse. De plus, ce n'est pas du tout le cœur du problème. J'en utilise moi-même dans mes fanfictions par exemple tout en incluant pléthore de personnages handicapés super chouettes et ceux qui utilisent ces expressions seraient prêts à s'attaquer à la terre entière pour protéger les concernés. Je pense qu'on peut séparer les expressions et la psychophobie, ne comprenant moi-même pas l'existence des expressions imagées, je pense qu'on peut les prendre comme un enchaînement de mots désincarnés, c'est ainsi que je ressens les choses. Si ça vous gène néanmoins, rien ne vous empêche d'inventer vos propres expressions en retour... ainsi, l'interdit serait contreproductif mais vous pouvez répondre "espèce de neurotypique" ou "pauvre valide", l'effet est assez amusant.

Nous avons le droit d'être handicapé ou malade ou que sais-je et d'être heureux en même temps... c'est compliqué à concevoir pour un valide qui est en PLS au moindre rhume de voir quelqu'un avec un bras cassé continuer ses activités comme si rien n'était avant d'aller voir un médecin le lendemain. Je prends cet exemple pas du tout au hasard, c'est arrivé à une star de se casser le bras et continuer ses interviews avant de déclarer qu'elle avait le bras cassé depuis quelques jours ce qui a soulevé une horde de "faaake". Ce n'est pas de notre faute si vous êtes faibles et oui, un schizophrène peut parfaitement tenir une discussion avec plusieurs personnes tout en ayant des hallucinations et ce n'est pas de sa faute si vous vous sentez incapables... ce n'est pas parce que ça semble impossible que ça l'est. Alors certes, quand vous avez mal quelque part, vous êtes probablement incapables de continuer vos activités et vous vous sentez malheureux mais quand la douleur est notre quotidien, on finit par s'y habituer et on ne passera pas notre vie à se lamenter. On peut être handicapé et heureux. On peut même être heureux ou fier d'être handicapé, ne vous en déplaise.

Mais comment ? Pourquoi ? Déjà, il faut comprendre que notre maladie ou notre handicap nous a façonné... ainsi, beaucoup de personnes autistes ne voudraient pas qu'on leur retire leur autisme parce que toute leur vie et leur perception du monde changerait. Si on retire l'autisme d'une personne autiste alors on retire l'autiste en même temps... en quelque sorte, ça serait comme vous demander si vous voudriez être une autre personne. Ce serait comme tuer ce qu'on est actuellement pour le remplacer par une version qui n'est pas nous. C'est vraiment effrayant, c'est une sorte de mort. C'est pour ça que beaucoup de gens ne voudraient pas qu'on retire leur handicap. Est-ce pour autant une raison d'être heureux de notre handicap ? Disons qu'il existe une différence énorme entre être heureux malgré le handicap et être heureux d'être handicapé... et je dirais que la deuxième option est vraiment dure mais qu'on le mériterait.

Quand vous détestez vos alters, vous n'avez pas d'autre choix que de vous détester vous-même. C'est très compréhensible, je pense qu'on passe tous par-là. Qu'est-ce qu'ils foutent là ? Pourquoi ça m'arrive à moi ? Ils pourraient pas partir ? Non seulement c'est une réaction classique mais ça peut arriver régulièrement... cependant, je le répète mais ne pas aimer ses alters, c'est se haïr soi-même. On devrait tous avoir le luxe de les aimer parce qu'au-delà d'apaiser moultes tensions, il s'agit d'amour-propre. Aimer ses alters c'est s'aimer soi-même et on devrait tous avoir la chance de s'aimer soi-même. Quand on a vécu des choses difficiles dans sa vie, c'est compliqué de s'aimer... et c'est déjà un premier pas dans l'acceptation de ses alters car si vous vous détestez vous-même, vous pouvez commencer par apprendre à aimer un alter. Certes, c'est déjà de l'ordre de l'amour-propre mais c'est quand même plus facile d'aimer quelqu'un d'extérieur que soi-même. Ce quelqu'un d'extérieur est peut-être à l'intérieur mais c'est comme tisser une relation avec autrui, ainsi, c'est plus simple que de s'aimer soi. Je sais que ça craint vraiment d'avoir des sautes dans sa conscience de soi mais c'est comme ça et on ne peut pas changer ce fait... autant s'en servir et essayer d'en tirer du positif.

DELTA II Journal d'un SystèmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant