Asmar
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La fête des Lumières, quelle ineptie ! C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai pris l'habitude de la planifier une ou deux semaines à l'avance. Il faut que je fasse comprendre à mon peuple que ça n'a pas d'influence qu'elle soit organisée durant la pleine lune ou non. J'en ai fait ma priorité : leurs superstitions doivent cesser et un jour, je leur montrerai mes pouvoirs.
La vérité est que je n'ai aucune idée de la manière dont ce peuple crédule réagira lorsqu'il apprendra que son dirigeant n'est pas tout à fait humain. Au mieux de la stupéfaction, au pire un soulèvement.
Or, je n'ai pas besoin qu'ils se rebellent. J'ai besoin qu'ils m'admirent. Le moment n'est pas encore venu mais ne tardera plus, car ce n'est qu'une question de temps pour que les artisans et les forgerons achèvent de s'affranchir du joug infernal que leur imposait l'Émirat d'Argent.
Tout ça grâce à moi et à ma politique d'austérité.
Des conseillers de mon entourage sont toutefois quelque peu inquiets de l'image que je continue, malgré mes efforts, de renvoyer aux gens. Il paraît que je suis jugé peu raisonnable, assez frivole et plutôt jeune.
Je devrais remettre les pendules à l'heure. Pour tout le monde. Leur montrer qui je suis vraiment.
Ma distraction préférée était particulièrement peu réceptive aujourd'hui. Il commence à s'habituer. Il est trop intelligent pour retomber dans le piège que représente la porte de sa cage laissée ouverte, je dois essayer de trouver une autre ruse qui le prendrait au dépourvu et dans laquelle il sauterait pieds joints, s'il le pouvait.
Même si les échines se courbent sur mon passage, l'agitation de tous ces domestiques ignorants est palpable. Tout le monde se presse autour des préparatifs d'une fête pour laquelle je n'ai aucune appétence. J'adore m'amuser, en général, et depuis que je suis au pouvoir, j'aime plus que tout voir ce petit monde en pleine effervescence. Mais lorsqu'il s'agit de cette insupportable fête dont la signification n'a ni queue ni tête à mes yeux, je suis particulièrement irrité.
Je réfléchis en déambulant dans les couloirs du palais. Outre la liberté, que pourrait bien désirer mon prisonnier ? Si je ne lui accorderai jamais son autre vœu le plus cher : la mort, rien ne m'empêche cependant de la lui faire entrevoir, en lui montrant mes Ombres, par exemple.
Non, ce serait une bien mauvaise idée. Surtout maintenant, me raisonné-je.
Je m'arrête à l'entrée du jardin de la concubine, spécialement renommé et aménagé sur mes ordres pour ma favorite, afin qu'elle s'y sente le plus à l'aise possible.
Sans surprise, je la trouve en train de lire sur la méridienne disposée au bord du bassin, lequel est entouré de ses plantes préférées.
Je voudrais tant l'approcher, mais je ne peux pas, je ne peux plus. Malgré l'ardent désir de la posséder qui brûle mes entrailles dès qu'elle est à mes côtés, j'ai parfaitement conscience qu'elle m'affaiblit.
Pourtant, le besoin de sa présence est plus fort que l'urgence de m'en séparer.
De ce que j'en sais actuellement, ce petit bout de femme appliqué à s'instruire est l'une des seules personnes au monde à pouvoir contrer mes capacités. Pourtant, en attendant de départager mes sentiments contradictoires à son égard, j'épie de loin cette agréable menace faire face à l'océan de solitude que je lui impose.
Sa mise à l'écart est un mal nécessaire qui me peine.
Personne n'a le droit de lui parler, sauf mon bouffon pour la faire rire. C'est un imbécile heureux qui a grandi sous l'ancien Sultan. Terriblement idiot, mais sachant se battre et qui m'adule avec sincérité. C'est d'ailleurs le seul homme que j'autorise à pénétrer dans l'aile qui abrite le joyau de mon cœur.
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Bringer Of Darkness [ Finaliste du concours Victoire sur Fyctia )
FantasyCondamné à vivre dans un mutisme et une indifférence totale, Altaïr n'aspire qu'à une chose, en finir. Nouriya, l'épouse préférée d'Asmar, envisage de prendre de droit une liberté qui ne lui a jamais été offerte. Quand le palais est pris d'assaut, N...