Nouriya
« Plus je t'observe et plus je le réalise, c'est tout. »
Altaïr a deviné mon passé de voleuse de rues. Il l'a fait aussi facilement que Soan avant lui.
Mais pas de la même façon.
Lorsqu'il a trouvé le moyen de m'approcher au palais, Soan m'a confié que c'était la Dame qui le lui avait dit.
La Dame est sûrement le nom qu'il donne à ses visions, en fin de compte. Ces choses qu'il voit, qu'il devine, et qui m'affirment que c'est un Porteur de Lumière.
Altaïr lui, n'a pas de Dame, et donc pas de visions. Il n'a pas non plus eu droit aux rumeurs de la Cour qui auraient aussi pu parvenir aux oreilles de Soan.
— Tu ne manges pas ? demande Soan en levant à peine les yeux de son plat.
Il s'empiffre comme s'il n'en avait plus eu l'opportunité depuis des jours alors que je sais pertinemment que ce n'est pas le cas, puisque c'est moi qui m'assure que nous mangions à notre faim.
Je lui jette un coup d'œil mauvais, puis continue mon observation distraite des lieux. Devant moi je vois des laissés pour compte, des voleurs, des gens étranges et des filles de joie évoluer dans l'indifférence la plus totale à notre présence.
Quant aux personnes qui tentent leur chance dans de bons larcins, je les connais. J'ai été l'une d'entre-elles.
Je repère ceux qui ont quelque chose à voler avec une aisance déconcertante.
À l'époque, un battement de cils suivi d'un déhanchement provocateur, le tout conclu avec un sourire, promesse d'un agréable moment à venir pour que ces messieurs se retrouvent plus légers de quelques pièces.
Puis vint le jour où je suis tombée sur la mauvaise personne. J'ai commis une erreur de débutante et chef de la bande a vendu ma liberté pour racheter la sienne.
Je pensais avoir gagné une famille, mais j'ai tout perdu à cause d'une maladresse.
La porte d'entrée de la taverne grince et j'arrête de ressasser mon passé pour me concentrer sur le moment présent. Un brouhaha excité pénètre dans l'établissement : des soldats viennent de rentrer bras dessus bras dessous. Ils arrivent en nombre pour se saouler dans les tavernes depuis leur déroute à l'Émirat d'Airain. Ayant survécu à l'improbable, ils n'ont aucune envie d'en faire plus. Certains racontent des histoires rocambolesques, ils disent que le palais était préparé à l'attaque-surprise, ils affirment avoir été les témoins de phénomènes étranges.
Une jolie brune glousse quand l'un des hommes la met à l'honneur au détriment des autres, son rire me renvoie à une époque de mon passé que j'aimerais pouvoir oublier.
Le fonctionnaire qui avait vu clair dans mon petit jeu était si fier de son acquisition, qu'il me montrait comme un trophée. Mais il est dangereux de convoiter les privilèges que seuls les plus puissants se pensent en droit de posséder et afficher.
Ainsi, Asmar eut vent du fait que ses courtisans louaient la beauté de la nouvelle esclave de l'un des fonctionnaires de l'ancien émir. Un jour, il a tout naturellement demandé à me voir de ses propres yeux.
Je n'ai plus jamais quitté le palais une fois que l'on m'y a amenée.
C'est des racontars des hommes qui s'épanchent dans ce rez-de-chaussée qui pue l'alcool et la transpiration que je tiens toutes mes informations.
La plus importante et inquiétante de toutes ? Le palais d'Airain n'est pas tombé et Asmar continue de siéger sur le trône qu'il a fait forger lorsqu'il a pris le contrôle de la ville, quelques années auparavant.
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Bringer Of Darkness [ Finaliste du concours Victoire sur Fyctia )
FantasyCondamné à vivre dans un mutisme et une indifférence totale, Altaïr n'aspire qu'à une chose, en finir. Nouriya, l'épouse préférée d'Asmar, envisage de prendre de droit une liberté qui ne lui a jamais été offerte. Quand le palais est pris d'assaut, N...