Altaïr
On frappe à la porte et je relève la tête. Sans attendre une quelconque autorisation de ma part, Nouriya entre. Comme tous les jours depuis notre arrivée et depuis que j'ai repris mes esprits, elle me découvre assis au bout du lit.
Elle pose sur la table un panier rempli de dattes et d'oranges, puis verrouille l'entrée.
Je jette un vif regard sur ce qu'elle vient d'apporter quand elle se retourne pour me faire face. C'est là que sa présence éclipse tout ce qu'il y a autour.
Même délestée de ses atours dorés, utilisés pour soudoyer les gardes sur le rivage, elle reste très belle. L'attirance que j'ai pour elle est un piège : je ne la connais pas et je devrais me méfier davantage, comme je le faisais jadis, à la cour de Jawhira, mais je n'y parviens pas.
Pourtant, je vois ce qu'elle est.
J'ai déjà compris qu'elle n'a pas appris à évoluer parmi les nobles et qu'elle a plutôt fait ses armes auprès d'une toute autre engeance de la société.
Les questions me brûlent les lèvres sans que je ne trouve le courage de les formuler à haute voix. Je me doute que Nouriya ne sait rien concernant cette histoire de boussole, et que le cerveau de l'opération est en réalité Soan.
Comme elle l'a elle-même affirmé : il faut lui faire confiance. Mais ça non plus, je n'y arrive pas. Ce dernier possède quelque chose de dérangeant.
Les yeux de Nouriya sont plantés dans les miens, elle s'avance et tend la main vers moi pour me dégager le visage. Je sens ses doigts caler une mèche de mes cheveux noirs derrière mon oreille. Elle profite du geste pour me caresser la joue :
— Bien reposé, Altaïr ?
Je hoche la tête et elle pince les lèvres en soufflant par le nez. C'est le deuxième jour qu'elle essaye de m'arracher un mot de la bouche avec de petites attentions. Elle pense m'amadouer, m'appâter comme on tente d'apprivoiser un animal apeuré. Hélas pour elle, depuis que Soan m'a effrayé, je me suis réfugié dans un mutisme à toute épreuve.
Je préfère le silence à une parole malheureuse, car si je crois savoir à quoi m'en tenir avec Nouriya, j'admets que je ne sais toujours pas quoi penser de Soan.
Je n'ai plus revu ce grand blond aux allures louches. Il n'y a plus que Nouriya qui vient m'apporter des choses. Si c'est comme hier, elle va m'offrir un dernier regard langoureux, puis disparaître et me renvoyer à la solitude que j'ai appris à tant chérir.
— Heureusement que je t'ai entendu parler il y a deux jours, j'aurais fini par croire que tu es muet, tu sais ?
Mais quelque chose me dit qu'aujourd'hui, tout sera différent.
Sur ses lèvres pulpeuses se dessine un sourire et ses yeux rieurs invitent mon appréhension à s'évanouir.
Je baisse la tête, mais elle me relève le menton. Ses mains se frayent un chemin à travers ma tignasse négligée et je me raidis quand elle me monte dessus à califourchon. Elle emprisonne mon bassin entre ses jambes et mes bras restent ballants, je ne sais plus quoi en faire. On m'a ôté la possibilité de les utiliser, et désormais je n'en ai plus envie.
Elle caresse mes cheveux et le souffle chaud de sa respiration qui effleure ma joue me fait frissonner de l'intérieur. La mienne se mélange à la sienne avant que nos bouches ne finissent par se rencontrer. Ma mâchoire se crispe, mes lèvres se pressent l'une contre l'autre pour les garder scellées et je ferme les yeux. Résignée, Nouriya se détache, et murmure :
— Nous ne te voulons pas de mal, tu sais.
J'ouvre les yeux :
— Non. Tout ce dont je suis au courant pour l'instant, c'est que vous voulez juste mon sang, lâché-je sèchement.
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Bringer Of Darkness [ Finaliste du concours Victoire sur Fyctia )
FantasiCondamné à vivre dans un mutisme et une indifférence totale, Altaïr n'aspire qu'à une chose, en finir. Nouriya, l'épouse préférée d'Asmar, envisage de prendre de droit une liberté qui ne lui a jamais été offerte. Quand le palais est pris d'assaut, N...