Prologue - Un soir d'été

58 11 10
                                    

-- 1er Septembre 2004 -

Matthew

La chaleur incessante de cet été qui arrivait à son terme, venait s'écraser franchement sur mon visage d'enfant. Plusieurs mèches de mes cheveux noirs, venaient épouser mes fines paupières se rétractant à l'exposition de cette lumière virulente. Néanmoins, elle semblait être plus supportable, lorsque qu'un léger vent vint souffler entre les entrailles du carillon. La douce mélodie se mélangea aux chants des cigales, prononçant leurs plus belles notes afin d'attirer leurs prétendantes. Cette délicate symphonie parcouru avec allégresse mes petites oreilles. Les feuilles des arbres se caressaient et dansaient entre elles avant que la pénombre ne décide de s'installer, laissant la possibilité à un autre monde de faire place.

Mes pieds pataugeant assidument dans la large bassine bleue, j'entendais de la terrasse en bois ma mère préparer le repas du soir avec entrain. L'eau qui bout, les assiettes qui se touchent et se retouchent, la lame du majestueux couteau japonais venant fendre les légumes puis la viande finissant ainsi sa trajectoire dans l'épaisse planche de bois. Les portes des placards qui se ferment et se réouvrent, les couverts tombant dans l'évier n'étant plus d'aucune utilité, tels sont les sons que j'entendais tous les soirs, à la même heure, créés par la même personne. Je les connaissais par cœur et je rêvais d'un jour pouvoir les reproduire.

Mangeant avec grande gourmandise ma glace à l'eau, j'observais patiemment chaque chose qui m'entourait. Les alentours étaient calmes et uniquement boisés de dense nature. La maison typiquement campagnarde était parfaitement assortie à notre voisine la forêt.

Le soleil n'allait surement pas tarder à aller rejoindre Morphée. Les cigales partirent s'abriter, le chant des oiseaux cessèrent, et d'innombrables billes de lumière vinrent se former dans l'immensité du ciel. L'étoile du Berger ayant l'éclat le plus rayonnant, se mit à briller la première sous mes yeux. Ma mère disait qu'elle était ma bonne étoile, étant né précisément à son apparition. Je capté la senteur exquise, des plats si appétissant de ma maman. C'est définitivement le moment que je préférais de la journée. A ce si chaleureux tableau on pourrait croire, que ma famille fait partie des meilleures, qu'elle s'apparente à une atmosphère aimante et conviviale. Seulement, les secrets sont bien cachés.

La voix satinée de ma mère m'appela, m'obligeant malgré moi, à m'extirper de ma confortable bulle pour dresser la table. Je déposai le bâtonnet de ma glace largement bien terminée sur les planches de bois et accourra afin d'effectuer ma tâche demandée. Saisissant avec précaution les trois assiettes, je les posai à des emplacements précis sur la table à manger. Je rebroussais chemin pour aller chercher le reste, lorsque l'élocution particulière du journaliste provenant de la télé m'interpella.

... en fin d'après-midi, deux corps ont été retrouvé à leur domicile dans le centre de la ville. Il semblerait que les faits se soient produits aux alentours des 17h. Le coupable n'est pour l'instant pas déterminé étant donné le peu de caméra en fonction, l'affaire se poursuivra-

— Matthew, coupe-moi immédiatement la télé et vient passer à table.

— Oui, maman.

Durant mon moment d'absence, ma mère s'était chargée de mon obligation non accomplie. Me hissant de mes bras, je m'asseyais alors sur la chaise et commença avec appétit mon repas. Nous mangions comme d'habitude en silence, seul le bruit de nos couverts en métal se faisaient entendre. J'aimais observer ma maman manger, elle était très belle, avec un visage fin et pâle, ses longs cheveux noirs étaient si soyeux que je pourrais passer mes journées entières à les brosser. Ce que j'aimais le plus chez elle, c'était ses yeux marrons, si profonds et puissants. Ils avaient ce don, d'envouter n'importe qu'elle personne, sauf peut-être une.

Je regarde alors la place encore vide, et la fumée s'échapper de l'assiette encore bien chaude.

— Papa ne rentre pas à la maison ?

— Il rentrera probablement dans la nuit, comme à son habitude.

— Pourquoi papa rentre toujours aussi tard ?

Son regard se fit plus sévère, ou plutôt plus apeuré. Je voyais ses mains se contracter durement autour de ses couverts, les faisant grincer. Le son était tiraillant et désagréable. Je n'étais pas encore assez perspicace pour comprendre que j'avais certainement touché la corde sensible et qui plus est, ma mère savait une chose qu'elle ne préférait pas savoir.

J'étais certes encore qu'un jeune enfant mais ses yeux en disaient long, et je l'avais interprété de manière à faire taire mes propos.

— Cesse de poser des question et mange.

Ses paroles étaient rugueuses comme la langue d'un chat, je n'osais les contredire. Le repas se termina une fois de plus dans les plus froids des silences, je trainais les pieds, ramenant la vaisselle dans l'évier que ma mère s'apprêter à laver. La fatigue commençait à peser sur mon esprit, mes bâillements se faisaient plus nombreux et réguliers. A chaque fois mes yeux se plissaient laissant couler quelques gouttes d'épuisement.

— Va te nettoyer les mains et le visage et pars te coucher Matthew.

— Oui.

Allongé dans lit douillet, je me tournais, me retournais ne parvenant pas à trouver le sommeil. La main posé sur mon cœur, je l'entendais battre vivement comme si l'angoisse s'était emparée de mon être. J'attendais perplexe le retour de mon père, au fond j'en avais terriblement peur, mais je voulais mettre un doigt sur cette question que je pose sans cesse.

Qui est véritablement mon père ?

Je discernais subitement le bruit de la porte qui s'ouvra puis claqua nonchalamment. Je sortis en vitesse de mes draps et descendis quelques marches d'escalier, restant un peu en retrait pour observer de loin la scène qui était en train de se dérouler sous mes yeux.

Mon père vêtu d'un lourd blouson en cuir noir et d'une casquette de la même couleur, avait constamment ce sourire effrayant que je ne supportais pas.

Un sourire de psychopathe.

Il déposa sans aucune douceur sa grande mallette marron sur la console à l'entrée, il l'ouvra lentement, y pénétra son bras puis en ressorti un long couteau. Un couteau imbibé par le sang d'un rouge si opaque qu'on pourrait croire qu'il était tout juste sorti des enfers.

À cette image si effroyable, je fis marche arrière et me rallongea très peu serein dans sous ma couverture. Mon cœur battait à mille à l'heure, encore plus lorsque les pas lourds de mon géniteur montaient progressivement les marches d'escaliers. Aux grincements de ma porte coulissante, je compris que mon père venait de rentrer dans ma chambre.

Il s'accroupit à mes côtés, caressa de sa main meurtrière ma joue puis chuchota dans mon oreille :

— Je suis de retour mon fils.

𝐋𝐘𝐈𝐍𝐆 𝐅𝐎𝐑 𝐘𝐎𝐔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant