Chapitre 10 - Brise printanière

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— 12 Avril 2020 —

Matthew

Amaryllis aimait les jonquilles. Elle aimait les admirer pendant des heures, jusqu'à ce que le soleil aille se coucher. Nous pouvions passer tout notre temps dans les champs en fleurs, sur notre tapis de pique-nique. Elle en train de lire, moi en train de lui confectionner une couronne de fleurs. J'essayais de la faire de toutes les couleurs, jaune, rose, violet et bleu. C'était les nuances prépondérantes qui nous entouraient. Occasionnellement, j'attardais mon regard sur ses yeux posés sur les pages, je détaillais les traits de son visage, la forme de ses lèvres, la finesse de son cou. Ses épaules étaient ciselaient dans le marbre et son cœur taillé dans l'or. J'aimais m'imaginer lui saisir ses mains de porcelaine, caresser chacun de ses doigts, les embrasser. Elle éveillait tout mon être lorsqu'elle se mouvait pour changer de position. Involontairement, elle laissait à découvert sa nuque, je voulais la chatouiller d'herbes et de fleurs. Je souhaitais qu'elle tressaute et qu'elle en rit. A la place, une de ses mains s'aventure dans ses cheveux aux filaments de lumières. Le soleil leurs donnait des reflets et accentuait cette allure de muse qu'elle avait.

Quand j'eus fini son diadème floral, je lui pose sur le haut de sa tête, le sourire jusqu'aux oreilles. Elle le toucha du bout des doigts, lâcha son livre en glissant un marque page au bon endroit et entoura mon torse de ses bras. Je m'entendais rire avec une aisance dont je n'avais pas l'habitude. Elle s'amusait à me taquiner tout en m'incendiant de baiser dans le cou, sur les joues, le nez et le front. Je pu reprendre ma respiration qu'une fois ses lippes loin de moi. Elle m'épiait, avec ce sourire espiègle qui me faisait rêver.

- C'était pour te remercier, fit-elle en joignant ses mains et ses doigts entre eux.

- Je pense avoir bien saisie. C'était... inattendu.

Inattendu. C'était vraiment le mot qui définissait le mieux notre relation. Je ne l'avais pas vu venir et je n'imaginait pas qu'elle m'apporterait tant. Elle faisait mon bonheur à tous les niveaux, du moins presque. Il y avait bien quelque chose que je me refusais de lui dire car je savais qu'elle ne l'accepterai pas, qu'elle s'en irait. Et je ne le voulais pas. Amaryllis était le seul pilier qui me permettait de tenir, je refusais de la perdre.

- Enfant, j'habitais dans un coin de campagne. Il y avait la montagne, la forêt et les plaines. On entendait les cloches des vaches et le bêlement des moutons.

Amaryllis m'écoutait avec une attention toute particulière. Je continuais donc mon récit.

- Je vivais avec ma mère. Elle était belle, vraiment très belle. Elle avait ces cheveux ébènes qui me faisaient penser aux corbeaux. Mais elle ressemblaient davantage à une colombe, je dis à voix haute étant encore novice en langue des signes.

- Comment s'appelle-t-elle ?

- Maria.

Pour une raison que j'ignore, elle semblait être touchée par la suite de mon histoire. Je lui racontaiscertains de mes souvenirs sans pour autant rentrer dans les détails. Mais ca avait 'air de lui suffire.Elle s'était rapprochée de moi, une main dans la mienne, les doigts si bien entrelacés que je doutaispouvoir m'en défaire. Lorsque ça devenait plus compliqué, que ma voix ou mes mains tremblaient, jebrossais ses cheveux demes doigts jusqu'à ce qu'elle se plaigne d'avoir était transformée en poupéede chiffon. J'en ri, elle aussi et je me retrouve à penser que je suis pleinement heureux de l'avoiràmes côtés. Elle est cette lumière qui me manquait.

— 5 Mars 2023 —

Matthew

Le réveil fût difficile. Les souvenirs s'étant logés dans mon rêve, je ne voulais plus en sortir. C'était si réel, si proche, si là. Elle était tout près, elle me souriait comme si rien ne s'était passé et je n'avais plus ce poids immonde qui me pesait sur le cœur. Je n'arrivais même pas à me redresser, à quitter le matelas qui m'engloutissait. Mais il fallait se lever et continuer même si cela voulait dire marcher sur du feu. A chaque fois que je prenais le temps de me poser devant le miroir, je ne voyais que cette ombre qui me hantait. Celui que j'ai tant haïs, faisait maintenant parti de moi. Je lui ressemblais, en tous points et c'était déchirant. Je voyais en moi, le regard qu'il m'avait toujours porté. Indifférent, noir et complétement dévastant. Je plonge mes doigts sous l'eau qui coulait à flot et nettoie en moi toutes les traces de souille qui désormais me brûlaient à chaque fois que j'ose faire un pas.

J'allume la radio, me fait couler un café et allume une cigarette. Elle ne supportait pas l'odeur de la fumée. J'ouvre en grand la baie vitrée et regarde la ville s'éveiller. Ma campagne me manquait. Amaryllis me manquait.

Fatigué, je tire une énième latte avant que je perçoive au loin mon téléphone qui vibrait sur la table. Je viens écraser ma cigarette puis décroche.

- Alors, comment se passe ton nouveau job ? résonne une voix grave à travers l'écran.

- Plutôt bien pour l'instant. Le plan avance.

- Il avance ? l'homme derrière le téléphone se mit à rire. Matthew, ça va faire bientôt deux mois que tu es là-bas. Ton dernier rapport remonte à des semaines.

- J'ai besoin de plus de temps.

- Pourquoi ?

- C'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin.

Je l'entendis soupirer, j'étais persuadé qu'à ce moment même, il était en train de se pincer l'arête du nez.

- Matthew, c'est simple. En tant que tueur à gage, je veux que tu me ramène celui qui s'est infiltré dans cette fac. Il a plusieurs meurtres et viols en bagages. On ne peut pas se permettre de traîner. Le proviseur a fait appel à nous mais si nous ne répondons pas à ses attentes, tu peux dire adieu à ton fric.

- Vous faites tout ça pour l'argent ?

- Pas toi ?

Pourquoi je faisais tout ça ? À-vrai-dire, je n'en savais rien. Le pire dans tout ça, c'est que je pensais pouvoir atténuer la gravité de mes actes en ne m'en prenant qu'à des meurtriers eux-même. C'était naïf de penser que j'en étais moins coupable.

- Vous m'avez donné jusqu'au mois de juin pour vous le ramener. Je respecterai le délais. Ne m'appelez pas avant que je le fasse. Et n'envoyer pas vos hommes pour accélérer le processus. Je n'hésiterai pas à vous les réexpédier.

Je raccroche brutalement et balance mon téléphone sur le canapé. J'avais horreur d'être ramené aussi violemment à la réalité. J'avais définitivement besoin d'un autre café et d'une énième clope.

Le temps était au rendez-vous et j'espérais trouver un peu de réconfort en me rendant à mon prétendu lieu de travail. Les élèves étaient tous plus ou moins motivés pour assister aux cours de la journée, beaucoup avaient pris l'habitude de me saluer ou de venir me poser des questions sur certaines leçons sans même se douter qui se trouvait derrière cette casquette. Parmi toutes ces personnes, je cherchais du regard la jeune femme qui arrivait normalement toujours dans les premières. Elle était toujours accompagnée de ses deux amies, aux caractères forts agréables.

Cependant, en arrivant aujourd'hui dans l'amphithéâtre, elle n'était pas auprès de ses acolytes. Un jeune homme, aux lunettes rondes et aux bouclettes tombantes se tenait à ses côtés. Je le trouvais bien proche et à l'aise avec elle. Un frisson de jalousie me parcoure la nuque lorsqu'il prit la pile de livres qu'elle tenait dans ses bras pour l'aider. C'était la première fois que je les voyais ensemble et c'était suffisant pour gâcher ma journée.

𝐋𝐘𝐈𝐍𝐆 𝐅𝐎𝐑 𝐘𝐎𝐔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant