Chapitre 11 - Une lune sans son étoile

10 2 2
                                    

Matthew

Je n'avais cessé de perdre le fil et d'être obnubilé par la proximité de ce jeune homme envers Amaryllis. Ce cours m'avait paru extrêmement long et à-vrai-dire, je n'étais même pas certain de ce que j'avais pu raconter durant ces deux heures. Alors que j'étais sur le point de clôturer ce cours, dos à mes élèves pour effacer ce qui se trouvait sur le grand tableau, j'entendis des rires bien singuliers, moqueurs. Je me tourne vers ce bruit en question et ne peux refouler mon agacement en voyant deux idiots rires, le regard braquer sur Amaryllis. IIs se moquaient ouvertement d'elle, en effectuant des grimaces d'une prouesse particulièrement détestable. Ils reproduisaient avec un dédain inimaginable, les différents gestes qu'elle signait pour se faire comprendre.

La jeune femme ne semblait pas les avoir remarqués et pour ce fait, l'étudiant qui l'accompagnait bloquait volontairement toutes ces railleries. J'eu tout d'un coup de la sympathie pour lui. Quant à moi, je quitte d'un pas ardant le pupitre et me dirige vers ces imbéciles. Les poings serrés, je gravis les marches jusqu'à leur faire face avec une mince idée de ce que je pourrais leur faire.

- Alors, on s'amuse ?

Ils perdent tout de suite de leurs couleurs et moi, je me fais plus grand, plus imposant que jamais. L'un déglutit et l'autre lui fait mine de regarder ailleurs. Je me penche sur leurs bureaux, les mains fermées. Je sens que mon dos se bombe sans même le vouloir, que mes omoplates s'espacent et que mes muscles se gorgent instantanément.

- Vous voulez nous faire part de votre petit numéro ?

Un grand silence s'installe dans l'amphithéâtre et toutes les têtes que je peux voir se tournent vers nous.

- Quels genres de complexes vous pouvez avoir pour vous moquer ouvertement de quelqu'un qui ne vous entends même pas ?

- C'était seulement pour plaisanter...

- Plaisanter ?

Le silence se fit plus intense, plus tendu, on n'entendait plus que le bruit de la clim qui soufflait de l'air chaud et les aiguilles de l'horloge qui tournaient à mesure que le temps passe. Je savais que je devais me tenir et ne pas aller au-delà de certaines pulsions, il ne fallait pas que mes pensées aillent plus loin que de simples mots.

- Je pense sincèrement que vous n'avez pas la bonne définition du mot « plaisanter ». Vous allez donc me faire le plaisir, de me rédiger un exposer à ce sujet. Je le veux pour la fin de la semaine.

- Mais on est déjà mercredi ! se plaint l'un des deux.

- Pour la fin de la semaine, j'ai dit.

Je me redresse encore profondément à cran tout en m'éloignant vers le pupitre avant de prendre mes affaires et de m'en aller. Ça faisait longtemps que je n'avais pas ressentis cette impuissance, ce non contrôle des choses qui pouvaient m'entourer. J'avais oublié qu'à l'époque j'étais là pour elle, là pour chasser la moindre ombre. J'avais oublié qu'une fois parti, je ne serai plus en mesure de la protéger. Elle serait de nouveau confrontée à un monde qui n'a pas de compassion ni de raison. Mais, je savais qu'elle détestait être couvée. Elle me disait toujours qu'elle savait se débrouiller, qu'elle savait avancer sans tomber. Et que même si ça devait arriver, elle se relèverait. C'était toute fois plus fort que moi. Je ne supportais pas d'entendre les gens se moquer alors qu'elle ne s'en apercevait pas. Je ne comprenais pas comment elle arrivait à l'encaisser.

Par moment, je réalisais, qu'elle était nettement plus forte que moi.

De nouveau, une journée s'était écoulée alors que je me contentais de la regarder de loin. Son ami était toujours à ses côtés et semblait avoir remarqué ma présence. II n'avait pas l'air le moins du monde effrayé et encore moins mal à l'aise. II vérifié de temps en temps si j'étais encore dans le coin et n'hésitait pas à s'attarder pour me regarder dans le blanc des yeux.

Lorsque Amaryllis et lui se séparèrent à l'entrée de la fac, il se dirigea vers moi d'un pas assuré. II faisait soudain beaucoup plus adulte et avait laissé son coté innocent et juvénile de côté.

- Bonsoir M. Shelby, se prononce-t-il en me tendant une main. Je fais partie de votre promotion, je m'appelle Dan.

- Tu es un ami à Amaryllis ? je lui demande en venant serrer la main qu'il me tend.

- Vous vous connaissez ?

- Plus ou moins, je dis en lâchant sa poigne.

Il m'observe, méfiant, avant de dire

- J'ai raison. Vous la connaissez.

Il savait. Et c'était intéressant de voir à quel point certains avaient un instinct assez développé. En revanche, j'ignore s'il me considère comme quelqu'un de néfaste.

- Vous avez pris sa défense ce matin. Et plus que n'importe qui, ca semblait vous tenir à cœur.

- Tu en déduis beaucoup pour un simple détail.

- Ça ne l'est pas. Ce n'est pas un détail d'être moquée pour son handicap. Jusqu'à lors, j'ai toujours fait en sorte qu'elle ne remarque pas ces personnes si imbus d'elles-mêmes. Ses amies ont toujours fait pareil. Alors, s'il vous plait, ne les provoquez pas et ne faites pas voir à tout le monde ce qu'il se passe.

- Tu insinues qu'il faut les laisser faire et ne pas intervenir ?

- Non, je vous demande de ne pas envenimer les choses et de ne pas lui prouver qu'elle n'aura jamais une vie d'étudiante comme tous les autres.

Je ne supportais pas d'être pris au piège, je refuser de croire qu'il avait raison.

- Le jour où elle apprendra qu'elle est constamment moquée, elle en sera davantage blessée. Je suis étonné que son propre ami ignore ça. Elle préférerait en être consciente plutôt que d'être ignorante.

- C'est justement parce que je suis son ami, que je veux la protéger.

- Qui t'a demandé de le faire ? Elle ?

- Non. Mais vous savez, vaut prévenir que guérir. Alors, ne vous mêlez plus de sa vie.

Vraisemblablement, il cachait bien son jeu. Il n'y avait rien de plus frustrant que de ne pas avoir le dernier mot. D'autant plus que je savais qu'il la dirigeait dans un précipice. Comme je l'ai fais, auparavant. C'est en lui cachant des choses et en lui mentant que j'ai fini par la perdre tragiquement. Et maintenant je sais, que jamais je ne m'en remettrais.

Habituellement, j'avais toujours du mal à trouver le sommeil. La pluie qui tombait me relaxait un peu mais m'empêchait de sombrer, me ramenant à des souvenirs passés. Pourquoi je n'arrivais pas à passer à autre chose ? Pourquoi je n'arrivais pas à me sortir cette image de la tête ? Chaque nuit, elle avait ce même visage dévasté, déformé par le chagrin. Je me souviens de certains détails. Ses mains qui tremblaient. Elle tenait quelque chose d'ailleurs. Ses cheveux étaient mouillés. Pour quelle raison ? Et ses larmes se mélangeaient aux gouttes d'eau sur ses joues. Puis, des cris, des pleures. De la vaisselle qui se brise, la porte qui claque. Et tout ces papiers répandu au sol qui me donnaient le tournis.

Je manquais d'oxygène.

Amaryllis n'était plus là.

Cette soirée continuait à me hanter.

𝐋𝐘𝐈𝐍𝐆 𝐅𝐎𝐑 𝐘𝐎𝐔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant