09. Hiver rugueux

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NDA pré-chapitre :
Juste pour vous préciser que le s à la fin du prénom Nicolas n'est pas muet 🤝

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Souvenirs d'Isadora. À 17 ans.

La professeure fait claquer la règle en bois sur ma table. Je sursaute et me redresse en même temps.

Mon regard se lève vers Madame Levitch munie de sa tête sévère et de ses lunettes rouges au bout du nez. Elle ne tarde pas à jouer de nouveau avec la règle en me tapant le sommet du crâne.

Aïe.

– On ne dort pas dans mon cours, Mademoiselle Dalindov, elle rouspète alors que je me frotte le cuir chevelu.

Quelques-uns de mes camarades gloussent.

– La prochaine fois ça sera une retenue et un rendez-vous avec les parents.

Elle repart vers le tableau à l'autre bout de la pièce, se dandinant dans sa jupe trop moulante – mais surtout trop petite.

Je tente de ne pas prolonger mes battements de paupières durant la demi-heure qui suit. Lorsque la fin de la journée est annoncée par la sonnerie, je me traine en vitesse hors de l'établissement. Tout en bas des escaliers, est garée la même voiture noire que d'habitude. Je grimpe dedans.

Le chauffeur ne dit pas un mot, il vérifie juste que j'attache bien ma ceinture avant de fermer la cloison. Nous roulons jusqu'à ce que le portail en fer de la maison s'ouvre. Le véhicule s'arrête, je descends sans oublier mon manteau et mon sac sur la banquette.

En ouvrant la portière, le froid me hérisse les poils. Je trottine donc en direction de la grande entrée où le chauffage m'apaise aussitôt.

J'ôte mes mocassins avec les talons de mes pieds, me baisse pour les prendre dans une main puis vais les déposer dans le meuble à chaussures.

Je me faufile dans le salon, où je trouve ma mère assise dans l'un des sofas. Son visage se tourne en sentant ma présence. Elle me sourit largement en me détaillant, mais ses sourcils se froncent en s'arrêtant sur mes pieds.

– Comment ça se fait que tu n'ais pas déjà mis tes chaussons ?

Et ça recommence...

– Je les ai oubliés dans ma chambre ce matin.

Ses yeux réprobateurs me parlent avant qu'elle ne le fasse.

– Isadora...

Elle a prolonger la dernière syllabe de mon prénom, signe que son sermon arrive.

– Tu sais que c'est sale de se balader pieds nus. Et ce n'est pas un collant tout fin qui va changer grand-chose.

Je m'apprête à opérer un demi-tour afin de monter les enfiler mais elle me retient.

– Non, attends.

Elle s'écarte, soulève le plaid qui la recouvre et enfin tapote sur la place qui vient de se libérer.

– Raconte-moi ta journée.

Je m'assied en tailleur à côté d'elle sans broncher. Le plaid finit par être enroulé ma taille. Je lui cite ensuite mes trépidantes péripéties d'aujourd'hui. À la fin de mon court monologue, elle s'étonne :

– C'est tout ?

– Qu'est-ce que tu veux qu'il y ait d'autre ?

Ses iris verts sont joueurs et lourds de sens.

WAGERS Où les histoires vivent. Découvrez maintenant