13. Afin d'avoir mal

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Harrison.

Voilà plus d'une semaine que je n'ai aucune nouvelle de la miseuse, elle m'a contacté pour me prévenir qu'elle serait occupée dans les jours avenirs, qu'il lui serait donc difficile de me roder dans les pattes. À mon plus grand désarroi.

Ce qui me ravi c'est qu'elle n'a pas oublié de me préciser qu'elle suivrait un entraînement intensif en attendant notre prochaine séance.

L'idée qu'elle ne va pas me lâcher commence tout juste à rentrer dans ma boîte crânienne.

J'ai profité de ces vacances pour me plomber d'antibiotiques durant soixante-douze heures.

En y réfléchissant, je n'avais jamais boxé comme je commence à le faire. J'ai boxé pour me défouler, pour contourner l'ennui, pour payer mes frais, et pour me faire cogner à une période, je dois l'admettre. Jamais je n'ai boxé pour gagner.

La victoire me laisse un goût amer dans la bouche, contrairement à ce que l'on pourrait penser. Je suis un grand stressé, j'ai des angoisses mais je les fais taire la plupart du temps. Cette fois-ci est différente, j'angoisse de m'exposer comme ça. Malgré moi, je dois faire confiance à une femme qui sort de je-ne-sais-où. Ça doit me créer des cheveux blancs.

Je squatte le gymnase de Richard pour m'occuper l'esprit. Je donne des cours là-bas une ou deux fois par semaine en temps normal, alors je ne vois pas le mal à prolonger mes horaires en attendant que l'agitation de mes pensées se calme. Puis ce n'est pas Richard qui va rechigner.

– Coach Rhys !

Je me tourne vers Ruben, un gamin qui boxe presque autant que moi à son âge.

– Ça vous dit un 1v1 ?

Sa gueule est illuminée par sa connerie. Il sait que je ne ferai pas un combat à la loyal avec lui. C'est une question de principe. Ruben doit avoir dix ans de moins que moi. C'est vraiment un gosse. Il a un bon gabarit et une musculature pas méchante pour son âge mais il vient tout juste d'entrer au lycée. Sans vouloir jouer la grosse tête, il prendrait beaucoup de coups. C'est d'ailleurs pour cette dernière raison que je suis son coach.

Je prédis l'expression qui va remplacer celle qu'il dégaine. Je redresse mes épaules.

– Ouais, allons-y.

Il blêmit du haut du ring comme prévu. Quand il faut porter ses couilles ça devient plus critique.

– Euh... Vous-Vous êtes sérieux ?

Je m'avance et débute la montée des quelques marches.

– C'est toi qui propose, alors si tu te sens prêt, pas de soucis, on peut se battre Ruben.

Il panique tellement que je peine à ne pas exploser de rire. Des sueurs froides se forment sur son front.

– Vous sentez pas obligé, Coach, je plaisantais. Vraiment vous gênez pas, vous avez l'air de vous éclater à passer le balais.

Il bafouille plus que s'il demandait à une fille d'aller boire un verre. J'espère qu'elle au moins aurait pitié de son âme parce que moi je ne peux pas m'en empêcher. Je craque, je me fends la poire. Il pousse un long soupir, soulagé. À croire qu'il a vu sa vie défiler devant ses yeux.

– Ne joues pas au con avec moi, j'arrive à articuler.

Ruben ricane avant de lever les deux mains en l'air, comme s'il était innocent.

– Je peux rien promettre, Coach.

Son large sourire lui donne une tête à claque.

J'ai la forte sensation que tout le monde aime se foutre de moi en ce moment. C'est en effet super marrant de le faire.

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