CHAPITRE 44

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ATMOSPHÈRE: « To build a home, Orchestra »

Demain, cela fera exactement 365 jours que je suis arrivée ici. Plus de cent petites barres faites avec mon propre sang étalé sur le mur devant moi. Je ne voulais pas perdre le compte, je ne voulais pas perdre la notion du temps. Alors, chaque jour, je traçai cette petite ligne, comme une victoire d'avoir réussi à surmonter cette journée. J'avais ce besoin d'être certaine que j'étais encore en vie, que j'avais survécu une journée de plus.

Chaque jour je m'étais réveillée dans cette cave froide et humide. Les murs en béton semblaient se refermer sur moi, étouffant tout espoir de liberté.

Les premiers mois ont été les plus difficiles. Les coups pleuvaient, tant physiques que mentaux. Une question tournait incessamment dans ma tête : pourquoi moi ?

Après le sixième mois, j'ai commencé à remarquer des changements. Comme s'il se lassait de moi, de ma douleur. Enzo semblait moins brutal, il y avait ces rares moments où ils me parlaient. Des bribes de conversations sur sa propre vie, ses regrets, ses peurs.

J'avais appris à écouter, à comprendre et lui aussi. Nos échanges étaient rares, mais ils ont créé un lien fragile entre nous. Lui avait cessé de m'appeler « petite épine » remplaçant peu à peu ce surnom par un autre moins dégradant.

Souvent, le surnom de princesse sortait de sa bouche et même si je ne comprenais pas pourquoi, avec le temps, je m'y étais habituée. Et puis un jour, alors que l'on approchait des huit mois, tout a changé.

Les viols avaient cessé. Et, même si je n'aurais pas dû, j'ai remercié Enzo pour cette faveur. Parce que c'est comme ça que je le voyais. Comme une faveur. Pendant ce temps, je m'efforçais de survivre. Je m'inventais des histoires, des mondes imaginaires pour échapper à la réalité. Les murs jadis sombres étaient recouverts de petit dessin rouge, fait avec mon sang. Je laissais mes pensées s'épanouir sous forme abstraite. La douleur physique était constante, mais ma résilience grandissait.

Le dixième mois approchait à grands pas, Enzo laissait même la porte ouverte maintenant, surement parce qu'il s'avait que je n'avais nulle part où aller.

N'étant plus captive à la cave, je pouvais me promener dans certaines pièces de la maison, je pouvais me doucher, manger...

Nous avions donc passé cet accord. Si je l'aidais, il n'y aurait plus de viol et je pourrais retrouver un semblant de liberté. Il avait même pris la peine de mettre un matelas à la cave depuis une semaine maintenant avec des draps propres. Désormais, ces choses normales me paraissaient totalement absurdes, comme si je devais le mériter. Et c'était le cas, si je voulais quelque chose, je devais travailler dur pour l'avoir.

La journée, j'étais seule la plupart du temps. Il partait dès l'aube et revenait la nuit tombée.

Sébastian m'avait appris quelques recettes de cuisine et, souvent, nous cuisinions ensemble en attendant son retour.

Nous n'avions jamais reparlé de mon enlèvement. À vrai dire, il avait toujours fait comme si rien ne s'était passé, comme si notre relation n'avait pas changé et j'agissais en ce sens moi aussi. Il était la seule personne ici me permettant de garder le peu de sociabilité que j'avais pu avoir un jour.

Revenir sur cette journée ne servirait à rien. Ce qui était fait ne pouvait être changé. Il n'allait pas m'aider à m'enfuir et, moi, je n'allais pas le détester éternellement. Au final, il ne faisait que suivre les ordres de son patron. N'était-ce pas ce que nous faisons tous au final ? De plus, j'appréciais vraiment Sébastian, alors à force je m'y étais faite. Nous avions repris là où nous nous étions arrêtés. Lui le major d'homme paternel et moi la petite étudiante fragile. De toute manière, nous ne nous voyons que quelques heures par jour à peine. Quand Enzo revenait, Sébastian prenait congé jusqu'au lendemain.

LA VERITÉ MENT TOME1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant