Chapitre 5

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Du sang s'écoule le long de ma gorge, pourtant je ne m'entends pas crier au point d'user mes cordes vocales. Tout autour de moi s'est dissipé dans un épais brouillard, ne parvenant plus à distinguer qui que ce soit. Mon esprit m'a plongé dans un noir total bien que mes yeux soient toujours grands ouverts.

Contrairement à la plupart des gens, ce ne sont pas des images qui me reviennent, mais c'est une mise en exergue de tous mes sens qui se déclenche sans prévenir. Je suis en train de perdre peu à peu le contrôle de mes gestes, tapant sans retenue contre cette porte absorbant mes coups sans faiblir.

Soudain, mon corps se retrouve totalement entravé par les bras puissants de mon frère. Sa prise est telle que ma respiration se coupe avant de parvenir à reprendre une grande inspiration.

— Ne me touche pas, laisse-moi tranquille! tenté-je d'hurler.

Ma voix rauque et complètement éraillée me surprend.

— Putain, mais calme-toi Miley, c'est bon les poupées se sont arrêtées ! s'agace-t-il.

Mes muscles se crispent, ne réussissant pas à me dire que nous sommes toujours dans un jeu où tout est factice. À cet instant mon esprit est convaincu que tout est totalement réel.

— Clay, lâche-moi, bordel !

Le sanglot qui accompagne ma demande ne fait qu'accentuer mon côté pathétique et affligeant. Mon frère défait enfin son emprise, pour repartir en direction d'Amy et Tom, tout en levant les yeux au ciel. Il est évident que ma présence lui devient de plus en plus insupportable. Amy me regarde comme si j'étais une folle furieuse, alors que les yeux de Tom expriment plutôt de l'inquiétude et un peu de pitié.

C'est pour cette raison que ma solitude et mes aventures livresques me suffisent amplement dans la vie. Me donner en spectacle est bien la dernière chose dont j'ai envie, et pourtant ce soir trois personnes ont assisté à l'une de mes crises de terreur.

Alors que mon rythme cardiaque se calme lentement, la chaleur qui règne maintenant dans la pièce devient étouffante. Tom propose de commencer à fouiller les poupées pour trouver des indices afin de quitter cette salle. Son ton est particulièrement doux, parvenant à apaiser partiellement la peur qui vibre encore en moi. Je n'avais jamais eu l'occasion de voir à quel point, au-delà de son physique et son intelligence, c'était un homme prévenant.

Sans surprise les indices se trouvent bien sur le corps de certaines poupées, qu'il faut donc déshabiller. Le besoin de sortir d'ici prend le dessus sur mon aversion, entamant le déshabillage de ma dernière poupée. Une goutte de sueur perle sur mon front avant de tomber sur le visage de celle-ci. Ses yeux s'ouvrent d'un coup, m'arrachant un cri de stupeur avant qu'elle ne se retrouve projetée dans les airs. Les trois autres rigolent franchement, pendant que je tente une nouvelle fois de reprendre un rythme cardiaque à peu près normal. Amy se dirige sans hésiter vers ma poupée, elle n'était pas supposée en avoir peur, elle aussi ?

— C'est bizarre, regarde Tom, sa poupée semble être de plus en plus chaude.

Amy la lui tend sans attendre, pour qu'il l'examine d'un peu plus près. Il la relâche rapidement, en confirmant qu'elle est brûlante.

— On devrait peut-être la mettre le plus loin possible de nous, non ? proposé-je.

Pour une fois tout le monde acquiesce, Tom la balançant contre la porte. Rapidement un grésillement se fait entendre, pendant que tout son corps commence à fondre lentement. J'ai de plus en plus de mal à respirer correctement, les cognements de mon cœur contre ma cage thoracique devenant trop violents. Le grésillement devient plus fort, ce qui nous stoppe dans la remise en ordre des lettres pour avoir le bon mot.

D'un coup la poupée prend feu, répétant inlassablement avec une voix d'outre-tombe, une phrase que j'ai du mal à comprendre jusqu'au moment où l'on arrive enfin à trouver le mot, et qu'on s'en approche.

Bienvenue en enfer, bienvenue en enfer, bienvenue en enfer...

Pour la première fois depuis le début du jeu, le visage de mon frère blêmit légèrement, à l'entente de cette phrase.

— Putain Clay, ils ont mis les moyens les mecs pour cet escape game de l'horreur, s'exclame Tom, qui était resté jusqu'à là, très calme.

— Ah bon, tu trouves ? Pour le moment ça ne m'a pas fait bien peur, répond mon frère.

Clay dans toute sa splendeur. Il a ce besoin de toujours montrer qu'il ne connaît pas la peur. Pourtant lui et moi savons que c'est une carapace qu'il s'est forgée ces dernières années. La perte de notre maman, nous a tous les deux brisés de manière différente, et la vie après n'a été que le début d'un enfer sur terre. Mais aujourd'hui, on dirait que je suis la seule à en garder encore les stigmates, alors que lui paraît sans failles.

Le déverrouillage de la porte sonne pour moi une délivrance incommensurable jusqu'à ce que mon regard analyse la pièce dans laquelle nous venons d'atterrir. Il y a des rails au sol qui supportent quatre wagons dignes d'un train fantôme dans un parc d'attraction. Cette maison fait combien de mètres carrés pour pouvoir accueillir ce genre de choses ?

« Prenez place dans ce train de l'enfer et laissez-vous guider. Restez aux aguets, car un accident est si vite arrivé... »

Une nouvelle fois, cette voix me procure un long frisson d'horreur rien que par l'intonation qu'elle utilise.

— Un train fantôme, vraiment ? Ils baissent dans mon estime avec cette attraction pour ado ! s'amuse Amy.

Mes lèvres parviennent à filtrer de justesse les insultes qui me viennent à son encontre.

Clay se met devant, puis c'est Amy, Tom et moi. A peine installés, la barre devant nous se verrouille fermement, me faisant légèrement mal tellement elle est serrée. Lorsque le train démarre, je me rends compte de l'énorme erreur stratégique que j'ai faite en me mettant tout derrière.

On est rapidement plongé dans le noir, et mon cœur reprend un rythme beaucoup trop élevé. Le train n'avance vraiment pas vite, et tous les bruits aux alentours, me paralysent de plus en plus. Un cri strident me fait sursauter, avant que sur notre gauche des images gores se mettent à défiler à toute vitesse. Mes yeux se ferment rapidement, mais s'ouvrent presque immédiatement lorsque je sens une main me saisir la cheville. Mon hurlement et mon agitation, alerte Tom qui se retourne afin de vérifier que tout va bien. Je me contente de hocher la tête, car la vérité est toute autre.

Soudain, une grande porte s'ouvre en deux devant notre train. Celle-ci donne sur l'extérieur de la maison, que la lune illumine légèrement. Un frisson glacial me parcourt l'échine, bien que le fait de retrouver une faible lueur me fasse du bien. Mais cette accalmie est de courte durée, lorsqu'en franchissant le seuil de la porte, une ceinture à l'horizontale, se boucle automatiquement de part en part de mon corps, si brutalement qu'il m'est maintenant impossible de faire le moindre geste.

« Bienvenue en enfer... »

***

J'espère que ce nouveau chapitre vous plaît :) Préparez-vous pour le prochain HAHAHA

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