Half Moon Pack - 1. L'éveil d'une Oméga

Chapitre 9

Cela avait été mon tout premier baiser, et il avait fait naître en moi une envie irrépressible d’en recevoir d’autres de sa part. Cela faisait deux semaines depuis notre rendez-vous. On avait discuté par messages, mais les appels étaient devenus aussi plus nombreux. Karhon devait se trouver déborder avec la pleine lune qui approchait. Il y avait toujours une grande chasse qui réunissait tous les loups de la meute. On se retrouvait en petit comité, afin de partager un repas. C’était comme un barbecue familiale avec des membres éloignés de la famille, qu’on ne voyait qu’une fois tous les cinq ans. Puis les loups adultes se rejoignaient sur le terrain de chasse.

Les omégas avaient le choix de rester avec les enfants, afin de prendre soin d’eux, en proposant des activités et veiller sur eux. Il était important que des loups omégas s’occupent des enfants, avec le soutien de quelques bêtas. Certains timbrés attaquaient le foyer pendant la nuit de la pleine lune, comme les loups alphas et une grande partie des bêtas partaient chasser. Toutefois, ils avaient aussi la possibilité de participer à la chasse. Personnellement, je ne participais pas du tout à l’événement. Ce n’était pas comme si on remarquait mon absence. Du moins, jusqu’à présent.

— Tu vas rester avec les enfants ? s’enquit Altie, en trempant son doigt dans la pâte à cookie pour la manger.
— Probablement. Je serais inutile sur le terrain. Je n’ai pas accès à ma forme lupine, déclarai-je, en continuant de répartir mes boules de pâte sur une plaque.
— Tu veux que je reste avec toi ?
— Tu es une alpha. Les alphas sont obligés de participer à la chasse. Il n’y a que les bêtas qui peuvent rester.
— Cela ne fera pas de mal que je reste en arrière. Je n’ai pas envie de participer à « l’after » de la chasse, grimaça ma meilleure amie.
— Tu peux toujours rentrer avant que ça ne commence.
— Mais ça va être ta première participation…
— Tu t’en sers juste comme excuse pour ne pas aller chasser, soupirai-je, en enfournant la plaque dans le four.

Altie fit une moue boudeuse, alors qu’elle tentait de racler le reste de pâte à cookie dans le fond du saladier. Je ne pouvais pas lui en vouloir d’essayer d’avoir une excuse. La chasse était grisante pour les loups, en particulier, pour les alphas. Une bonne dose d’endorphines se libérait, et après la chasse, ils étaient excités, et « l’after » était une séance de coïts. Les loups en couple, le faisaient entre eux, mais les célibataires… c’était une autre histoire. Ils choisissaient juste un autre loup célibataire, en fonction de leur orientation sexuel.

— Si tu veux savoir, l’Alpha disparaît toujours avant l’after. Je suppose qu’il se soulage tout seul, se moqua Althea.
— Pourquoi m’informes-tu de ça ? questionnai-je, légèrement grimaçante.
— Parce que tu es là, ce mois-ci, sourit-elle.

Je rougis fortement, mais ma relation avec Karhon n’était pas encore à ce stade. Notre premier baiser n’avait eu lieu que depuis peu de temps. Avoir un rapport plus poussé n’était pas dans nos prévisions. On avait dit que le temps serait l’allié de notre relation. Je n’avais pas encore fait disparaître toutes mes insécurités. Je me sentais encore très minable à côté de lui, et cet événement était un assez bon rappel de ma médiocrité. Je ne pouvais pas me métamorphoser, et donc, je ne pouvais pas l’accompagner à la chasse. Je me sentais pitoyable, une vraie moins-que-rien.

— El’ arrête d’y penser.
— Il faut que tu précises.
— Que tu es nulle.

Je ne répondis rien, sachant que cela risquait de l’exaspérer. Altie lâcha un soupir, devant mon silence, qui était en soi une réponse à ses dires. Je ne pouvais pas arrêter d’y penser. Je me rabaissais, inévitablement. Dès que cela touchait la nature lupine, je me mettais plus bas que terre.

— Je n’ai pas besoin d’être Matthias pour savoir ce qui se passe dans ta petite tête.
— Altie…

Je n’avais pas spécialement envie d’en parler. Cela n’était voué qu’à finir en débat stérile. Elle me dirait constamment d’arrêter de penser ainsi, et je lui répondrais que je savais mais que je ne pouvais pas m’en empêcher. Je n’étais rien d’autre qu’une louve détraquée. Il me manquait un rouage pour faire partie du grand ensemble qu’était la meute. J’avais donc commencé à nettoyer, afin de mettre fin à cette discussion, mais c’était impossible avec ma meilleure amie. Elle tenait vraiment à faire en sorte d’avoir le dernier mot sur ce sujet.

— Tu peux toujours lui demander de participer en restant sous forme humaine.
— Pour ralentir tout le monde, me sentir encore plus minable et vouloir me pendre ? répliquai-je, en haussant un sourcil.
— Ou… tu peux grimper sur le dos de l’Alpha, montrer que tu es sa compagne et qu’ils aillent tous se faire enculer, se moqua-t-elle, tout en étant à moitié sérieuse.

Je roulais des yeux, en sachant très bien que je serais incapable de faire une chose pareille. J’étais bien trop préoccupée par le regard des autres et des on-dit pour faire une action aussi audacieuse. Mon manque de confiance en moi était affligeant. Seulement, je n’arrivais pas à en gagner. Je finissais de laver la vaisselle pour ensuite aller vérifier les cookies dans le four. Tout l’apaisement de la fabrication de cookie m’avait apporté, avait disparu comme la pâte à cookie dans le ventre d’Althea.

— Ma famille sera présente, pensai-je soudainement à voix haute.
— Aucune chance que tu tombes sur eux. La probabilité est trop faible.
— Avec la chance que j’ai… tout se passe trop bien avec Karhon, un retour de karma serait bien à prévoir, soufflai-je à cette idée.
— Donc, tu avoues bien qu’il y a quelque chose entre vous ? Enfin plus que de l’amitié, j’entends.
— Je n’ai jamais nié qu’il n’y avait rien entre nous. Je… je trouve ça juste irréaliste. Lui et moi, âme-sœur… il est l’Alpha. Le haut du panier. Il est tout ce que je ne serais jamais. Brillant, incroyable. Talentueux, respecté…
— T’as fini de le mousser ? Il doit croire qu’il a un rhume à force d’éternuer, soupira Altie. Et heureusement que tu ne seras jamais comme lui ! Je doute aussi qu’il apprécierait de sortir avec lui-même. Il peut bien être arrogant, mais il n’a pas le défaut d’être narcissique.

Elle me fit un sourire amusé, mais je ne voyais pas vraiment ce qu’il y avait de drôle. Elle savait très bien que je ne l’entendais pas de cette façon. Je n’avais rien pour l’égaler. Je ne possédais rien, et il possédait tout. Je n’avais rien à lui offrir en échange de tout ce qu’il pouvait me donner. Karhon méritait quelqu’un à sa hauteur, et j’étais loin de l’être. Je lâchais un soupir, rien que d’y penser me minait le moral.

— Tu devrais sortir les cookies du four, avant qu’ils ne brûlent comme ton optimisme.
— Ha. Ha. Très drôle.

Je sortis tout de même la fournée de cookies pour les mettre ensuite dans une assiette. Altie voulut en prendre un, mais je lui retirais l’assiette avant qu’elle ne puisse en atteindre un. Elle s’était gavée de pâte à cookies, et ceux-là, n’étaient pas pour elle, mais pour son jeune frère. Mattie n’allait pas tarder à arriver et je lui avais promis des cookies pour qu’il arrête de fouiller dans mon portable.

— Il serait content que tu… le chevauches, se moqua ma meilleure amie, d’un regard malicieux.

Je rougis fortement, en comprenant son choix de mots. Elle l’avait fait exprès cette garce. Nous n’étions pas assez intimes pour ce genre de proximité, même si nous nous étions embrassés. J’avais envie de lui lancer un cookie à la figure pour effacer son petit sourire. Seulement, le projectile avait plus de chance de terminer dans sa bouche, et elle aurait ce qu’elle voulait. Un cookie.

— El’…
— Quoi ? soufflai-je, en reprenant un peu mon sang-froid.
— Je peux vraiment pas en avoir un ? L’odeur titille mon estomac…
— Ils sont pour ton frère.
— Il ne saura jamais si tu m’en as donné un.
— Bien sûr que si.

On se regarda pendant quelques instants dans les yeux, avant qu’un petit rire ne nous contamine. C’était idiot de rire pour un rien, mais c’était toute la magie de notre amitié. Rire de rien, même si la situation ne s’y prêtait pas. Vraiment magique.