L’eau était claire, et on pouvait y voir les galets dans le fond, avec quelques algues et petits poissons curieux. J’avais mis mes pieds à tremper même s’il faisait frais. Cela me permettait de contrecarrer la chaleur brûlante que Karhon allumait en moi. Il était juste assis à côté de moi, et on avait lancé divers sujets de conversations ce qui nous passionnait, notre travail, nos proches. Je commençais à me sentir à l’aise, avec lui. Bien sûr, je faisais tout de même attention quand je m’exprimais, mais je me sentais moins gênée de lui parler confortablement.
— Elle a vraiment fait ça ? souffla-t-il, interloqué par mes histoires.
— Oui. Elle a attrapé ce garçon par la nuque et l’a forcé à s’excuser à genoux. Altie a toujours détesté l’injustice.
— J’en aurais fait de même.
— Tu ne l’aurais pas fait, réfutai-je.Mon regard se posa sur l’eau paisible, après avoir constaté la légère douleur de ne pas cru. Je restais un moment silencieuse, avant de réfléchir comment lui expliquer le sens de mes mots.
— Je ne veux pas dire que tu n’aurais pas agi, commençai-je en relevant mon regard sur lui. Je voulais dire que cela ne serait jamais arrivé devant toi. Bien que cela remonte à l’époque du collège, d’autant plus que nous ne sommes pas de la même année. Tu serais déjà allé au lycée.
Ses prunelles de glace me dévisagèrent un long moment, alors que mes pommettes chauffées délicatement. Il tendit la main, venant effleurer ma joue du dos de sa main. Mon cœur battait fort, alors que Karhon se penchait un peu plus vers moi. Ses doigts descendaient le long de ma mâchoire, avant de venir frôler du bout des phalanges le creux de mon cou. Un frisson dévala ma colonne vertébrale, faisant naître la chair de poule.
— Karhon…
— Je ne laisserai plus personne te faire subir une chose pareille, souffla-t-il.Mon cœur rata un battement. Je détournais mon regard de lui, préférant observer la surface du lac. C’était soudainement plus intéressant de regarder l’eau. Je commençais à mouvoir mes jambes, créant une onde et jouant avec les galets. Cela devenait légèrement gênant. J’ignorais encore comment accepter ce genre de propos venant de sa part. Malgré notre rapprochement, j’avais cette voix dans ma tête qui me répétait constamment que je n’étais pas faite pour lui. Que sa partenaire idéale, ce n’était pas moi, mais plutôt Leona Monroe. C’était une femme brillante, forte, avec des capacités bien au-delà des miennes, sans parler qu’elle avait la stature, l’élégance et les épaules pour être aux côtés de l’Alpha.
J’étais loin d’être si… parfaite pour lui. Je risquais même de le tirer vers le bas, alors qu’il était si… consciencieux avec moi. Il ne me brusquait jamais, il trouvait toujours les mots pour me réconforter. Il ne me dénigrait pas, et c’était même le contraire. Il me valorisait, il me traitait vraiment comme son âme-sœur. Seulement… aussi illogique qu’était ce lien, je me demandais ce qu’il aurait pu se passer si cela n’avait pas été le cas. Il ne m’aurait jamais remarqué. Je n’aurais été qu’une parmi tant d’autres. Il serait fiancé avec Leona et ils auraient été un véritable couple dirigeant. Ils auraient été de parfait modèle pour tout le monde.
— Elerys ? m’appela-t-il doucement, me sortant de mes sombres pensées.
— Oui ? répondis-je, comme si ce n’était qu’une politesse à retourner.
— Il y a un problème ? me questionna-t-il.
— Non… je… ce n’est rien…Il était inquiet, je pouvais le sentir. Il posa sa main sur ma joue, afin de tourner mon visage vers le sien. Mon corps obéissait, même si j’avais plus envie de me défiler. Ma tête voulait que je le repousse, que je m’en aille, que je le laisse, parce qu’il n’était pas fait pour moi. Malheureusement, j’étais loin d’être capable de le faire. Mon cœur avait besoin de lui, fortement. Je le savais. La dernière fois, j’avais eu l’impression de mourir encore et encore, jusqu’à ce qu’il me rejoigne. Je posais ma main sur la sienne, comme si j’avais besoin de ce contact plus que tout. C’était comme si sa chaleur faisait disparaître tout ce qui était néfaste pour mon esprit, mon cœur et mon corps. Il était comme un remède miracle. Un doux soupir s’échappa de mes lèvres, alors que mon pessimisme retournait d’où elle venait.
— Je suis là, si tu as besoin de parler. Toujours.
— Je… tu trouveras ça ridicule, avouai-je, en essayant d’éviter son regard bleu glace.
— Je ne trouverais jamais ridicule tes insécurités, Floslunae.Mes prunelles dérivèrent jusqu’aux siennes pour s’y accrocher. Le bleu glacier était d’une telle douceur que mon cœur voulait s’ouvrir et s’offrir à lui. Toutefois des chaînes irrationnelles de peur l’enchaînaient et le maintenaient dans cette forteresse que j’avais construit pour me protéger. Karhon n’avait pas encore le pass droit pour rentrer par la grande porte. J’étais encore plus terrifiée qu’il voit ce qu’il y avait derrière. Un manque d’amour-propre trop évident, une nullité affligeante et pire que tout, une âme qui se laissait aller à sa propre perdition. Peu importait comment je le raconterais, mais je n’avais jamais cherché à me sortir de ma situation. C’était une chose d’être faible, mais cela en était une autre de le rester. Et j’avais décidé de rester faible. C’était si honteux. Je n’avais fourni qu’un minimum d’efforts juste pour m’effacer le plus possible. Je n’avais jamais rugi face à l’injustice. C’était les autres qui le faisaient pour moi.
— Je pense juste… juste à Leona Monroe…
J’attendis qu’il dise un mot, quelque chose qui me rendrait stupide, mais il resta silencieux. Il voulait que je poursuive le fond de ma pensée, et c’était assez étrange pour moi. Je m’attendais qu’il tourne ça en dérision, comme beaucoup d’autres le feraient. Néanmoins, il m’observait, il me laissait parler. Il me laissait me confier sans que je n’aie à craindre une moquerie, ou que je ne me sente telle une moins-que-rien. Même si c’était ainsi que je me sentais.
— Elle était destinée à être ta femme. Elle aurait dû être Luna et par ma faute, elle… elle a perdu cette position. Elle est sûrement en colère contre moi. Elle était parfaite pour ce rôle. Elle devait être impatiente. Elle doit me détester et elle en a le droit.
— Veux-tu qu’on aille la voir pour mettre tout ça au clair ? s’enquit-il, doucement.
— Qu… quoi ? m’étonnai-je, le regardant comme s’il était devenu fou.
— Tu fais des suppositions sur les sentiments que tu provoques chez Leona. Tu sembles avoir à cœur ce qu’elle pense de toi, et tu t’inquiètes de ce qu’elle ressent. Il n’y a que Leona qui peut te donner les réponses que tu cherches, m’expliqua-t-il.J’ignorais si cela était parce qu’il était Alpha ou non, mais de ce que je pouvais savoir, si cela avait été dit par une autre personne, j’aurais trouvé cela d’une stupidité extrême. Il se leva, essuyant ses pieds avec la serviette qu’il avait apporté pour nous. Il remit ses chaussettes et chaussures, avant de tendre sa main vers moi. Je déposai ma main dans la sienne, et il me hissa contre lui, m’évitant de toucher le sol de mes pieds humides. Il me fit m’asseoir sur un gros rocher plat, plus en hauteur. Il s’agenouilla, pour m’essuyer les pieds. J’étais complètement ahurie pour comprendre ce qu’il se passait à l’heure actuelle. Nous allions vraiment aller chez Leona ?
Il me mit mes chaussettes, mes chaussures, il baissa les ourlets de mon jeans que j’avais remonté, avant me remettre sur mes pieds avec délicatesse. Il m’attira jusqu’à lui, nos corps se fondant l’un dans l’autre, comme si cela avait toujours été ainsi. Je clignais des yeux, essayant de me remettre de cet abrutissement qui me prenait. Simplement, je n’y arrivais pas. Je laissais donc Karhon me traîner par la main hors de la forêt pour rejoindre la voiture. Il me fit monter, s’installa à son tour, démarra la voiture et nous étions en route pour rendre visite à Leona. Sans même la prévenir de notre venue, nous allions nous présenter comme un cheveu sur une soupe. C’était… invraisemblable. Je devais être en plein rêve, voir pire. En plein cauchemar !
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Half Moon Pack - 1. L'éveil d'une Oméga
Werewolf"Un bal ? Qui a eu l'idée saugrenue de m'emmener dans cet endroit ?!" Il n'y avait que ma stupide meilleure amie pour me faire ça. Évidemment, ce n'était pas n'importe lequel. Il fallait que ce soit le plus huppé de tous. Celui de l'Alpha. Ce n'étai...