Chapitre 3 - Sira

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La nuit était calme loin des festivité. J'y trouvais un certain réconfort. Au pied d'un lampadaire, je vidais toutes les larmes de mon corps. Toute ma colère et mon désespoir se déversait à mes pieds nus. Je ne pouvais croire que j'avais pu agir aussi bêtement. Pourtant, sur le coup, ça m'avait paru être mon seul remède. Tout comme boire.

Aucun des deux n'avaient eu l'effet escompté.

A travers le tissu de ma robe, je frôlai le pommeau de ma dague accrochée à ma cuisse. Seule rocher certain au milieu de ma tempête. J'inspirai longuement et séchai mes dernières larmes. Je devais tenir bon et surtout penser à autre chose.

—Prend courage, Sira. Ne désespère pas, m'encourageai-je en serrant les poings.

Mes bracelets brillèrent sous la lueur du lampadaire. Un jour je me libérerai de ces entraves.

Je rentrai à la maison, épuisée par cette soirée. Madéa et Atem devaient très certainement me chercher à l'heure actuelle. Je n'aurais pas dû partir sans les prévenir. On devait rester ensemble. Mais, je n'avais pas réfléchi.

Dans ma chambre, où ne trônaient qu'un lit, une armoire et un bureau, je me débarrassai de ma robe et posai mes talons au sol. Mon bandage aux côtes était toujours en place, et la douleur aussi.

Mes poils se hérissèrent. Quelqu'un était là.

Muscles tendus, je récupérai un short et un t-shirt sans bruit et les enfilai. Mes doigts glissèrent sur ma dague et je la dégainai. Il n'y avait aucun bruit, aucun signe, mais, je savais qu'il y avait quelqu'un. Non, plusieurs. Mon sang se mit à bouillir, l'alcool aidant. Je ne savais pas comment, mais, je pouvais les sentir telles des présences.

Brutalement, elles disparurent, comme effacées. C'était à croire que je m'étais faite des idées. Ma prise se relâcha. Je secouai la tête. J'avais vraiment trop bu. Il fallait que je dorme.

Le son caractéristique d'une lame qui fend l'air m'alarma. Je bondis sur le côté en balayant la pièce du regard. Personne. Mon drap se déchira à l'endroit où j'étais une seconde plus tôt. Je poussai un cri quand une silhouette noire se matérialisa devant moi. Elle m'attaqua à nouveau et je parai avec mon arme. Nos larmes s'entrechoquèrent. Comment se faisait-il que je ne l'avais pas sentie ?

Quelqu'un m'attrapa à la taille et me projeta contre le mur. Je le rencontrai avec violence et mon souffle se coupa. Ma dague m'échappa des mains. Deux autres silhouettes se matérialisèrent devant moi. Je me relevai en vitesse. Ils chargèrent de concert. J'évitai le tranchant mortel de leurs lames et me déportai sur la gauche. Dans un bond, suivit d'une roulade, je récupérai mes talons et les lançai en direction de deux individus. Le foulard qu'ils portaient m'empêcha de voir la douleur tordre leur visage lorsqu'ils atteignirent leur cible de plein fouet. Je profitai de la distraction pour balancer mon oreiller sur le troisième.

Je récupérai la dague qui était cachée en-dessous et me mis en garde. Le premier attaquant, plus grand d'un tête de moi, chargea. Ses attaques puissantes me surprirent et je dus redoubler d'effort pour le contrer. Il manqua mon bras de peu. Sa dague alla se planter dans mon matelas. Je profitai de l'ouverture pour lui assener un puissant coup de pied à la tête. Il s'écroula, inconscient.

Je récupérai son arme et la glissai dans mon fourreau à la cuisse. Je ramassai ma première aux pieds des deux autres assaillants et courus hors de la chambre. Pas de bol. Trois autres apparurent dans la cuisine. Ils m'attrapèrent et me balancèrent contre la table. Mon dos craqua douloureusement et je roulai jusqu'à tomber sur le carrelage. Un hoquet m'échappa. J'essayai de me relever, mais, aucun muscle ne répondit.

—Occupe-toi d'elle, ordonna une voix féminine.

Une silhouette noire entra dans mon champ de vision et m'agrippa pour me soulever.

—Non, lâchez-moi!Hurlai-je.

D'un coup, un sabre lui transperça l'abdomen et il échoua au sol, raide mort. Son sang sombre colora le blanc immaculé des carreaux.

—Malaki ! S'écria un de ses camarades.

Plusieurs l'entourèrent tandis que les autres partaient combattre des gens que je ne voyais pas, mais, que je pouvais sentir. Madéa, Atem, Ludovic et un inconnu. Des bras me soulevèrent et des yeux verts se plantèrent dans les miens.

—Tu vas bien ?

—Je ne peux plus bouger, paniquai-je.

Il fronça les sourcils et passa ses doigts dans mon dos. Je ne ressentis même pas la décharge que ça m'aurait provoqué en temps normal. Son visage arbora une expression alarmante.

—Ludovic !

Un assaillant le bouscula et nous chutâmes. Ma tête cogna si fort que je crus perdre connaissance. Mes sens semblèrent un peu se réveiller car des fourmillements chatouillèrent mes jambes. Cependant, j'étais toujours incapable de me relever. Ludovic me serra contre lui encore plus fort et je sentis une liquide chaud gicler sur mon visage. Le goût ferreux du sang emplit ma bouche et brouilla ma vue. Je crachai en cherchant par tous les moyens à comprendre ce qu'il se passait. Un autre corps tomba juste devant moi et mes yeux rencontrèrent ceux du cadavre. Ils étaient vides, loin de la vie.

Mon estomac se retourna. Tout ce sang... Toutes ces vies... La mort qui souriait.

Un cri déchirant retentit. Au même instant, quelque chose céda en moi. Et je sus que je criais, traversée par une douleur fulgurante. Jusque là inerte, mon corps se contorsionna, secoué de spasmes les unes les plus violentes que les autres. Je hurlais à l'agonie alors que ma peau brûlait.

Pitié, que ça cesse.

Je sentis un poids quitter mes poignets. Je le savais. J'étais libre désormais. Répondant à ma douleur, mon pouvoir se mit en action et la douleur s'apaisa. Je rouvris les yeux, à bout de force. Des milliards de filaments électriques courraient le longs de ma peau et un bourdonnement puissant résonnait dans mon crâne.

Mon pouvoir.

Ma vie était de retour.

—Il faut bouger d'ici ! S'écria Atem.

Alors, je me rendis compte du chaos qui régnait dans la cuisine. Le sol baignait dans une marre de sang était un mélange de cadavres et de débris. Je ne pus lutter contre la nausée et déversai mon maigre dîner dans la mélasse. Je reculai et trébuchai sur un bras. Ma vision se retourna violemment.

—Je te tiens !

Ludovic me soutint et m'entraîna hors du carnage. Il était couvert de sang, mais, n'était pas blessé. Une odeur de brûlé agressa mes narines et je découvris avec horreur quel le feu avait gagné la maison. Je ne remarquai que maintenant, que des flammes léchaient la table de la cuisine et se rapprochait dangereusement de la bonbonne de gaz.

—Vite ! Il faut sortir ! Nous pressa Atem en aidant Ludovic à ma porter.

Il m'installèrent sur la banquette arrière de notre voiture et refermèrent la porte. Des sacs de voyage siégeaient juste à côté de moi. Nos bagages en cas d'urgence, toujours prêts. Je fouillai dans le mien et tirai une boîte dans laquelle je gardais mes vieux souvenirs du Mali. De vieux objets ayant appartenu à ma défunte mère. Je l'ouvris. Un bracelet fin en or incrusté de rubis et d'améthystes, ainsi qu'une dague d'argent la remplissaient. Le bracelet un peu grand, je le remontai à mon biceps où il resta fixe. Entre mes doigts je serrai la dague.

Madéa et Atem embarquèrent et aussitôt la voiture démarra en trombe.

—Et Ludovic ? Questionnai-je, paniquée.

—Il doit s'assurer que la maison n'explose pas, répondit Madéa.

—Il doit appeler les pompiers pour éteindre les flammes, affirmai-je.

—Surtout pas. Il ne faut pas laisser de traces derrière nous, s'opposa Atem.

Ne pas laisser de cadavres dans notre sillage. Qu'ils soient consumés par les flammes.

La voiture tourna dans un virage et la bâtisse disparut de mon champ de vision. Quelques seconde plus tard, une épaisse fumée blanche s'éleva dans les airs. Mon cœur se déchira simultanément, alors qu'une larme solitaire traçait un sillon sur ma joue.

Plusieurs chapitres de ma vie venaient de partir en fumée.

Laamateeri T1 - L'exiléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant