Cela faisait une demi-heure que nous étions partis. Une demi-heure que je n'avais pas prononcé le moindre mot. Que je demeurais seule dans mon chagrin. Celui-ci avait peu à peu mué en une colère sourde. J'avais envie de crier, de hurler mon mécontentement, mais, je gardais obstinément les lèvres serrées. Ce n'était pas le moment. Il y avait des problèmes plus urgent à régler que ma tristesse et ma colère. Comme notre fuite et notre destination. Madéa, à l'avant, avait attaqué le sujet à la minute où nous nous étions engagés sur la nationale. Voir sa maison brûler avec des cadavres ne semblait pas l'avoir affecté plus que ça. Après tout, bien que de sang royal, elle était avant tout une guerrière, un soldat. Les choses matérielles ou sentimentales n'étaient pas faites pour elle. Elle ne s'attachait jamais. Je me demandait comment elle avait fait pour se marier dans ce cas...
—Je te le dis et je le répéterai encore. Fuir n'est pas la solution, Atem !, affirma-t-elle avec véhémence.
Son éclat de voix me surpris, me tirant de mes réflexions. Je ne fus pas la seule à être surprise, mon oncle sursauta. La voiture dévia légèrement de sa trajectoire, puis repris sa place d'origine. Je l'entendit murmurer quelque chose et ma tante se tourna vers moi. Son regard me jaugea et elle reporta son attention sur son interlocuteur.
—Il est temps qu'elle apprenne à affronter ses ennemis, asséna-t-elle plus doucement.
—Ce n'est qu'une gamine ! C'est à peine si elle arrive à tenir une arme entre ses mains et tu veux qu'elle se batte contre des hommes surentraînés !, s'exclama à son tour son époux. Regarde un peu ce que ça à donné tout à l'heure !
L'espace d'un instant, je crus qu'on parlais d'une autre personne. Jusqu'à ce que le conducteur me lance un regard désapprobateur à travers le rétroviseur. Il secoua la tête et se concentra sur sa conduite.
—Il est hors de question qu'on la mette face à un tel danger, refusa-t-il d'un ton sans appel.
—Ai-je mon mot à dire ?, tentai-je d'une voix à peine audible.
—Non !,s'alarma mon oncle.
—Oui !, objecta sa femme en lui lançant un regard de défi.
Il la fixa un instant, mais, abandonna pour regarder la route. Je déglutis, choisissant soigneusement mes mots.
—On ne pourra pas fuir indéfiniment. Tôt ou tard, ils finiront par nous retrouver encore et encore.
Madéa m'adressa un regard d'agrégation.
—Mais, on ne peut pas non plus les affronter de front. D'autant qu'on ne connaît ni leur nombre ni leur localisation. Ce serait comme se battre les yeux fermés. On perdrait à coups sûr.
—Que proposes-tu alors ?, demanda Madéa avec une moue pensive.
—Je ne sais pas, avouai-je.
Que faire dans une telle situation ? Que ferait ma mère, mon père ? Certainement lever une armée pour abattre l'adversaire. Seulement, il était là le problème. Nous n'avions ni armée ni personne pour nous venir en aide. A moins que...
—Et cet homme qui est venu nous aider hier soir ?, demandai-je avec un regain d'espoir.
Atem pilla brutalement. Je ne traversai pas le pare-brise que grâce à ma ceinture de sécurité.
—Comment savais-tu qu'il était là ? S'étonna-t-il.
—Je ne sais pas... Je l'ai vu...
Madéa secoua la tête.
—Il est resté dehors tout ce temps, Sira.
—Mais pourquoi ? Il aurait pu nous aider !
—C'est ce qu'il a fait. Dehors, quatre autres assassins t'attendaient..., reprit-elle.
Un silence de plomb retomba alors qu'Atem reprenait la route. Après toutes ces années, il avait suffi d'une fête pour que mes pires ennemis me retrouvent. Un seul dérapage.
—Nous n'aurions jamais dû aller à cet célébration, bougonna mon oncle.
—An kele, ce qui est fait ne peut pas être défait. Ne te torture pas l'esprit davantage.
Il appuya sur l'accélérateur.
—Si vous aviez suivi mes conseils, on n'en serait pas là ! Et toi Sira, qu'est-ce qui t'a prise de partir sans nous prévenir ?
—Atem..., souffla Madéa pour le temporiser.
—Je n'y ai pas réfléchi sur l'instant. Et puis, j'avais besoin d'air..., dis-je doucement.
Le paysage défila plus vite.
—Besoin d'air ! Et bien regarde un peu où ça nous a mené ! Te rends-tu seulement compte que tu as failli te faire tuer et faire sauter la moitié du quartier à cause de ton imprudence ?
—Mais...
Le regard fulminant qu'il me lança me cloua le bec et suffit à m'accabler. Je ne lui avais jamais connu pareil regard. Je me calai dans mon siège et tournai la tête vers ma vitre, écoutant la scène devant moi, sans commentaire. Nous étions au milieu des champs de canne à sucre et le soleil commençait à prendre ses droits. La circulation se densifiait et les bus scolaires se suivaient. Le matin déjà ? Quel beau lundi matin pour une cavale.
Une moto roula en double file sur la voie rapide. Toute de noir, elle semblait tout droit sortie d'un autre monde. Ignorant, le raffut qui se déroulait dans le voiture, je me concentrai sur la moto et son conducteur. Elle me paraissait familière. Étrangement familière. Son conducteur vêtu d'une combinaison noire faisait montre d'une certaine élégance. Une aura attirance se dégageait de lui.
Il nous dépassa. Je restai silencieuse à observer le paysage défiler sans cesse. Le ronronnement du moteur vint à bout de mes dernières forces et je fermai les paupières.
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Laamateeri T1 - L'exilée
Paranormal"Nul n'éteindra le flamme des guerriers de Laamateeri." Sira est la princesse benjamine du plus puissant royaume africain et possède le pouvoir de manipuler l'électricité statique. A l'âge de huit ans, sa mère est assassinée et se fait enlever par l...