18| BAISERS ROUGES

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Menteur, je meurs de lui souffler après sa dernière phrase

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Menteur, je meurs de lui souffler après sa dernière phrase.

Celle où il dit me vouloir pour cette robe, cette démarche, pour le souvenir de ce jour-là. Je n'y crois pas. Ou peut-être que je ne veux pas y croire. Je le mitraille du regard. Le sien se couvre d'un voile timide. Sa révélation flotte encore dans l'air. Je ne sais pas quoi faire d'autre que lui en vouloir. 

C'est vrai, pourquoi faut-il qu'il m'impose ça ? Là maintenant, alors qu'il nous a enfermé seuls devant une toile vierge. Dans un cadre si intimiste, où il révèle plus de douceur. Il cache le bas de son visage dans sa main, baisse la tête vers le sol. Comme si ses joues allaient s'empourprer. Dans la pénombre, dû au faible éclairage de la lampe, je peux seulement discerner sa grande main armée autour de sa bouche pour retenir d'autres mots qui lui chatouille la langue.

 — Alors, je n'aurai qu'à remettre cette foutue robe, me pavaner dans l'eau et tu me dessineras, deviné-je. 

Je passe lentement ma main sur le tableau. Songeant à cette condition insupportable qu'il exige depuis qu'il suspecte Aubrey.

— Après, je ne voudrais plus être mêlé à toi, annoncé-je. 

Un rire soufflé m'attire de nouveau à lui, commodément assis.

— Tu le seras toujours, parce qu'on partage plusieurs secrets, Lucrèce.

— Disons que c'est l'occasion d'y mettre un terme, m'irrité-je. 

Qu'est-ce qui me retient à lui ? Seulement sa foutue découverte. J'aurai mon émancipation, je retrouverai une vie normale quand tous ces démons iront en faculté l'année prochaine. 

Tandis que je contemple l'espace, je sens mon tabouret tanguer. Je crie par surprise en me croyant tombée. Ses bras raccrochés à mon siège l'ont brusquement rapproché du sien.

— Y mettre un terme ? demande-t-il en s'offusquant. 

Je sens son souffle, ses battements et son odeur. On est trop proche, c'est à peine si je m'entends respirer moi-même.

— Tu mets souvent un terme à tout ce qu'on entretient. Comme cette fois sous la pluie.

Je relève les yeux vers lui. Ma gorge se noue. Il n'oubliera jamais. Bien sûr que non puisque tu l'as blessé. J'entends toute la rancœur du monde tambouriner sous son t-shirt. Celle qu'il tient au chaud, nichée sous sa poitrine. C'était il y a deux ans. Depuis, je suis son vilain petit canard, il me désigne comme celle qui lui a brisé le cœur dans l'ignorance de tous ses amis. 

Sauf un, Connor le sait. 

C'est sa faute à lui. 

Pourtant, Connor ne lui a jamais dit, Ivarsen ne saura jamais qu'il a été séparé de moi à cause de lui. Ou bien à cause de moi, et de ce que mon frère et moi créons autour de nous. Le chaos, la peur et la tristesse, parce que nous ne savons qu'opérer grâce à cela et rien d'autre. On se nourrit d'elle, et elle s'abreuve de nous : la peur est notre égale, si bien qu'elle nous tue à petit feu. 

BRITOMARTISOù les histoires vivent. Découvrez maintenant