29| SUPPLIQUES DE SIRÈNE

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Draps opalins, elle s'était emmêlée

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Draps opalins, elle s'était emmêlée. La grâce des Dieux l'avait faite de filets et d'écumes, au loin, les montagnes de Crète où la nymphe s'était jetée. Le peuple ne put bénir sa déesse, priant chaque soir qu'elle cesse sa fuite. Dès lors, on fit chaperonner chaque jeune fille qui quittait la forêt pour s'abreuver dans la rivière. 

Je ferme brusquement le livre sur lui-même, les yeux plantés sur sa silhouette qui s'est manifestée. Mes recherches sur damoiselle Britomartis ne font qu'accroître l'irrépressible désir que je dois contenir. 

L'artiste au bord de ses pulsions. Décortiquant les vastes biomes qui peignent mon esprit, dans l'espoir d'y voir planter une fille en robe écarlate. 

La bibliothèque se meut dans le silence, suite à mon soudain éclat. Toutes les têtes butent sur moi. Seul devant mes croquis, le regard vissé sur l'autre bout de la pièce. Foutue Lucrèce, rampant et tissant ses toiles dans ma raison. Désormais, si elle ne suit pas la renarde, elle s'est rabibochée avec une blonde que je sais déceler. 

Étrange, qu'est-ce que veut Lucrèce de Wren ? 

Je pousse un long soupir en glissant mes mains dans les poches de mon pantalon. Si elle ne cesse de fuir, pourquoi n'a-t-elle pas foutu le camp de mon esprit ? Je vais remettre à sa loge initiale le bouquin sur la mythologie crétoise. 

Le passage de la blonde dans l'espace central me déconcerte. Wren quitte la bibliothèque le visage bouleversé. Elle traîne les pieds loin de la scène de crime, avec regret, elle fait volte-face, luttant probablement à renoncer complètement. Un fil rouge la lie dorénavant à l'autre bout de la grande bibliothèque. En poussant mon livre dans sa rangée, je décortique le décor. Il faut me résoudre à ne pas m'entortiller dans ce fil. Ce n'est jamais bon signe lorsqu'il y a plusieurs boucles. Si Wren n'est pas capable de revenir sur ses pas, c'est que ce qui la lie à Lucrèce n'est pas aussi amical que ce que je croyais. 

Une énième fois, les mains dans les poches. Je ne rejoins pas les tables d'études, mais longe le petit couloir côtoyant les vétustes fenêtres. Mon ascension vers elle me soustrait à une forme de complaisance sans faille. Peut-être que la solution, c'est de ne jamais me présenter à elle lorsqu'elle en a besoin ? Couper ce fil qui nous lie depuis quatre ans. 

Un dicton disait que nous sommes noués à notre âme sœur et qu'il faut quêter le début de notre fin.  J'ai conscience que Lucrèce y figure. Un pas de plus vers elle et j'estime déjà notre fil. Il s'arrête net. Il n'a pas de continuité.

Bordel, tu m'empoisonnes vraiment

C'est ce que j'ai envie de proférer en voyant ses souliers repliés près de ses jambes. Un bruissement. Suivi de ses mains qui s'agitent à camoufler son visage. De nouveau, le frottement attire mon regard vers sa silhouette se relevant. Le bout d'une veste identifiable à celui de notre uniforme. Ainsi qu'une main quelque peu tremblante, surgissent d'entre la bibliothèque.

BRITOMARTISOù les histoires vivent. Découvrez maintenant