28| GOUTTE A GOUTTE

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               Franchir l'enclave de notre bourreau nous transforme en prise sur un filet

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               Franchir l'enclave de notre bourreau nous transforme en prise sur un filet. Parfois, le pêcheur vous sauve d'une noyade, sans vous augurer de recouvrer un jour l'oxygène. 

Je suis épuisée, combien de nuits encore vont s'enchaîner sans que j'aie le temps d'y être conviée ? 

La quiétude règne dans notre quartier. L'automne a pris radicalement fin, pour autant des bourrasques font valser gracieusement les arbres de notre jardin. Appuyée à mon bureau, les reflets du spectacle se dessinent sur le mur face à moi. Je contemple à nouveau mes exercices de mathématiques. 

Est-ce que cette nuit, je vais réussir à dormir ? 

Avant cela, il faudrait que je finalise ces calculs. Mon regard suit ma porte. 

Je sais que de l'autre côté du couloir, Connor pourra m'épauler. À cœur, je serre mon cahier contre moi et traverse l'infime espace qui nous désunit. D'une main tremblante, je toque, après avoir dégluti péniblement et voulu rebrousser chemin. 

Sa voix de l'autre côté m'invite à entrer. Sa chambre est plongée dans une atmosphère bleutée, les reflets de sa lampe d'ambiance ainsi que de la lune lui apportent toute la lumière nécessaire. Ses médailles et coupes sont fièrement exposées dans la vitrine qui leur est dédiée.

— Qu'est-ce qui t'amène, Luc ? demande-t-il, concentré à sa table de travail, sûrement en train de réviser. 

Dernièrement, papa lui met la pression. Connor veut éviter l'école militaire à tout prix. Je pose à plat sur la table les exercices qui me causent des ennuis depuis trente minutes.

— Est-ce que tu peux m'aider ? Sinon, je demanderai à papa quand il rentrera, requête-je

À vrai dire, mon frère est mon seul espoir, je dois les finir pour demain. 

Il incline sa tête sur le côté, l'air de dire : tu as toujours besoin de moi, Lucrèce. Il m'est indispensable. C'est le seul qui me rappelle qu'on aura beau se détacher de chaque côté du couloir, on se rassemble, même si ça nous révulse. Il a besoin de moi lorsqu'il se perd lui-même. J'ai besoin de lui par détresse.

— Prend une chaise, je vais regarder ça, dit-il à mon plus grand soulagement. 

Connor ne peut pas me refuser mes échecs, encore moins quand je requiers son aide. Il se sent rassuré en connaissance de mes faiblesses, moi, je peux dormir à poings fermés en sachant que cette nuit on nagera en ataraxie.

Au petit matin, Connor était étonnement de bonne humeur. Une nuit complète, songé-je en l'épiant étaler le beurre sur sa tartine. Mes yeux se rétractent sur celle que je suis en train de faire tremper dans mon chocolat chaud. Je la lâche sans faire exprès, elle se moule dans le liquide et disparaît.

J'ai bien dormi, moi aussi

Peut-être que je suis en train de sombrer dans la folie pour penser que le sommeil de mon frère et le mien sont liés. 

BRITOMARTISOù les histoires vivent. Découvrez maintenant