Autochtone

Chapitre XI

— C'est donc l'année suivant votre arrivée que toute cette histoire a commencé, est-ce bien cela ?

L'avocat de Thaïa posait les questions pour planter le décor. La femme parvenait à peine à détacher son regard du visage dégoulinant de sueur de celui qui se trouvait devant elle. On aurait dit une bougie ayant eu gros coup de chaud, fondant, s'écrasant sur elle-même. Thaïa se demanda s'il serait plus petit, à la fin du procès. En tous cas, à suer comme ça, il allait certainement perdre du ventre et pouvoir mettre sa ceinture correctement...

Le juge Varela se racla la gorge. Encore.

— Oui, c'est bien ça.

Dans l'assistance admise au procès, Thaïa put apercevoir quelques visages connus, répartis d'un côté et de l'autre. Mai An Banh, par exemple, se trouvait derrière la Défense. Elle toisait Thaïa d'un regard dur et froid auquel elle n'avait jamais été habituée plus jeune. Qu'avait perdu cette généticienne de renom pour en arriver là ? Et surtout, qui avait-elle perdu ? Mari, enfants ? Frères et sœurs ? Amis ? Peu importait, Mai An Banh avait souffert ; et elle condamnait Thaïa pour cela.

Au fond de la salle, Royden Dinh s'efforçait de ne pas se faire remarquer. Tête baissée, yeux mi-clos, ces dernières années ne l'avaient pas épargné. Le voilà vieux, accroché à une canne pour marcher dans le tribunal, tout courbé ; il était bien loin de l'homme reconnu et adulé de tous.

Et puis il y avait Maksim. Toujours là, toujours présent. Le mouchoir vert dans la poche de sa veste de costume assurait à Thaïa son total soutien. Il se tenait juste derrière la table occupée par l'accusée et son avocat, aussi proche des barrières qu'il le pouvait. Thaïa lui avait pourtant dit de ne pas venir... Mais il l'avait fait, il était là, par amour...

Et par amour pour lui, elle devait se battre, faire éclater la vérité.

À peine réalisait-elle cela que son avocat lui tendait la perche parfaite :

— Pouvez-vous nous raconter comment vous avez découvert l'anomalie ?

Telle une perchiste professionnelle, elle l'attrapa, la planta dans le sol et, d'un geste sûr, s'envola...

— Eh bien...