𝟣. 𝒩𝑜𝓊𝓋𝑒𝓁𝓁𝑒 𝓂𝒾𝓈𝓈𝒾𝑜𝓃

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An 333 de l'Ère Viciée


— Tout le monde est prêt à partir ?

Hissée sur le monticule au pied duquel elle a dormi, Naya balaye du regard le petit groupe qui l'entoure. Le vent fait voltiger ses longs cheveux tressés et les faibles rayons du soleil accentuent la dureté de ses traits.

— Oui chef ! se moque Ronh en délaissant un instant le laçage de ses bottes pour lever sa main droite en guise de salut militaire.

Sa tentative de pitrerie se solde par un regard agacé, mais cela n'amoindrit en rien son rictus narquois. A ses côtés, Hassan aiguise consciencieusement son épée sans prêter attention à ce qui se passe autour de lui, tandis que Lâa resserre ses manchettes en cuir autour de ses poignets.

— Epargne-nous tes conneries pour aujourd'hui, le réprimande Naya en campant ses mains sur ses hanches. Il nous reste cinq heures de marche avant d'atteindre Ma'la et on peut pas se permettre d'arriver en retard.

— Sinon quoi ? rétorque Ronh dont les prunelles azurées flamboient de malice. Ils vont nous attendre ? Respire un peu Naya, ils ont trop besoin de nous pour se permettre de nous foutre à la porte.

— Tu veux prendre le risque ?

Lâa lève ses yeux fauves vers le duo qui se jauge du regard et place sa hache entre eux.

— Fermez-la tous les deux et remercions plutôt Anahia.

A ces mots, Hassan sort de sa torpeur mélancolique et range son épée dans le fourreau accroché dans son dos. Son immense carcasse se déploie avec une agilité étonnante et il vient s'asseoir à mes côtés sans rien dire. Ronh et Lâa nous rejoignent tandis que Naya trace un cercle autour de nous avec le manche de sa masse. Elle nous y rejoint avant de le refermer et nous nous mettons tous les cinq à genoux. D'un même geste, nous nous entaillons le bras gauche et laissons le sang goûter à nos pieds avant de réciter cette incantation, toujours la même, toujours sans broncher.


Et un jour tu m'es apparu

Dans l'errance et le dénuement, tu t'es imposée à mon âme déchue

Que tout m'appelle, que tout s'effondre, jamais je ne reviendrai

La terre sera mon foyer et le vent mon conseiller

Qu'importe où je me rende, ô Anahia,

Que ta puissance lève mon bras et guide mes pas


Chacun de nous passe ensuite son pouce droit dans sa blessure et l'appose sur la bouche de la personne située à sa gauche. Le doigt rugueux de Hassan me râpe les lèvres tandis que l'odeur forte du cuir qui recouvre son corps m'attaque les narines.

Le rituel accompli, Naya semble de meilleure humeur et ses yeux noirs contemplent avec satisfaction les tâches rouges qui parsèment le sol. D'un bond, elle se dirige vers le cheval que nous avons capturé la semaine dernière et sangle durement les paniers qui battent les flancs de l'animal.

— Ces connards de Ma'la vont s'en foutre plein les poches, grommelle Ronh en écrasant un poux entre ses ongles. Est-ce qu'on est vraiment bien obligé de tout leur donner ?

Le Dernier OmégaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant