Je ne supporte plus cette plaine sans fin. Cela va bientôt faire cinq jours que nous la traversons, cinq jours que je ne vois qu'une morne végétation, parfois égayée par un semblant d'arbuste qui m'atteint à peine à la taille. De même, le climat est resté d'une constance désespérante, offrant le même ciel gris et la même luminosité basse, la même brise fraîche et les mêmes trois rayons de soleil qui nous parviennent chaque jour.
Je serais devenu fou si Chayyim et moi ne parlions pas constamment. Depuis que nous avons quitté la citadelle de De'moa, quelque chose s'est créé entre nous, un doux sentiment qui nous permet de nous exprimer sans détour, de charrier l'autre tout en lui confiant nos rêves les plus idéalistes. Et je réalise à quel point ce genre de relation m'avait manqué.
Depuis la dissolution de la horde, j'étais cruellement conscient de la cicatrice douloureuse que cet événement avait laissé sur mon cœur, mais je ne réalisais pas à quel point le besoin de compagnie est primordial lorsqu'on parcourt le monde. J'aime la solitude, elle m'a toujours accompagné et m'offre une étreinte rassurante, mais si elle s'éternise trop longtemps, l'esprit commence à s'embrouiller, la raison à décliner et le malheur à s'installer. Je pense pouvoir désormais l'affirmer : si Chayyim n'avait pas été là ces derniers mois, je me serais effondré.
Notre relation a beau différer de celle que j'entretenais avec mes anciens amis, elle m'est agréable, presque vitale. En quittant ce palais et en laissant derrière lui l'affreuse mission dont on l'avait investi, mon compagnon semble s'être débarrassé d'un poids énorme qui lui permet enfin d'être lui-même. S'il est loin d'être extraverti, il est devenu plus jovial, souriant souvent sans qu'il n'y ait forcément de raison, sûrement parce qu'il retrouve le goût de cette liberté à laquelle il aspirait tant. Son visage s'est également ouvert, ses traits se sont adoucis et il n'y a plus cette ride soucieuse qui creusait sinistrement la peau entre ses sourcils.
Cela ne veut pas dire qu'il n'est plus inquiet et qu'il ne songe pas au terrible futur qui nous attend tous, mais je suppose qu'il parvient à vivre davantage dans le présent. Et peut-être réalise-t-il qu'il n'a pas à endosser un tel fardeau seul.
Si cette nouvelle situation me convient, j'aimerais toutefois être en capacité de lui apporter des réponses concrètes afin de chasser ses dernières inquiétudes. Et soudain, le manque de mes amis se fait cruellement ressentir. Si Naya était là, sûrement aurait-elle déjà considéré la situation d'un point de vue méthodique et rationnel, puis élaboré plusieurs plans afin de nous offrir une meilleure perspective d'avenir. Hassan n'aurait pas décoché un mot pendant un long moment, puis aurait pointé du doigt une incohérence que personne n'avait vu, nous épargnant ainsi bien des difficultés. Lâa aurait proposé des solutions originales, un peu utopiques, mais qui aurait offert un point de vue novateur sur la situation. Et Ronh aurait relativisé le tout avec son assurance légendaire, nous permettant de reprendre un peu confiance en nous et de cesser de nous morfondre pour rien.
Bordel, qu'ils me manquent.
— Vous ne vous sentez pas bien ?
L'intervention de Chayyim m'extirpe de mes pensées et j'observe un instant la brise bousculer ses mèches ébènes sur son front. Bien qu'il chemine derrière moi, je suppose qu'il a senti, comme à son habitude, des phéromones négatives s'échapper de moi.
— Je songeais à mes amis, éludé-je en reportant mon regard sur le chemin.
Depuis deux heures, la mer se profile désormais à l'horizon, et je devine que Lakoa ne doit plus se situer très loin.
— Comptez-vous retourner sur Ano'h ? m'interroge mon compagnon après un petit silence.
— Évidemment, je l'ai promis à Lâa. Seulement... J'ignore quand. Je sais qu'un tel discours est répréhensible mais... Elle me manque, vraiment, il ne se passe pas un jour sans que son absence m'attriste, mais je suis terrifié à l'idée de la revoir... comme ça.
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Le Dernier Oméga
FantasiaNa'voah signifie « monde harmonieux », un monde où les relations entre les hommes et la nature sont régies selon un principe d'équilibre, un monde où alphas, bêtas et omégas vivent en paix. Seulement, la nature est généreuse et l'homme trop avide. Q...