Le silence s'est installé, juste le temps de quelques secondes. Juste le temps de me perdre dans les grands yeux étoilés qui refusent de détourner le regard. Juste le temps de me replonger dans mon passé sanglant.
Puis un contact, aussi doux que la caresse d'une plume et pourtant plus intense qu'une brûlure. Ses doigts, posés à la base de mon cou, là où palpite follement mon cœur, retraçant avec une délicatesse insupportable les tatouages punitifs qui enlaidissent ma peau.
Le souffle court, je serre les poings contre mes cuisses et m'abandonne à cette formidable vague de chaleur qui submerge mon corps. Chaque endroit que la pulpe de ses doigts effleure envoie de violents frissons le long de mon dos. Pourtant, une sensation de bien-être diffus dénoue mes membres et inonde mes veines, me donnant l'impression d'être enroulé dans la plus douce des fourrure, dans un cocon où rien ni personne ne peut m'atteindre.
— Ces tatouages, reprend Chayyim d'une voix anormalement rauque, ils vous ont fait mal ?
Mes yeux s'accrochent difficilement aux siens et il me semble y discerner de la surprise, un espèce de sentiment indistinct sur lequel je ne parviens pas à mettre des mots. Est-il aussi perturbé que moi par ce contact qu'il a initié ?
— C'est leur fonction primordiale, je réponds gravement. Ils sont censés aider à briser un alpha...
Les doigts brûlants glissent le long de mes bras découverts par ma cape et je résiste à la tentation de les entrelacer aux miens. Intrigué, j'observe les boucles ébènes qui ont glissé sur le front austère de mon compagnon et je remarque alors que, comme ses yeux, des minuscules poussières d'or semblent s'y être accrochées. Je ne m'en étais jamais aperçu parce qu'il n'avait encore jamais été aussi proche de moi, mais la splendeur de sa chevelure ne fait que renforcer l'impression que ce gars ne provient pas du même monde que moi.
Doucement, les doigts remontent cette fois en direction de mon visage, suivent la ligne qui strie mon menton jusqu'à ma lèvre, effleurent cette dernière avant de bifurquer vers les symboles encrés sur mes tempes.
Mon cœur bat à toute allure et ma respiration semble s'être bloquée dans ma gorge. Je n'ai jamais été aussi impressionné par un homme, personne ne m'a jamais ôté toute répartie comme il le fait. Au lieu de le repousser et de lui asséner une remarque désobligeante, je me sens complètement démuni, vulnérable même, mais loin d'être désagréable, cette émotion gonfle ma poitrine de soulagement.
Il est proche. Il est affreusement proche. Je peux distinguer chaque étoile dans ses yeux, chaque tâche bleutées dans son cou, chaque aspérité de sa peau diaphane. Je peux sentir son souffle sur mon visage et la puissance de son aura qui me frappe de plein fouet.
Je suis incapable de bouger. De toute façon, je n'en ai aucune envie. C'est comme si une force surnaturelle nous poussait l'un vers l'autre, qu'un lien magique s'était créé entre nous et nous permettait de ressentir au plus fort les émotions de l'autre. Parce que j'en suis certain, ce sont ses émotions que je ressens avec une telle acuité. Un mélange de doute, de pitié, de méfiance, d'attirance et de fascination. L'impression de ne plus être maître de ses gestes. La certitude que quelque chose lui échappe.
Et avec effroi, je réalise que mon corps tout entier hurle son besoin de contact plus approfondi, son désir viscéral de se soumettre à l'homme devant moi et de le protéger jusqu'à son dernier souffle. Je ne comprends pas... Je ne comprends pas ces sentiments, ce respect inconditionnel que je ressens soudainement envers Chayyim. Je n'ai jamais eu d'émotions nobles, je n'ai jamais cherché à prendre soin de quelqu'un ; je ne fais que trousser des gars dans des bordels et assouvir mes envies bestiales. Jamais je n'ai ressenti cette exigence à prendre quelqu'un dans mes bras et à le garder au plus près de mon cœur. Je ne comprends plus rien...
VOUS LISEZ
Le Dernier Oméga
FantasiNa'voah signifie « monde harmonieux », un monde où les relations entre les hommes et la nature sont régies selon un principe d'équilibre, un monde où alphas, bêtas et omégas vivent en paix. Seulement, la nature est généreuse et l'homme trop avide. Q...