Chayyim me suit en silence tandis que je nous mène jusqu'à la cabane du guérisseur, encore invisible parmi les rochers escarpés. La nuit est claire, le ciel dégagé, les étoiles scintillent de mille feux au-dessus de nos têtes. J'aurais donné cher pour passer la soirée à les contempler avec mon compagnon, mais une mission de plus grande importance nous attend.
Au bout de quelques minutes, la bâtisse apparaît enfin dans son enfoncement de terrain, et je ne peux empêcher une sourde inquiétude de remonter le long de ma gorge. Jetant un coup d'œil rapide derrière mon épaule, je croise le regard de Chayyim, déterminé, et me résigne enfin à toquer à la porte.
Il ne nous faut pas attendre longtemps avant que cette dernière ne s'entrouvre sur la masse corpulente du vieil alpha, encore plus impressionnant que dans mes souvenirs. Je ne perçois pas le visage de mon compagnon, mais je suis persuadé que ce dernier est choqué par l'apparence de notre futur interlocuteur.
Le guérisseur nous adresse un bref signe de tête, le visage fermé, puis jette un regard curieux vers Chayyim qui le fixe sans ciller. Le temps d'un instant, j'aperçois une étincelle de surprise mêlée de fascination traverser les yeux argentés avant qu'il ne se décale pour nous laisser passer.
A l'intérieur, le feu crépite dans le foyer près duquel la table a été poussée. Un homme y est accoudé, assis sur un fauteuil en osier, une large capuche rabattue sur la tête. Dès que nous entrons, il lève son visage vers nous, dévoilant deux yeux plus bleus que le ciel et une peau violacée, semblable à celle des habitants d'Ano'h. Alors qu'il se met debout pour nous saluer, je remarque sa taille bien plus modeste que celle de son hôte, plus petite même que celle de Chayyim.
En dépit de la cape qu'il porte sur ses épaules, je devine un corps sec et agile sous ses vêtements, et lorsqu'il tend vers nous une main calleuse aux ongles cassants cerclés d'irritations, je comprends que l'homme est un marin.
Sans hésiter une seule seconde, il attrape ma main avec ferveur et la serre avec une franchise déconcertante. Je fronce brièvement les sourcils, trop surpris par ce salut pour ne pas l'exhiber. Personne ne m'a jamais serré la main ainsi, personne ne s'est jamais montré intéressé de me rencontrer et personne n'a jamais osé me toucher de peur d'être contaminé par je ne sais quel fléau.
Aussitôt après m'avoir salué, il se tourne vers mon compagnon, baisse brusquement la tête et laisse tomber un genou au sol, une main pressée contre le cœur.
— Monseigneur, c'est un immense honneur de vous rencontrer, déclame-t-il d'une voix pressante, comme si une émotion mal contenue menaçait de jaillir de son corps. Je me nomme Ol'mu, contrebandier de profession, et à partir d'aujourd'hui, je place ma vie, mon âme et mon arme entre vos mains. Disposez-en comme il vous en conviendra, mais je vous en conjure, ne rejetez pas mes services.
Déconcerté, je jette un coup d'œil à Chayyim qui observe l'homme avec une impassibilité qui accentue la puissance qui émane de lui. Ses cheveux rejetés en arrière dégage son front noble et la ligne arquée de ses sourcils. Son regard est sombre, son port de tête altier.
— Relevez-vous, répond-il calmement en avançant d'un pas vers l'homme. Votre dévotion m'honore, mais je crois que nous devons traiter de certaines affaires avant que je ne vous engage à mon service.
Le concerné hoche respectueusement la tête avant de se décaler pour nous désigner la table. Chayyim et lui s'installent sur les deux seuls fauteuils en osier tandis que Yaol et moi nous installons à genoux, bien assez grands pour ne pas paraître en position d'infériorité.
Le guérisseur observe lui aussi mon compagnon avec une curiosité et une fascination mal dissimulées. Si son regard est insistant, il n'en est pas pour le moins intrusif, et je devine qu'il le contemple d'un point de vue professionnel, cherchant à repérer chez cet homme tous les éléments qui font de lui un oméga et qu'il a dû apprendre par cœur. Ressent-il également ses phéromones ? Inexplicablement, la perspective de le savoir apte à renifler cette odeur suave qui flotte parfois autour de Chayyim me fait grincer des dents.
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Le Dernier Oméga
ФэнтезиNa'voah signifie « monde harmonieux », un monde où les relations entre les hommes et la nature sont régies selon un principe d'équilibre, un monde où alphas, bêtas et omégas vivent en paix. Seulement, la nature est généreuse et l'homme trop avide. Q...