Finalement, Chayyim ne m'a pas rejoint dans ma chambre ce soir-là. Ni les suivants. Ballotté entre inquiétude et incompréhension, je ne sais plus sur quel pied danser, errant dans l'aile des domestiques sans avoir le droit d'en sortir. Je sens très bien que quelque chose ne va pas.
Durant toute la réunion avec le Petit Conseil, l'aura de mon compagnon est restée instable, gonflant parfois pour aucune raison, pleine de colère et de terreur, avant de se résorber sans prévenir. Plusieurs fois, une odeur aigre s'est échappée de lui, bien loin de celle, suave, qui l'entoure habituellement. Notamment lorsque le roi s'approchait de lui, des phéromones chargées d'émotions négatives se mettaient à virevolter dans la pièce, prenant tant de place qu'ils m'ont coupé la respiration plus d'une fois.
Je ne comprends pas. Je me doute que notre retour à Ma'la, couplé à la frivolité du monarque et à la perspective d'une prochaine guerre, le préoccupe au plus haut point, qu'il a besoin de temps pour régler tout cela, qu'il n'est plus libre de ses mouvements. Mais alors, pourquoi ai-je cette impression tenace qu'il cherche à m'éviter ?
Les premiers jours, avant de me faire sévèrement réprimander par les gardes, j'ai tenté de le croiser au détour d'un couloir, de lui adresser ne serait-ce que quelques mots. En vain. Les rares fois où j'ai pu m'approcher de lui, il ne m'a pas accordé un seul regard, m'ignorant ostensiblement alors qu'il défendait encore ma présence à ses côtés quelques jours auparavant. Et ce, pendant maintenant plus d'une semaine.
J'essaie de me rassurer en me disant qu'il veut me protéger d'éventuelles rumeurs ou mauvais traitements, mais le temps se fait long, cruel. Je ne suis pas patient, et je le suis encore moins lorsqu'il s'agit de mon oméga. J'ai beau faire semblant, le mépris tangible qui me suit partout dans ce palais commence à me peser. Je commence à en avoir vraiment marre de ces insultes chuchotées dans mon dos, de ces regards dégoulinant de dégoût, de cette façon dont on me rappelle chaque jour que je ne vaux rien, que je ne suis pas plus apprécié que la vermine qui rampe dans les caves du palais.
Mais plus que tout, ce qui me donne des bouffées d'angoisse et l'envie de tout brûler sur mon passage, c'est cette rumeur, cette affreuse rumeur qui enfle pernicieusement dans les couloirs, cette rumeur insupportable qui me ferait tout autant hurler que vomir, cette rumeur qui dit que, chaque soir, L'Oméga rejoint la couche du roi pour passer la nuit avec lui.
La simple pensée que cela puisse être vrai suffirait à me faire écorcher vif le premier imbécile qui ose proférer ces mots devant moi. C'est inconcevable. Chayyim n'a aucune raison de faire cela, le roi et lui ne partageaient déjà plus leur couche depuis bien longtemps avant que nous partions en mission. Alors qu'il le rejoigne pour prouver que rien n'a changé entre eux ne tient pas la route, au contraire !
Furieux, je balance mon pied dans une motte de terre, récoltant au passage le regard outré de deux domestiques assis devant les cuisines. Tout ceci est forcément faux, je ne dois pas prêter attention aux rumeurs de couloirs. La Cour est un microcosme malsain, où chacun a un avis sur tout le monde. Je dois m'extraire de cela, me concentrer sur ce qui est important. Mais bordel, si seulement Chayyim acceptait de me recevoir, ne serait-ce qu'un instant, pour me rassurer !
Je deviens fou.
Tapi à l'ombre d'un arbre, j'observe le soleil se coucher à l'horizon, enveloppant le palais d'une douce lueur orangée. Je dois partir. Je ne peux pas rester une seconde de plus ici. Il faut que je me change les idées ou je vais définitivement faire une connerie.
Alors, lorsque la nuit s'installe doucement, je me faufile par la sortie utilisée par les domestiques pour sortir de l'enceinte du palais. Puis me dirige d'un pas assuré vers les faubourgs de la ville.
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Le Dernier Oméga
FantasiaNa'voah signifie « monde harmonieux », un monde où les relations entre les hommes et la nature sont régies selon un principe d'équilibre, un monde où alphas, bêtas et omégas vivent en paix. Seulement, la nature est généreuse et l'homme trop avide. Q...