Winter falls.

August.

Les jours qui suivirent furent silencieux. Hyunjin n'avait pas réussi à ouvrir ses croquis, pas même une fois et son esprit semblait encore toujours bloqué à Séoul, l'emprisonnant dans une page blanche qui ne semblait plus avoir de fin. Malgré tous ses efforts, le styliste avait beaucoup de mal à couper ses pensées de sa vie Séoulite et malheureusement, la distance ni changeait rien. Il ingérait toujours ses pilules magiques comme il aimait les appeler, dormait toujours peu et finissait invariablement par manquer d'appétit. Pris en tenaille pas un sentiment morose d'inexistence et d'inutilité.

Pour autant, Hyunjin essayait comme il le pouvait de se détendre, d'occuper son esprit. Pour cela il faisait de longue marche journalière sur le domaine qui lui permettaient au moins de s'aérer le corps et l'esprit. Chan lui avait prêté des chaussures plus adaptées qu'il avait laissé machinalement devant l'entrée et Hyunjin avait finalement pris le pas de passer plus souvent ses journées dehors dans le froid que dans le confort et la chaleur du chalet.

Cela surprenait son ainé. Parfois il l'observait marcher durant de longues heures et jamais il n'avait eu le coeur à lui parler de ce qui pouvait bien le tourmenter à ce point. Hyunjin semblait perdu dans ses pensées, perdu en lui même et rien ni personne ne semblait pouvoir le ramener à la réalité, déjà profondement enfoui dans la sienne.

Ce regard perdu et confus lui rappelait invariablement celui qu'il avait bien connu et Chan s'en renfrognait à chaque pensée un peu trop invasive à son sujet, mais malgré ses efforts, parfois, il lui était impossible de passer au dessus. Ses orbes sombres et trop souvent larmoyantes, sa posture contrite qui semblait pourtant vouloir se battre et se dépasser, son souffle sur sa peau, la douceur de ses gestes, le timbre de sa voix... Chan ne pouvait y échapper, il lui appartenait tout entier et à sa manière toute différente, pendant de brefs instants, Hyunjin pouvait le ramener à lui. Lui aussi était ambitieux, lui aussi était anxieux et lui aussi était perdu.

Depuis qu'il accueillait le créateur, Chan n'avait que peu dormi, perturbé par ses reviviscences et perturbé par la présence d'un homme dans son foyer. Pour autant et malgré sa fatigue évidente, les rares moments où il pouvait se reposer, il n'arrivait pas à s'y résigner. Alors, prit pas une impulsion qu'il détestait, toujours la même, celle du manque, il se dirigea vers la remise. Il attrapa un carton déposé en hauteur qui était en permanence scellé par un scotch dont il rajoutait toujours une couche à chaque fermeture, comme une contrainte pour ne pas l'ouvrir trop souvent.

Il arracha le ruban adhésif couleur argent et lorsque le carton s'ouvrit, il tomba immédiatement sur deux photos. La première était la photo d'un jeune homme. Sur cette dernière, il devait avoir 21 ans, tout au plus. Il était au garde à vous, habillé d'un uniforme de soldat, probablement de l'armée de terre. Son regard semblait vulnérable, mais sa posture était digne, fière. Sa peau lisse, presque juvénile et ses yeux de chiens battus contrastaient en une violence évidente avec son uniforme austère et porteur de valeurs qui ne semblaient pas lui appartenir.

La deuxième photo était une de ce même homme, mais riant aux éclats. Ses yeux étaient plissés par l'amusement et ses lèvres étirés par un bonheur qui apparaissait contagieux. Il regardait l'objectif comme si aucun lendemain n'aurait pu venir ternir son exclamation de joie. Il semblait habillé en civil, avec un t-shirt noir bien trop grand pour sa carrure qui laissait entrevoir de maigres clavicules.

Le visage de Chan se mut en un sourire triste et il passa avec douceur son pouce sur le papier glacé de la photo. Ses yeux lui piquaient furieusement et ses lèvres tremblèrent légèrement, mais il se retint au mieux de faire couler quelconque sentiment. Il s'attarda encore quelques secondes sur l'instant figé d'émotion, comme son ancien amant aimé les appeler et il la posa de nouveau dans le carton avec minutie, comme si elle aussi pouvait se briser.