Red.

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Chan ne savait pas quoi faire. Cela faisait des jours qu'il croisait à peine son cadet. Ce dernier semblait travailler toutes les nuits pour ne dormir qu'une poignée d'heures en journée. L'ainé n'était même pas sur qu'Hyunjin travaillait réellement, il ne savait rien de ce qui se passait pour lui, hormis sa colère et sa détresse et cela ne faisait que le rendre encore plus anxieux.

Chan le croisait toujours habillé d'un costume parfaitement aligné et jamais il ne l'avait revu démaquillé. Il se sentait minable, c'était les seules pensées qui lui revenaient toujours à l'esprit. Comment allait-il lui annoncer maintenant que le logement n'a jamais eu de problème et qu'il voulait juste le garder prêt de lui ? Il avait creusé un trou dans lequel il s'était lui même poussé et enterré. A cet instant, lui qui semblait toujours fort et intègre se sentait totalement démunis et abattu. Il avait trahis la seule personne qui avait réussi à avoir de l'importance pour lui.

Tel les lapins qu'il chassait, l'ermite se sentait pris au piège, prit dans un piège dont il avait lui même crée les aspérités et qui lui semblait s'insérer par tous les pores de sa peau.

Le silence que lui imposait son cadet était terrifiant, assourdissant et quand on couplait cela au fait que ce dernier ne le regardait jamais, alors Chan avait le sentiment de perdre la tête, d'avoir renoncé à une partie de sa sanité.

Depuis quatre jours, depuis quatre longues journées et quatre silencieuses nuits, le propriétaire n'avait plus jamais croisé ses pupilles. Pas même par mégarde ou par fierté. Hyunjin portée une attention extrême à ne jamais lui offrir la moindre possibilité, la moindre faille, c'est en tous cas comme ça que Chan percevait son attitude. Quand Chan essayait de capter son regard, ce dernier était toujours fermé et inaccessible. Le pire était qu'il ne regardait pas le sol, loin de là, Hyunjin avait une attitude fière et froide, tel qu'il devait être chez lui. Ses yeux regardaient toujours bien droit devant lui et jamais plus Chan n'avait perçu la moindre émotion teindre son visage. Pour qui savait observer, ses traits étaient pourtant tirés, ses joues étaient creusées et de temps en temps Chan percevait ses paupières gonflées d'avoir probablement trop pleuré, mais jamais Hyunjin ne s'était montré naturel ou vulnérable de nouveau, pas même le temps d'un battement de cils.

Il lui semblait qu'il était de nouveau revenu à l'homme qu'il avait croisé dans l'auberge. Il était l'homme que Chan l'avait forcé à être devant lui.

L'ainé était désespéré, il ne dormait plus depuis des jours et se dépenser dans la journée en forêt n'y pouvait plus rien. Ses cernes étaient visibles et il lui semblait même manger trop, trop souvent, en de trop grosse quantité. Il cherchait le sucre, comme un réconfort liquoreux qui pourrait le tenir éloigner de ses propres pensées et le bercer là ou Hyunjin ne le faisait plus. C'était drôle, car Chan n'avait jamais aimé les sucreries et pourtant...

Tous les jours, il laissait des assiettes à Hyunjin qu'il avait cuisiné pour lui, parfois, il lui coupait même des fruits qu'il disposait dans des bols, mais invariablement rien ne bougeait dans le réfrigérateur. Les aliments restaient statiques durant des jours jusqu'à ce que Chan finissent par les manger ou les jeter, lui qui détestait gaspiller. Chan ne s'était jamais senti aussi rejeté de sa vie et sur ce coup là, il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même, il le savait.

Lors d'une longue nuit de réflexion, Chan se demanda finalement si ce n'était pas ce qu'Hyunjin lui même ressentait, ce sentiment extrême de rejet. Est-ce qu'à force d'être ainsi exposé il n'avait pas fini par être obligé de s'isoler  ? Est-ce que cette notoriété ne le rejetait pas de toute forme de contact social, comme un paradoxe ? Dans l'énervement, Hyunjin lui avait même soufflé avoir vécu ainsi toute sa vie, même son enfance. S'était-il construit dans la solitude, dans le rejet ?

Winter fallsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant