Eòlach

Chapitre 19 - Les fils rouges du destin

Le lendemain matin, Acacio se leva avec une excitation mêlée d'appréhension. Son oncle, l'oracle qui pourrait peut-être l'éclairer sur le mystère de ses fils du destin, était sur le point d'arriver. La veille, cela ne faisait même pas deux heures que son père l'avait contacté, qu'il avait annoncé son arrivée dès le lendemain matin, avant les premières heures de cours.

A peine Acacio eut-il rejoint les portes de l'enceinte de Gach Tùs – une forte barrière empêchait les téléportation depuis et dans l'école – que déjà un portail s'ouvrait, révélant un homme à l'allure simple. Il portait une de ces anciennes robes de sorcier, comme s'il venait d'un autre temps.

— Cela faisait longtemps que je ne t'avais pas vu, gamin, fit son oncle en le prenant dans ses bras. Ton père m'a expliqué ta situation. Mais ne restons pas là, allons le rejoindre dans son bureau.

Le duo traversa l'école encore silencieuse, les premières lueurs de l'aube les accompagnant. Les quelques rares personnes qu'ils croisèrent étaient les élèves ou enseignants assez courageux pour aller faire du sport au lever du soleil.

— Millian, content de te savoir en forme malgré les derniers événements, fit l'oncle d'Acacio en entrant dans le bureau.

— Merci d'être venu, Mieczyslaw. Je sais que c'est compliqué pour toi de venir dans un lieu aussi peuplé.

— Même si je n'ai pas été très présent pour Acacio, il reste tout de même le fils de ma petite sœur. Alors s'il a besoin de moi, surtout dans ce domaine en particulier, je compte bien répondre à ses questions. Mais dis-moi Acacio, où est ton familier ?

— Il doit encore être en train de dormir.

— Alors allons le rejoindre, j'ai besoin que vous soyez assez proche pour que je puisse distinguer le fil qui vous uni des autres.

Ils quittèrent le bureau du directeur, Acacio guidant son oncle vers la chambre qu'il partageait avec Shain depuis maintenant trois mois et demi. La tension pesait dans l'air alors qu'Acacio se préparait à ce que son oncle pourrait lui dire.

En entrant dans leur chambre, il la trouva vide. Le lit du loup-garou était soigneusement fait, signe qu'il était levé depuis un moment, mais il n'y avait aucune trace de son familier.

— Où pourrait-il être à cette heure-ci ? murmura-t-il, plus pour lui-même que pour son oncle. Ça peut être soit la forêt, soit dans un des parcs de l'école.

Ils quittèrent la chambre et Acacio se laissa guider par le lien qu'il avait avec son familier vers la cour arrière de l'école. Le soleil peignait le ciel de teintes chaudes, réchauffant l'atmosphère matinale. Là, ils trouvèrent Shain, assis près de l'arbre central, contemplant le lever du soleil.

Acacio sentit un mélange complexe d'émotions en le voyant ainsi. Shain semblait paisible, en paix avec lui-même. Son regard perdu dans l'horizon laissait transparaître une sérénité inhabituelle.

L'espace vibra d'une énergie mystique alors que l'oncle libérait sa magie pour examiner les fils du destin qui entrelaçaient l'invocateur et son familier. Il manipula sa magie, englobant son neveu d'une fine couche de particules élémentaires. Acacio ressentit un léger picotement au niveau de son poignet, mais rien de plus.

— C'est incroyable, je n'avais jamais ressenti cela avant. C'est comme si le fil qui vous unissait et le lien invocateur-familier avaient fusionné pour ne faire plus qu'un. Mais cela expliquerait aussi la particularité de ton familier, Acacio.

— Comment est-ce possible ?

— L'hypothèse la plus probable est que vous étiez liés par un fil, probablement rouge vu sa puissance, et que ce lien a interféré avec le sort lors de l'invocation, ce qui explique que Shain soit devenu ton familier alors que ce n'est jamais arrivé avant. Mais ce que vous avez tous les deux est très rare. Cette fusion est le signe d'une connexion profonde, qui transcende les simples relations invocateur-familier ou amoureuses. Il est rare que les fils du destin se modifient de cette manière après leur création.

Acacio, écoutant attentivement, ne savait pas vraiment comment prendre ces nouvelles informations. Après tout, son oncle lui disait qu'ils étaient prédestinés à se rencontrer.

— Mais qu'est-ce que ça signifie concrètement ?

— Cela signifie que votre destin est entrelacé de manière unique. Vos vies sont liées par quelque chose de plus grand que ce que beaucoup peuvent comprendre. Cependant, cela ne garantit pas l'absence de défis. Les fils du destin peuvent être complexes, et ils révèlent parfois des vérités difficiles.

Acacio, bien que conscient de la complexité de la situation, se sentait désormais armé de connaissances. Avec un regard déterminé, il remercia son oncle.

— Merci d'être venu, tonton. J'y vois plus clair maintenant, et je vais pouvoir prendre ma décision.

Acacio raccompagna son oncle jusqu'aux portes de Gach Tùs. Avant de partir, Mieczyslaw sourit et posa affectueusement une main sur l'épaule d'Acacio.

— Souviens-toi, cher neveu, même si les fils du destin tissent vos vies, c'est à vous de décider comment les suivre.

Sur ces mots, il disparut à travers le même portail qui l'avait amené, laissant Acacio seul avec ses pensées et les réponses fraîchement acquises. Il choisit de s'isoler pour le reste de la journée, voulant faire un point sur lui-même, sur ce qu'il venait d'apprendre, sur l'évolution de sa relation avec son familier depuis son invocation.

Il réapparut le soir, surprenant Shain qui pensait être encore seul quelques heures.

— Shain, j'aimerais te parler, s'il-te-plait.

Ella, qui ne l'avait pas lâché depuis qu'il s'était déclaré, lui demanda silencieusement si elle devait rester ou non. Shain lui répondit de la même façon, lui affirmant que c'était bon.

— Je t'écoute. Alors, vas-y, parle.

— Déjà, je voulais m'excuser de la manière dont je t'ai traité. J'ai été un parfait connard et tu ne le méritais absolument pas. Tu as été là pour moi lorsque ça n'allait pas et je n'ai fait que t'envoyer chier et te faire souffrir. En réalité, j'avais peur de ce que tu me faisais ressentir.
J'ai apprécié chaque moment qu'on a passé ensemble, et ça me terrifiait. Je n'étais pas prêt à assumer mes propres sentiments pour toi, mon familier, alors que je mettais autant de force à te détester pour tout ce que tu me faisais subir. Mais le fait de ne pas te voir du tout ni de subir tes blagues douteuses ces derniers jours m'a fait réaliser que c'était déjà trop tard et que je ne pouvais plus me passer de toi. Je comprendrais que tu me détestes, et entre nous, je le mériterai.

— Je ne te déteste pas, Acacio. Mais ça ne veut pas dire que tout est oublié. Ce que tu as fait et dit, ça fait mal, putain. Et même si tu me plais, ça ne donne pas le droit de me traiter comme ça.

Acacio baissa la tête, acceptant les reproches muets de son familier.

— Je ne peux pas changer le passé, Shain. Mais ...

— Continue, Acacio, dit-il simplement.

— Je ne savais pas que tu ressentais... tout ça, admit Acacio, cherchant ses mots. Ce que nous partageons, c'est évident, mais je ne savais pas que c'était si profond. Et maintenant, avec ce que mon oncle a expliqué sur le fil du destin qui nous relie...

— Acacio, coupa Shain doucement, peu importe ce que les fils du destin disent ou ne disent pas. Ce qui compte, c'est ce que nous ressentons et ce que nous voulons.

Acacio hocha la tête, reconnaissant la sagesse dans ces paroles.

— Ce que je veux, c'est comprendre, poursuivit-il. Comprendre ce que cela signifie pour nous, pour notre lien, et pour notre avenir.
Shain sourit doucement. Il fixa intensément son invocateur, cherchant la sincérité dans les yeux du sorcier. Il pouvait sentir les fils du destin qui les liaient, un lien rouge vibrant entre eux. Le loup-garou soupira.

— On a tout le temps du monde pour le découvrir, Acacio. Et peu importe ce que l'avenir nous réserve, nous le découvrirons ensemble.

Les deux jeunes hommes étaient coincés dans une danse complexe d'émotions, où l'attraction et la douleur se mêlaient d'une manière déroutante. Ils n'avaient peut-être pas tout résolu, mais c'était un début.