Chapitre 16 - Directeur retrouvé

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Les rues étaient encore plongées dans l'obscurité de la nuit lorsque Shain se leva, son esprit en mode traqueur. Les premiers bruits matinaux de la ville montaient doucement, mais Shain ne s'en préoccupait pas. Il devait localiser Millian Mortensen.

Se penchant au-dessus de la fenêtre entrouverte, Shain flaira l'air du matin, un mélange d'odeurs qui flottaient dans la brise légère. Les parfums de la ville étaient mélangés à des notes plus subtiles de la nature environnante. Il identifia des senteurs familières, sûrement celles du directeur, qui ressemblaient à celles de son invocateur.

Descendant dans la rue, ses pas étaient légers, presque imperceptibles, alors qu'il suivait ces indices olfactifs. Utilisant ses talents de pisteur aiguisés par des années de pratique, le loup-garou se concentra sur les moindres indices, les nuances subtiles laissées dans l'air, sur le sol, ou même dans les murmures de la nature. Les murmures de la nature semblaient prendre vie à ses côtés, lui soufflant des secrets que seuls les pisteurs expérimentés pouvaient comprendre. Chaque bourgeon, chaque brin d'herbe renfermerait un indice. Shain suivit les traces, traversant les quartiers, les places, et les parcs, suivant le fil invisible qui le guidait vers la destination inconnue où Millian était retenu.

Après avoir arpenté la ville et ses alentours, Shain conclut que l'ancien directeur était retenu dans la zone industrielle, dans un vieil entrepôt désaffecté. Il tenta de repérer les lieux, mais comme lors de l'attaque, il ne sentait pas d'autres odeurs que celle du directeur et des entrepôts alentours. Il nota cependant de nombreuses empreintes de pas, comme si le lieu était toujours occupé. Un effluve de sang lui chatouilla les narines, lui faisant comprendre qu'il n'avait pas de temps à perdre pour retrouver son invocateur et revenir.

L'aube commençait à se montrer, illuminant les rues d'une teinte rosée. Maintenant qu'il avait trouvé Millian, il devait retourner à l'auberge avant que son invocateur ne se réveille. Il avait déjà eu de la chance que le lien lui permette d'aller aussi loin sans ressentir la moindre douleur. Il avait bien senti un petit picotement lorsqu'il avait atteint l'autre côté de la ville, mais comme l'odeur du directeur s'atténuait, il avait rebroussé chemin.

Pour réveiller Acacio, Shain lui secoua l'épaule d'une main ferme mais empreinte de sollicitude.

— Acacio, réveille-toi, fit Shain d'une voix calme mais résolue.

Le sorcier émergea lentement de son sommeil, ses yeux s'habituant à la lumière matinale qui filtrait à travers la fenêtre entrouverte. Il cligna des yeux, confus et encore ensommeillé, avant de se rappeler brusquement la situation. Le souvenir de la mission, de l'enlèvement de son père, se rappela à lui comme une vague sombre.

— Pourquoi tu ne me réveilles que maintenant ? gronda Acacio, énervé.

— Tu avais besoin de repos. Et les pisteurs sont toujours meilleurs en solo.
Shain lui jeta un regard intense, et lui fit bien comprendre qu'il n'aurait été qu'un point dans sa traque. Ils ne se connaissaient pas assez pour qu'Acacio sache comment le suivre sans le gêner, ni perturber ses sens.

— Je sais où est retenu ton père, annonça Shain d'une voix emplie d'assurance.

Acacio saisit rapidement l'essentiel. Ses pensées embrumées commencèrent à se dissiper sous l'effet de l'adrénaline. Il se redressa, attrapant rapidement ses affaires posées dans un coin de la chambre, ses pensées s'alignant sur la mission qui les attendait.

— Où est-il ? demanda Acacio, une lueur de détermination brillant dans ses yeux dorés.

— Dans un des entrepôts désaffecté, en périphérie de la zone industrielle. Comme pour l'attaque, je n'ai pas réussi à sentir une odeur autre que celle de ton père. Des guetteurs sont cependant là, en attestaient les multiples jeux d'empreintes. L'odeur du sang était aussi bien présente, ne présageant rien de bon.

L'angoisse qu'il ressentait pour son père faisait écho dans le regard d'Acacio. Sans un mot, ils échangèrent un regard, un pacte muet entre un familier et son invocateur, promettant de tout faire pour libérer Millian.

Ils quittèrent la chambre, plongeant dans les foules de Carrane. Shain guidait son invocateur dans les rues qui commençaient à s'animer à mesure que le soleil montait dans le ciel. Les magasins s'ouvraient tandis que les gens s'y glissaient, parfois en nombre, profitant de leur temps libre pour faire des emplettes.

Ils se dirigèrent silencieusement vers la zone commerciale, se préparant comme ils le pouvaient autant physiquement que mentalement pour ce qui les attendait. Ils ne savaient pas à quoi s'attendre, ni au nombre d'ennemis présents, ni à l'état dans lequel ils trouveraient le directeur. Acacio était prêt à user de sa magie, tandis que Shain laissait le loup en lui aiguiser un peu plus ses sens et ses réflexes.

Lorsqu'ils arrivèrent devant l'entrepôt, l'atmosphère était tendue au plus haut point. Aucun des deux ne parla, se concentrant sur leur lien pour se comprendre. Les récents évènements semblaient les avoir suffisamment rapprochés pour qu'ils puissent deviner ce que l'autre voulait sans avoir besoin de mots. Ils n'en étaient pas encore à se parler par télépathie via le lien, mais ils pouvaient au moins communiquer leur ressenti et leur volonté.

Se cachant dans l'ombre d'un entrepôt voisin, Shain tendit l'oreille, essayant de capter des bruits qui pourrait lui indiquer la position et le nombre de gardes. Il en repéra deux devant la porte principale, et cinq autres à l'intérieur, mais ne connaissant pas la topographie, il ne pouvait que les localiser approximativement sans savoir s'ils pourraient les éviter lorsqu'ils entreraient.

Shain se transforma, laissant le loisir à son loup de faire diversion. Il regarda son invocateur qui comprit rapidement son intention et le rôle qu'il lui laissait.

Shain se rapprocha des gardes, feignant le loup sauvage et solitaire qui s'était perdu. Après tout, la forêt n'était pas très loin, rendant le subterfuge plausible. Acacio se glissa en silence derrière eux une fois qu'ils se laissèrent distraire par son familier et dans une démonstration de magie subtile, bloqua l'air autour des deux hommes, les empêchant de respirer. Ils s'effondrèrent silencieusement, inconscient mais intact. Ils avaient réussi à éliminer les gardes sans attirer l'attention.

Les portes grinçantes de l'entrepôt s'ouvrirent devant eux, révélant une obscurité oppressante. Shain avança prudemment, suivi de près par Acacio, dont les yeux s'habituaient petit à petit à la pénombre. De nombreuses caisses étaient empilées, créant un véritable labyrinthe.
Au fur et à mesure qu'ils s'enfonçaient dans l'entrepôt, des bruits étouffés leur parvenaient de plus en plus distinctement. Les gémissements de Millian résonnaient dans l'obscurité, témoignant de sa détresse et de son mauvais état physique. La rage et l'inquiétude se mêlaient dans les yeux d'Acacio qui sentait son cœur battre plus fort à mesure qu'ils s'approchaient de leur objectif.

Au centre de l'entrepôt transformé en labyrinthe, le directeur gisait, malmené et affaibli par la torture qu'il avait subie. Son familier, un magnifique phénix en temps normal, était suspendu par une pâte, à moitié déplumé, inconscient. Le cœur d'Acacio se serra à la vue de la détresse de celui qu'il respectait et chérissant tant.

— Papa ! s'exclama Acacio en se jetant vers lui, les larmes aux coins des yeux.

Shain s'apprêtaient à couper les liens qui retenaient le directeur et son familier lorsqu'une silhouette menaçante apparut soudainement de derrière une caisse.

— Mais regardez qui voilà ! Tes chers élèves sont venus te sauver, rigola l'homme qui venait d'apparaître en regardant son prisonnier.

— Vous ne nous empêcherez pas de repartir avec mon père, salaud, rugit Acacio.

— Vous ne partirez pas si facilement, hurla l'homme d'une voix empreinte de haine et de détermination.

Les yeux de l'homme luisaient d'une folie froide, son visage portant les stigmates d'une obsession vengeresse qui l'avait rendu méconnaissable aux yeux de tous. Cela devait être Ivan, si l'on en croyait les dirent des clients de l'auberge qu'ils avaient interrogés la veille.

— Pourquoi lui ? Qu'est-ce que mon père vous a fait pour subir ça ?

— Tout est de sa faute ! accusa-t-il furieux, pointant un doigt accusateur dans leur direction. C'est à cause de lui que mes filles ne sont plus là.

EòlachOù les histoires vivent. Découvrez maintenant