Chapitre 23

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Une chape humide et oppressante m'enveloppe. Les ténèbres dévorent la pièce. Je suffoque, recroquevillé sur moi-même, grelottant de froid. J'ouvre péniblement les yeux et peine à me resituer. Cette chambre n'est pas la mienne, et quelqu'un respire de l'autre côté du lit. Mais qui ? Ma main se promène sur la table de chevet et sent la présence d'une lampe. Je tâte à l'aveuglette le cordon jusqu'à l'interrupteur et l'actionne. Une lumière crue me transperce le visage. Je tire un grand coup sec sur le câble et la nuit accapare les lieux. Petit à petit, ma vision s'accoutume et les combles se dessinent sous une lueur pâle. Sam... Le réveillon... Je suis chez les parents de Sam pour le réveillon.

Je déglutis, un goût horrible de fer dans la bouche, puis roule sur le ventre avec la sensation que des millions d'insectes grouillent sous ma chair. Mes entrailles se tordent et un gémissement étouffé s'échappe de ma gorge. Je serre les dents et éponge mon front trempé sur le matelas, les ongles enfoncés dans les draps. À mes côtés, étendu sur le dos, Sam dort à poings fermés tandis que dehors, le vent rugit. Les volets claquent sous les rafales. La charpente craque. Je mords le col de mon t-shirt et inhale une grande bouffée d'air avant de couper ma respiration.

Un... Deux... Trois.

Je me redresse dans une lenteur agonisante sous les lamentations du sommier et geins. Mon dos se voûte et mes épaules se secouent sous des sanglots silencieux. Un volet se fracasse contre le mur. Je plaque mes mains contre mes oreilles. En discutant avec Sam, j'en ai omis de prendre mon traitement. Sa simple présence a réussi à éclipser un temps la douleur. Mais me voilà maintenant, souffrant à quelques centimètres de lui et priant pour qu'il ne se réveille pas. J'ai observé assez de peur et de reproches dans les yeux de Sofia, quand ces crises surgissaient en sa présence, pour l'imposer à qui que ce soit d'autre. Je ne voulais plus être ce fardeau, cette source d'inquiétude constante pour mes proches. Plus personne ne devait me voir ainsi ; vulnérable et brisé.

Je ramène mon sac sur mes genoux endoloris, puis reprends mon souffle comme si ce geste dérisoire avait usé toutes mes batteries. Je l'ouvre, glisse mes doigts dans la poche avant et... Non, non, non... Il était là. Il était juste là. Je l'avais tenu dans mes mains. J'en suis sûr. Les paupières closes, j'écrase mes paumes contre mes tempes. Suis-je en train de perdre la raison ? Où est passé ce putain de flacon ?! Et si quelqu'un a fouillé dans mes affaires pendant mon absence ? Après tout, je suis un étranger dans cette maison. Personne ne voudrait d'un inconnu chez soi. Non, tu dérailles. Cette famille n'est pas comme ça. Mais qu'est-ce que j'en sais ? Je ne les connais pas. Avec la même lenteur, je repose mon sac au sol, repris là aussi mon souffle. Je ferme les yeux, tentant de visualiser ma main s'emparer d'une carte de crédit pour former une parfaite ligne blanche, prendre une paille, la glisser dans une narine et... Non, mauvaise idée. Je ne dois pas penser à ça.

Mes dents claquent. Mes mains tremblent. Ma peau me démange. Je me gratte les bras, le torse, mes veines à sec, sans succès. Je pleure cette fois pour de bon, comme un gosse, sans aucune retenue. Sam se retourne sous les draps. Je refoule mes sanglots. Si je continue ce vacarme, je vais finir par le réveiller. Je pousse sur mes talons, la respiration saccadée, et parviens difficilement à me hisser sur mes jambes. L'esprit nébuleux et la bouche pâteuse, je titube à travers la chambre. Trois mètres environ me séparent du couloir. Autrement dit : des kilomètres dans mon état. La porte couine sur ses gonds. Je grimace, espérant que ce son désagréable n'a pas atteint les oreilles de Sam. Heureusement, il semble avoir le sommeil lourd.

Me guidant d'une main contre le mur, je traverse la mezzanine pour rejoindre la salle de bain sans prendre la peine d'allumer. Les planches craquent. L'escalier grince, comme si la maison elle-même souffrait d'insomnie. Sur le vieux papier peint, l'ombre des branches éclairées par la lueur argentée de la lune court telles d'immenses tarentules prêtes à capturer leurs proies dans leurs grosses pattes velues. Arrête de délirer.

Le Passé Ne Meurt Jamais [NON CORRIGÉ] BxBOù les histoires vivent. Découvrez maintenant