Prologue

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Il venait de tout perdre.

Il ne s'était jamais senti aussi seul, malgré la petite chose qui hurlait dans ses bras.

Que faire ? Rien, il n'avait pas d'autre choix.

Il courait, non sans verser quelques larmes, et espérait que sa fille aurait la chance de connaître un monde meilleur. Les arbres sombres défilaient devant ses yeux. La forêt était écrasée par un épais brouillard et le ciel était recouvert de vert dégradant jusqu'au bleu. Les aurores boréales ne lui remontèrent guère le moral.

Essoufflé, il fut obligé de s'arrêter. La chose ne cessait pas de pleurer malgré la chaleur des bras de son père. Celui-ci s'assit brusquement à même le sol et entreprit d'éloigner la couverture de la tête de sa fille afin de regarder pour la première fois son visage.

Les loups hurlaient sans honte et les sorcières chantaient. Les bruits provenant de tous les côtés n'inquiétaient guère l'homme qui avait l'habitude de ce lieu sombre et dérangeant.

La couverture de la chose tomba par terre et un cri profond retentit, ce qui calma les créatures de la forêt. C'était le père qui avait émis ce bruit. À présent, il était parcouru de secousses violentes. Il n'avait jamais autant été effrayé.

Son bébé. Son bébé n'était pas de son espèce.

En vérité, il n'appartenait à aucune espèce.

Ses yeux étaient rouges couleur du sang, et son nez était tellement petit qu'il fallait plisser les paupières pour le voir. Ses joues pales étaient marquées de taches de rousseurs et ses oreilles se trouvaient sur le haut de son crane, en forme de pointes. Mais le plus dérangeant était sa bouche. Il était impossible de la décrire vu qu'elle n'existait pas. À sa place se trouvait un coquelicot, accordé à la couleur de ses yeux. Du sang sortait de celui-ci et l'homme ne pu s'empêcher de vomir ses tripes directement sur l'enfant.

L'odeur du sang se mélangea à celle du vomi et cela fit venir des mouches de la taille d'une main sur le corps de la créature.

Le père dégoutté fit ce qu'il voulait faire depuis que la chose avait vu le jour. Il l'abandonna.

Sauf qu'au lieu de l'amener devant une chaumière comme prévu, il la prit, et la jeta de toutes ses forces au milieu de la forêt. Les mouches la suivirent et le père poussa un râle, faisant s'envoler les oiseaux.

Il reprit sa course, tout en espérant cette fois ci que ce monde resterai le même jusqu'à la mort de cette chose horrible censée être sa fille.

Pendant ce temps, du vent s'abattit sur la forêt, faisant s'envoler la blanche couverture qui se déposa comme par magie sur la bête effrayée.

Rouge Comme SangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant