Insoumise

Le défi

Je me réveille, la tête embrumée des rêves érotiques qui ont envahi ma nuit. Est-ce que j'ai cédé à la tentation ? Absolument ! Est-ce que je me sens coupable ? Pas du tout. Dans la mesure où c'est à lui que j'ai pensé lorsque les vibrations ont secoué mon corps et que mes doigts ont effleuré les replis de ma chair. 

Moi qui pensais que l'assouvissement de mon plaisir aurait suffit à me libérer de lui, au moins pour quelques heures, je me suis lourdement fourvoyée. C'est presque pire après. Il faut dire que, malgré ma dextérité, mes mains ont leur limite et ne remplacent en aucune sorte les siennes. Nous avons beau nous connaître depuis seulement quelques semaines, il maîtrise à la perfection l'art d'aiguiser mon désir et de m'offrir du plaisir. Il est le musicien et moi sa partition.

Avec le recul, je regrette les aléas du sort qui ont fait que mon choix s'est porté sur la dernière enveloppe plutôt que sur celle contenant la nuit à l'hôtel avec lui. C'est à ce qui aurait pu se dérouler dans cette chambre que j'ai pensé cette nuit. Les scénarios sont infinis. Je suis d'ailleurs persuadée que ma propre imagination me bride car, à chacune de nos rencontres, il m'initie à de nouvelles expériences sensorielles. Je commence à développer une addiction à sa vision décomplexée de la sexualité. Je me tenais pourtant pour une femme libérée, à l'aise avec son corps. Il m'a démontré que la liberté était une notion que je ne maîtrisais pas pleinement. Et j'avoue avoir très envie d'approfondir mon apprentissage sur le sujet. 

Nos rencontres ont jusque là été organisées à son initiative. Je n'ai pas un tempérament à me laisser porter. Habituellement, je suis plutôt celle qui prend les devants. J'ai besoin de reprendre un peu le contrôle sur ce jeu auquel nous nous prêtons tous les deux. C'est décidé, notre prochaine entrevue sera de mon fait. La question est de savoir où elle se déroulera. Jusqu'ici, elles ont toujours eu lieu dans des espaces publiques. Mon bureau, le Spa, la péniche. Il est peut-être temps que nous ayons un peu plus d'intimité. Mais je ne me vois absolument pas l'inviter chez moi. Je préférerais un terrain plus neutre. Moins engageant... Un appartement Airbnb ferait très bien l'affaire. Un avec une décoration cosy. Ou alors avec un intérieur ancien et quelques poutres avec lesquelles nous pourrions nous amuser ? 

Mon impatience habituelle prend le dessus et ni une, ni deux, j'attrape mon smartphone pour ouvrir l'application de location. Je parcours les habitations proposées en m'attachant aux photos. Certains ont tout de l'intérieur romantique. Ce n'est pas ce que je cherche. J'en regarde un autre, très impersonnel, pour ne pas dire froid. Entièrement meublé avec du mobilier Ikea sans personnalité. Non ça ne va pas non plus. Ca ne nous ressemble pas. Je passe à une autre annonce qui, cette fois, retient mon attention. Ce logement se trouve, semble-t-il, au dernier étage d'un immeuble haussmanien avec un plafond sous pente et des poutres apparentes qui donnent un certain cachet. L'espace semble avoir été ouvert, à l'occasion d'une probable modernisation, et deux piliers en bois jalonnent l'espace. Voilà de quoi me donner des idées ! Décidément séduite par ce logement, je fais défiler les photos. Ce sont celles de la cuisine qui finissent de me convaincre. Toute équipée, avec un plan de travail en pierre d'une longueur confortable et des facades en bois dans un style campagne chic que j.imagine tout à fait chez moi. Au détour de l'une de nos discussions, Monsieur S. m'a fait part de son penchant pour la cuisine. Il est temps de voir si ce ne sont pas que de belles paroles. C'est décidé, ce sera cet appartement. Je jette un oeil aux disponibilités. Les weekends sont évidement les dates les plus prisées. Mais en cette saison, aux portes de l'hiver, il reste des créneaux vacants. Il est libre dans quinze jours. J'hésite à réserver séance tenante mais je prendrais le risque que l'agenda de Monsieur S. ne corresponde pas au mien. Je vais donc vérifier avec lui avant de finaliser ma réservation. 

Comment formuler ce SMS ? Je ne veux pas paraître trop empressée. Ni trop cavalière. Il a déjà un égo surdimensionné, il n'est pas question de l'alimenter. Il risquerait de devenir encore plus pétri d'assurance qu'il ne l'est déjà et croirait que je lui mange dans la main. Est-ce que c'est le cas ? Non, je ne crois pas. Il s'agit d'un jeu entre deux adultes consentants qui y trouvent chacun leur compte. Rien de plus. Du moins pour l'instant. Hum... voyons voir. Je tente une première formulation :