Bévue - partie 1

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Nous sommes en train de partager l'un de ces moments de complicité que j'affectionne. Parlant de tout et de rien, partageant nos opinions sur un ton badin. Je peux laisser libre court aux taquineries que j'aime lui adresser, jouant sur la limite tout en restant du côté respectueux de la ligne. Alors qu'il sollicite mon avis je lui réponds :

"Non mais tu vois..."

Je m'arrête aussitôt, consciente de ma bévue... Je viens de le tutoyer. Ma main vient se placer sur ma bouche, je retiens ma respiration. Je n'ai pas voulu lui manquer de respect, c'est sorti tout seul. Mince, mince, mince !

"Oh excusez-moi c'est sorti tout seul. Je suis vraiment désolée Monsieur."

J'observe sa réaction. Il... rigole ?! Ouf ça ne doit pas être si grave que ça. L'éclair de malice qui brille dans ses yeux ne me dit cependant rien qui vaille.

— Ca faisait un moment que tu cherchais la punition, on dirait bien que tu vas l'obtenir cette fois-ci.
— Oh non, s'il-vous plaît. Je n'ai pas fait exprès, promis. C'était involontaire.
— Même si j'adore t'entendre me supplier, ça ne change rien. Tu n'y coupera pas. Tu dois apprendre ce qu'il en coûte de tutoyer son Dom. Ne bouge pas, je reviens.

J'attends, docile. Je ne réponds pas mais je ne conteste pas non plus. Après tout, j'ai bien fait une erreur. Mais c'est la première fois qu'il me punit depuis l'officialisation de notre relation D/s. Je ne sais pas à quoi m'attendre et suis un peu anxieuse. Il revient avec une feuille et un stylo qu'il me tend.

—Je veux que tu me rédiges un acrostiche sur le pardon. Une phrase pour chaque lettre du mot. P. A. R. D. O. N. Lorsque tu auras terminé tu me le réciteras à genoux. Je te donne dix minutes.
— Ca manque d'originalité...
— Tu as un commentaire Charlotte ? 
— Non Monsieur.
— Il fallait y penser avant. Va mettre ton Lush. Ton insolence te vaudra un handicap : la déconcentration. Gare à toi si tu ne termine pas à temps. File.

Je regrette instantanément ma petite bravade. J'ai tout gagné. Déjà que la partie s'annonçait serrée, avec un oeuf vibrant, le défi se corse. Zut. Peu encline à le contrarier davantage, je m'équipe aussi vite que possible. A peine revenue, mon jouet se met à trembler. Je me mords la lèvre. C'est trop bon.

— Ca ne devrait pas être le cas, mais si jamais tu sens que tu atteins la limite de ce que tu peux supporter, utilise le mot de sécurité "rouge". Compris ?

— Oui Monsieur.

—Je t'enlève 1 minute pour m'avoir répondu tout à l'heure. Il ne t'en reste plus que 9. Allez, au travail.

Aie. J'aurai vraiment mieux fait de me taire. Heureusement, sachant comme l'acrostiche que j'avais rédigé pour ma demande de soumission avait été ardu à créer, j'ai mis à profit mon temps passé dans la salle de bain pour commencer à y réfléchir. J'espère tout de même qu'il ne m'évaluera pas sur la qualité de ma prose parce qu'en si peu de temps, je ne peux pas faire de miracle. Je commence par tracer les six lettres du mot à la vertical sur ma feuille blanche et cherche dans ma tête quels verbes pourraient bien correspondre. Hmm... ces vibrations. Oh non, elles s'arrêtent. Ce que c'est cruel ! La punition, penser à la punition. Les premiers mots qui me viennent en tête sont pécher, remontrance, punition, docilité, agenouillée... La vache ! Comment veux-t-il que je me concentre ?! Un peu de volonté, allez. J'essaie d'assortir mon premier jet de mots avec d'autres pour produire des rimes. Plus j'avance dans mon travail d'écriture et plus je suis excitée. Coucher par écrit cette punition est en soi un acte de soumission. Et j'y suis réceptive. En plus du jouet, ça va sans dire.

"Plus que deux minute."

Mince, il faut que je m'active. Je termine dans l'empressement le plus total la fin de mon poème pour être dans les délais. J'ai peur de découvrir ce qu'il me réserve si je n'ai pas fini à temps.

— Ca y est !
— Viens à ta place et récites-le moi.

Ma place. J'adore l'entendre de sa bouche. Mon papier à la main, trempée, je me place à ses pieds et entreprends de réciter mes quelques lignes d'une voix enrouée :

Pécher par inadvertance,
Accepter la remontrance,
Recevoir ma punition,
Docile, réciter ma leçon,
Oublieuse de ma fierté,
Naturellement à vos pieds.

Je relève la tête pour chercher son approbation des yeux, avide de savoir ce qu'il pense de ma production dont je suis finalement assez fière. J'avoue que je savoure aussi un peu ma victoire, étant donné que j'ai réussi malgré les contraintes.

"Qui t'a autorisé à lever les yeux ? Garde la tête baissée, comme une soumise repentante, si tant est que tu puisses l'être."

Ok. Les dix minutes qui viennent de s'écouler n'ont pas suffi à faire retomber son humeur massacrante. Je me le tiens pour dit, ce n'est pas le moment de le provoquer. Il a l'air décidé à me laisser méditer sur mon insolence dans cette position. Pas de chance pour moi qui n'ai pas l'habitude de rester à genoux aussi longtemps. J'ai du mal à supporter le poids de mon corps sur mes jambes et mes pieds. Une douleur assez intense commence à s'installer. Bon voilà, j'avoue, j'ai mal. Mais je préférerais me couper la langue plutôt que de le lui dire. Ce serait faire l'aveu de ma faiblesse devant lui. Je ne veux pas perdre la face. Mais plus les minutes passent, moins j'arrive à penser à autre chose. Ca fait un mal de chien. J'ai beau mettre mon poids d'un côté puis de l'autre pour soulager successivement mes jambes, rien n'y fait. Je serre les dents, me mets en apnée pour tenter de réguler la douleur. Je n'y tiens plus.

— Monsieur, est ce que je peux me relever s'il-vous plait ?

— Demande-le moi avec les formes et j'envisagerai de t'y autoriser.

Oh le ... Il veut que je le supplie c'est ça ? Jamais de la vie. Je tente de le prendre par les sentiments sans tomber dans la supplication.

— J'ai mal Monsieur, je ne sens plus mes jambes. Est-ce-que vous pouvez me permettre de me relever s'il-vous-plait ?

— Si la douleur devient insupportable, utilise le mot de sécurité. Sinon, retravaille ta question. Ce n'est pas encore ça.

Ok. Il veut me pousser à bout et il y arrive parfaitement. Objectivement, le niveau de douleur est tel que je vais le faire. Le supplier. Je ne veux pas utiliser le mot de sécurité, pas déjà. Pas pour ça. Ca me cisaille la langue quand je prononce les mots suivants :

— Monsieur, je vous en supplie, permettez-moi de me relever s'il vous plait ?

— Ah tu vois quand tu veux ! C'est bon Charlotte, la punition est levée. Tu peux te relever. Enfin... si tu y arrives.

Je ne comprends pas tout de suite la fin de sa phrase. Elle prend tout son sens quand j'essaie de déplier mes jambes. Elles ne me répondent plus et ma tentative me fait tomber en avant. Les mains au sol devant moi, je suis plus ou moins à quatre pattes. Humiliant... Je l'entends ricaner. Il a l'air de prendre son pied à me voir galérer. Il ne perd rien pour attendre. Il me faut bien cinq minutes pour parvenir à retrouve l'usage de mes pieds et me mettre debout. Je lui lance un regard noir.

"J'espère que tu as compris la leçon petite Bratt. Ton acrostiche était très bien cela dit. J'ai l'impression que c'est le premier d'une collection qui promet d'être grande."

L'avenir nous le dira. Il se pourrait qu'il ait raison. Une fois de plus...

InsoumiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant