CHAPITRE 3

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Celia plissa les yeux pour tenter de discerner l'homme qui venait de lui parler. La pièce était plongée dans de la fumée et était encore plus sombre que le bar. Un vieux canapé en cuir noir décrépi était disposé à sa droite, sous la seule fenêtre présente. Un bureau lui faisait face, et une pauvre chaise à la limite de la casse semblait attendre son heure. Une forme massive était affalée dans un fauteuil et soufflait continuellement la fumée de son cigare dans la pièce.

Celia plissa son nez de dégoût et resta à la porte. Mais dans quoi elle s'embarquait encore ?

- Pour penser se tromper sur moi, il faudrait déjà me connaitre, fit-elle remarquer sans cacher son sarcasme.

Elle jura avoir vu les yeux de l'homme briller d'un éclat sombre. Un frisson la parcourut et elle envisagea sérieusement de partir. Quel job pouvait-on lui proposer dans ce bar miteux ? Sûrement rien qui ne valait le coup.

Un ricanement étouffé lui parvint. L'homme écrasa son cigare devant lui et lui fit signe d'approcher.

- Je t'attends depuis deux heures.

- La ponctualité c'est pas mon fort, répondit-elle du tac au tac.

La voix bourrue éclata de rire.

- Ton caractère commence déjà à me plaire !

- Je vous retourne pas le compliment.

Cette fois, un long silence s'installa que Celia mit un point d'honneur à ne pas briser. C'était lui qui l'avait fait venir ici par le biais d'un mendiant, c'était à lui de parler. Elle n'allait pas lui lécher les bottes avec des compliments.

- Installe-toi, lui fit signe l'homme en se levant de son fauteuil pour lui désigner la pauvre chaise.


Celia entra dans la pièce non sans laisser la porte légèrement entrebâillée au cas où. Elle s'approcha mais ne s'installa pas sur la chaise.

- Sérieux ? Cette chose pourrait se briser au moindre coup de vent, railla-t-elle.

- Ça tombe bien, tu m'as l'air plus légère que le vent.

Ce fut au tour de Celia d'encaisser l'attaque personnelle. Elle retint une grimace et ne lui répondit rien en retour. Oui, elle était maigre. Oui, elle en subissait des remarques tous les jours. On pourrait penser qu'elle en aurait eu l'habitude maintenant mais pas du tout. Elle se contentait de maintenir une façade indifférente à chaque fois, ce qu'elle fit à cet instant.

- Si elle se casse, vous la remplacerez de votre poche, le prévint-elle en s'asseyant doucement.

La chaise grinça légèrement mais tint bon. Une fois rassurée qu'elle ne tomberait pas, elle redirigea son attention sur le vrai sujet de sa visite. Maintenant qu'elle était plus proche, elle pouvait enfin distinguer, à travers la fumée, le visage de l'homme lui faisant face. Un adjectif lui vint en tête : bourru. Tout dans ses traits avaient l'air d'être grossièrement taillés dans de la pierre. Une fine cicatrice barrait son sourcil et descendait jusqu'au coin gauche de sa lèvre. Ses yeux foncés n'avaient rien de ceux d'un alcoolique ou d'un toxico comme elle s'y attendait. Ils étaient vifs et calculateurs. Une barbe noire de bûcheron dessinait les contours de sa mâchoire.

L'homme reprit place dans son fauteuil et la fixa, le cigare de nouveau en main. Celia faisait de son mieux pour contenir sa grimace. Quand elle sortirait, elle allait assurément cracher ses poumons mais pour l'instant elle se retenait.

- Je me présente, Toshio Fugi. Connard dans tous les sens du terme, soit on me hait soit on me déteste. Agent des services secrets, je trempe dans toutes les affaires pourries de l'état. Mon hobby préféré c'est d'éclater les cervelles de ceux qui le méritent. Je crois que j'ai fait le tour de ma personnalité.

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