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CHAPITRE DIX-SEPT

— La nuit est à son comble à l'intérieur du bar. La musique traverse nos tympans avec une facilité accrue lorsque la porte d'entrée s'ouvre. Un homme de Campos m'accompagne jusqu'au gardien du bar, ils hochent la tête simultanément pendant que l'homme me laisse passer à travers la foule ambiante. Ma robe est légère tandis qu'elle glisse sur ma peau, elle est à peine plus fine qu'un mouchoir. Campos me laisse toujours une robe pour une sortie, elles sont à son goût mais me laisse mal à l'aise, elles mettent en avant les courbes de mon corps et font tourner la tête de quasiment tous les hommes que je croisent. Ce n'est pas que je n'aime pas être belle, ou me mettre en valeur, mais ici, où je suis consciente de n'être qu'un objet de décoration parmi tant d'autres : c'est écœurant. Un soupir traverse mes lèvres, je ne devrais pas penser à cela. Mon regard cherche un indice commun, un ancrage. Quelque chose qui laisse bercer mon identité. Je me dirige vers le bar à travers la pénombre ambiante, les néons écarlates me permettent d'arriver à un siège vide proche du comptoir. 

Lorsque mes jambes s'appuient sur le matériau moelleux, les courts plis de ma robe argenté remontent et font vaciller mes paupières. Un juron traverse mes lèvres lorsque je me rend compte que cette robe est encore plus courte que ce que j'avais imaginé. Le barman s'approche et prend ma commande pour ensuite s'en aller. 

Alors que mon regard balaye la salle, mes yeux se stoppe face à une carrure imposante et un homme brun. Mes yeux tournent dans leurs orbites. Ils sont vraiment à un siège de moi, une femme assise nous sépare mais ne m'empêche pas d'entendre leur discussion. 

— Quel dommage de voir les flics débarquer chez toi le jour où tu est engagé, pas de bol. 

— Je mentirais si je disais que je suis étonné de te voir ici. Va savoir ce qui me retiens de leurs dire que tu es flic à nos petits copains.

— La même chose qui me retiens de leurs dires ce que tu fais vraiment ici, sans doute. 

La tension entre eux est évidente et me fait doucement sourire. La nostalgie prend place dans mon esprit pour soudainement être interrompue par la main de Campos sur mon épaule. Il m'oblige à me lever et nous nous dirigeons vers les deux conducteurs. Mon sourire disparait lorsque les deux hommes se retournent. 

Dominic et Brian me font face, ainsi que Campos, la main sur mon épaule, le bras derrière ma nuque. Je baisse légèrement le visage et évite leurs regards. Ils sont là pour des raisons évidentes et bien plus importantes que m'a foutu condition d'échange. Campos les amènes dans un coin plus isolés du bar où nous nous asseyons sur des fauteuils en cuir. Le regard des hommes me fait frissonner lorsque je sens leurs pupilles cogner mon dos. Campos s'assoit et j'immobilise mon corps pour attendre qu'il me fasse signe. Je suis une bimbo à ses yeux. Je survie en suivant ses ordres, mais ma fierté est piétinée chaque jour. Il me fait signe et je m'assoit sur ses genoux alors que les garçons continue leurs discussions. La peau de mes cuisses rencontre le tissus du pantalon de Campos et une envie de vomir me prend, mais comme à mon habitude, je souris faussement et retiens ma répugnance. 

 — Vous vous connaissiez ?

La question de Campos me laisse perplexe, sachant qu'il s'adresse aux garçons, je ne dis rien mais laisse mon regard croiser celui de Brian pendant un instant. 

— Il est sortie avec ma frangine. 

La voix de Dominic me fait tourner le regard sur lui. Campos sourit de plus belle et semble heureux d'apprendre cette information. Il est vraiment, exaspérant. Cette relation pourrait mettre à mal son business et il le sait. 

— Tu es un sacré veinard. 

Campos se tourne vers Brian en se servant un verre de vodka d'une main. 

— Pourquoi ?

— Tu es toujours en vie. 

Les garçons croisent leurs regards pendant que je reste silencieuse, ne voulant pas envenimer la situation. Campos lève soudainement son verre. 

— A toute les femmes qu'on a aimées à toutes les femmes que l'on a perdues. 

Ils cognent leurs bouteilles et leurs verres entre eux puis boivent. Campos se penche vers moi, sa main dans le bas de mon dos et me chuchote d'aller chercher ma boisson. Je me lève rapidement et repars vers le bar. L'air semble s'infuser dans mes poumons une seconde fois dans la soirée. Cette situation est beaucoup trop pesante. Je dois jouer la pimbêche devant d'anciens amis. Je ne veux pas le faire, mais je n'ai pas le choix, ma survie en dépend. J'attrape mon verre et jette un regard vers la table de Campos. Ils semblent être en pleine discussion. J'observe Dominic. Cela fait cinq ans que je ne l'ai pas vu. Son physique et son caractère n'ont pas changés, un sourire apparait sur mon visage pour disparaître aussitôt. De l'autre côté, un homme de Campos s'approche de leurs tables. Je m'avance donc vers ma table. 

Alors que j'arrive à quelques mètres de mon objectif, Brian est assit sur le fauteuil à ma gauche, Campos se lève et attrape brusquement mon bras qui tient mon verre. Son visage se rapproche de mon oreille avec fureur. Sa prise est lourde et pesante sur mon bras. 

— Tu vas rester avec eux. Lorsque je reviens, je te retrouve ici, c'est clair ?

Sa voix est implacable, mon regard se pose sur le sien. Il va devoir partir. Tant mieux, mais sa prise brûle mes muscles de mes bras. Je réponds avec un sourire minime. 

— Bien sûr. Que puis-je faire d'autres ?

Campos resserre sa prise et la douleur me fait serrer les dents. Mon sourire est intacte mais mon regard devient provocateur, je le sens. C'est plus fort que moi. Avec le temps, je ne supporte plus cette injustice mais reste néanmoins docile. Je me déteste. Campos me lâche et traverse la salle avec son homme, je le regarde partir. Une fois qu'il a disparu je souffle et m'assoit sur l'ancien fauteuil du mafieux. Les regards des hommes se braquent sur moi. 

— Alors quoi de neuf ? 

Ma question rhétorique les laisse perplexe. Ils froncent les sourcils et cherchent une réponse avec leurs regards mais je ne laisse rien paraitre et porte mon verre à mes lèvres. Un sourire se glisse sur mon visage et c'est Brian qui engage la discussion. 

— Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu devrais être avec ton père au casino !

Son ton inquiet et furieux me fait légèrement penser à une figure fraternel, mais cela ne fait que renforcer mon sourire faussement amusé. Il faut qu'ils partent, ils n'ont rien à faire ici. 

— Tu l'as dit je crois, je suis avec mon père. Enfin, en quelques sorte. Brian grimace et je lève un doigts vers lui, pour qu'il me laisse terminer. Il m'a ordonné de rester ici afin de vérifier son pactole. 

 — Son pactole ? Attend ne me dis pas que... 

Une veine se dresse sur son visage et je me tourne vers Dominic, silencieux avec un regard ferme. Je coupe la parole de mon ami en questionnant le délinquant. 

— Tu es là pour Letty je me trompes ?

Son visage se glace et je sais que j'ai raison. Mon dos rencontre froidement le dossier en cuir du fauteuil. Je regarde du coin de l'œil les deux hommes, silencieux en ma présence. 

— Un flic présent pour défaire un groupe de mafieux et un délinquant qui recherche sa vengeance. 

Je soupir et ferme les yeux. Leurs missions sont tellement évidentes. Je ne pourrais pas les éloigner, malgré ma témérité, je ne pourrais pas leurs dire de partir. Mes talons cognent contre le sol et je me relève faisant signe à des filles de venir. Avec une dernière parole je m'éloigne, fixant Dominic. 

 — Soyez suicidaire, mais ne vous mettez pas en travers de mon chemin. Il se pourrait qu'une balle se perde en chemin.  

Cette tirade se veut menaçante, mais elle ne l'ai que pour moi. Une fois le dos tourné, une grimace naît sur mon visage. Je hais ce que je suis devenue, je ne vais pas avoir de choix, pour survivre je vais devoir utiliser tous les moyens à ma disposition, que cela me plaise ou non. 



𝐃𝐀𝐘𝐁𝐑𝐄𝐀𝐊 , dominic torettoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant