La colère.
J'étais sur la route pour remplir mon rôle d'échansonne lors du banquet qui se tenait ce jour-là. Les dieux aiment beaucoup faire la fête, presque autant que copuler. Toute opportunité est bonne à prendre afin de se soûler et de s'amuser. À de nombreuses occasions, les mortels sacrifiaient des animaux plus ou moins gros selon la situation. C'est lors de ces moment là, que les dieux profitaient des offrandes des humains dans un somptueux banquet dédié à leur grandeur.
Si je mettais ma mauvaise foi de côté, je vous le décrirais honnêtement ainsi : C'est lors de ces festins que l'on pouvait réellement s'apercevoir de l'appartenance divine de l'Olympe. Le nectar coulait à flot, à ma grande défaveur, et l'ambroisie remplissait les tables garnies. Tout le monde s'enivrait des dons, nymphes et déités mineures y compris. Parfois des titans tels que Themis se joignaient à la partie, avec ses enfants les Moires et les Heures. L'ambiance se rythmait à l'allure de la douce musique jouée par Apollon entouré des Muses. Nous pouvions danser toute la nuit si les mouvements et arcs de cercles, que décrivaient nos chevilles dénudées, furent juxtaposés sur les rires polis et messes basses. C'était en effet lors de ces banquets, que la magnificence et les vices des dieux étaient révélés. C'est tout ce que je pourrais décrire, car le reste est impossible à dépeindre avec de simples mots mortels.
Le temps de la grande cérémonie vint, l'événement principal survint et mon amphore parvint tant bien que mal à remplir toutes ces coupes assoiffées.
A l'occasion des noces de Thétis et du roi Pélée de Phthie, le nombre de noctambules était encore plus élargi qu'à l'habitude. Même Hadès et son épouse Perséphone étaient présents, d'ordinaire retirés en Enfer. Seule Eris, déesse de la discorde, était absente. Vexée de n'avoir pas été invitée, elle jeta au milieu de l'assemblée une pomme dorée avec inscrit en son centre "à la plus belle". Cette action engendra une réaction de masse, avec trois divinités principales se battant pour sa propriété. Aphrodite bien entendu, ainsi que Héra et Athéna. Pour se départager finalement, elle choisirent un prince troyen, Pâris, qui, après avoir entendu et mûrement réfléchi aux arguments des prétendantes, choisit la déesse de la beauté. En récompense, et pour tenir sa promesse, cette dernière lui offrit pour épouse Hélène, la plus belle femme du monde. Vous connaissez la suite, Hélène déjà mariée au roi de Sparte, son véritable époux lança une guerre sans fin contre Troie.C'est donc lors de ce fameux banquet, lors du déclenchement de la légendaire Guerre de Troie, que ma déchéance commença.
Alors que la fête battait son plein, certaines déités se retirèrent dans des chambres prévues à l'effet de s'adonner au 4ème péché capital. Zeus, naturellement, en fit partie. Pour ma part, étant une déesse vierge et destinée à toujours l'être, cela ne m'intéressait pas. J'étais donc toujours attachée à mon travail et courais à chaque coin de la salle pour remplir les verres des dieux.
Entre deux foulées, c'est là que je les ai aperçus. Par l'entrebâillement d'une porte, ils étaient là, tous les deux. Perséphone et Zeus. Perséphone et Zeus sous couverture d'Hadès. Zeus déguisé en Hadès, violant Perséphone, sa propre fille. Les gémissements de la personnification du printemps ne parvenaient pas à tromper sa véritable envie de partager sa couche avec lui. Le facteur déclencheur ouvrit la danse infernale dans laquelle je me plongerai.Ma lumière, mon espoir, mon déni prit fin. J'attendais d'être témoin, et bien le voici mon témoignage, mon père violant ma demi-sœur à quelques pas de son époux.
Sûrement choquée par cette vision, je trébucha de manière peu décente et attira par ce fait, tous les regards de l'audience sur moi. Même Zeus, sorti pour l'occasion et de nouveau dans sa peau d'origine, se dirigea vers moi. Il me démit immédiatement de mes fonctions d'échansonne et me remplaça par Ganymède, un mortel qu'il avait kidnappé depuis peu.Je venais de perdre mon insouciance, mon rôle et ma lucidité.
Je venais de gagner la colère, la folie et la brutalité.
Je les tuerais, je le jure, chacun des dieux vivant sur l'Olympe mourra.
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Juvenile Requiem
General FictionHébé, déesse de la jeunesse et de l'immortalité, vous raconte ici sa descente aux enfers. Un conte de meurtre et d'amour, en guise de requiem pour les défunts trépassés par sa main.