ABOUT LOVE - [TAEGYU]

Soleils et lune

Le soleil était bas dans le ciel d'automne, peignant Séoul de teintes dorées. Les rues, animées par le flux continu des passants, semblaient presque lumineuses sous cette lumière douce. Taehyun marchait d'un pas assuré à travers cette foule, comme une ombre discrète mais toujours en mouvement, son visage neutre et concentré. Il aimait l'énergie de la ville, mais ne s'y perdait jamais. Journaliste de terrain, il savait capter le moindre détail, la moindre expression, sans jamais laisser quoi que ce soit l'atteindre vraiment.

Pour lui, la ville n'était qu'un décor où se déroulait sa vie, un lieu qu'il traversait plus qu'il n'habitait. Taehyun était ce genre de personne : froid, distant, mais pas par mépris. Simplement parce que c'était plus facile ainsi. Il était le genre d'homme que rien ne semblait troubler, et cette façade de contrôle absolu était devenue sa meilleure amie. Le soleil, c'est ainsi que ses amis l'appelaient en plaisantant. Brillant, charismatique, mais brûlant trop fort pour qu'on s'en approche trop longtemps.

Il entra dans son café habituel préféré, un petit endroit au coin d'une rue tranquille, où il venait souvent pour relire ses notes ou simplement observer. C'était son refuge dans cette ville bruyante. Il prit place à une table près de la fenêtre, son ordinateur à portée de main, prêt à se plonger dans son prochain article.

Mais aujourd'hui, quelque chose allait bouleverser sa routine si parfaitement réglée.

Alors qu'il s'installait, il remarqua un homme assis quelques tables plus loin, penché sur un carnet de croquis. Il était absorbé par ses dessins, ses cheveux légèrement en bataille tombant sur son front, ses doigts tachés d'encre noire. Son visage, baigné par la lumière douce de la fin d'après-midi, avait une douceur presque irréelle. Beomgyu.

Cela faisait des mois que Taehyun voyait cet homme dans le café, toujours à la même table, toujours avec son carnet. Ils n'avaient jamais échangé un mot. Pourtant, aujourd'hui, quelque chose dans l'atmosphère semblait différent. Peut-être était-ce le fait que Taehyun l'observait plus intensément que d'habitude, ou peut-être que Beomgyu avait senti ce regard pesant sur lui.

L'artiste leva les yeux, et leurs regards se croisèrent.

Taehyun, malgré son calme habituel, sentit une légère tension dans son ventre. Pourquoi est-ce que je m'intéresse à lui maintenant ? Il fronça les sourcils, se forçant à retourner à son écran, mais son esprit continuait de divaguer vers cet homme. Beomgyu dégageait une chaleur qui contrastait tellement avec son propre tempérament. Le genre de personne qu'on aimerait connaître, mais qu'on évite de trop près, de peur de perdre ce contrôle froid qui nous protège.

De son côté, Beomgyu avait toujours remarqué Taehyun, cet homme solitaire à l'aura magnétique. Il l'avait vu entrer jour après jour, toujours seul, toujours concentré sur son travail, toujours si détaché du reste du monde. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de penser que derrière ce masque de froideur se cachait quelqu'un de plus complexe. Peut-être même quelqu'un de tendre.

Intrigué par ce qu'il percevait comme un mystère, Beomgyu esquissa un léger sourire et, sans réfléchir, s'approcha de la table de Taehyun, son carnet toujours dans les mains.

— Bonjour, dit-il d'une voix douce, un sourire chaleureux aux lèvres. Je m'appelle Beomgyu. Je vous vois ici souvent, alors je me suis dit que c'était peut-être le moment de se présenter.

Taehyun leva les yeux de son écran, un peu surpris. Il ne s'attendait pas à ce que l'artiste vienne vers lui. Son instinct premier fut de se refermer, de repousser cette approche. Mais le sourire de Beomgyu, sincère et désarmant, l'empêcha de le faire.

— Taehyun, répondit-il brièvement, son ton plus poli que chaleureux. J'écris ici, c'est tout.

Beomgyu hocha la tête, visiblement peu affecté par la froideur de Taehyun. Il s'assit à la table en face de lui, avec une aisance naturelle.

— Journaliste, c'est ça ? demanda Beomgyu en posant doucement son carnet sur la table. Vous avez toujours l'air tellement concentré.

Taehyun haussa un sourcil, légèrement amusé malgré lui par l'audace tranquille de Beomgyu.

— C'est le boulot, répondit-il simplement. Et vous ? Je vous vois souvent dessiner.

— Oui, je suis peintre, dit Beomgyu en jetant un coup d'œil à son carnet. J'aime venir ici pour trouver l'inspiration. Il y a toujours quelque chose de nouveau à observer.

Le silence s'installa pendant un instant. Beomgyu jouait distraitement avec un crayon, sans paraître perturbé par la distance que Taehyun maintenait entre eux. Puis, il osa une question plus personnelle :

— Ça ne vous dérange pas d'être seul ici tous les jours ?

Taehyun cligna des yeux, surpris par la question. Il avait l'habitude que les gens évitent ce genre de sujet avec lui. Mais Beomgyu ne semblait pas s'embarrasser des convenances.

— Pas vraiment, répondit-il après un moment. J'aime la solitude. C'est plus simple.

Beomgyu sourit légèrement, un sourire doux, presque mélancolique.

— Je comprends, dit-il doucement. Moi aussi, j'aime la solitude. Mais je pense qu'il y a une différence entre être seul et se sentir seul, non ?

Taehyun le fixa un instant, pris au dépourvu par la franchise de ses mots. Beomgyu n'était pas comme les autres. Il ne se laissait pas intimider par le froid apparent de Taehyun, et cela le désarmait.

— Peut-être, finit-il par répondre, détournant légèrement le regard. Je ne me suis jamais posé la question, pour être honnête.

Beomgyu observa Taehyun en silence, une lueur de curiosité dans les yeux. Il pouvait voir que sous cette façade distante, il y avait quelqu'un de plus profond, quelqu'un qui, peut-être, ne se donnait pas le droit de se laisser percevoir par le monde.

— Si vous me permettez, dit Beomgyu en souriant à nouveau, je pense que vous devriez essayer de vous poser la question.

Le ton n'était pas accusateur, ni même intrusif. C'était simplement une suggestion, comme une pensée partagée à voix haute. Taehyun, habituellement si froid et distant, se surprit à ne pas rejeter l'idée tout de suite.

— Et vous ? demanda-t-il, changeant de sujet. Pourquoi vous dessinez ? Vous cherchez à fuir quelque chose ?

Beomgyu pencha la tête, réfléchissant à la question.

— Non, je ne pense pas fuir quoi que ce soit. Dessiner, peindre... c'est ma manière de me connecter au monde. Ça m'aide à comprendre ce que je ressens, ce que je vois. Vous savez, tout ce qui est... trop grand pour être mis en mots.

Taehyun hocha la tête lentement. Il comprenait ce sentiment, même s'il n'aurait jamais formulé les choses ainsi. Lui aussi cherchait à comprendre le monde, mais à travers ses articles, ses enquêtes. Peut-être n'étaient-ils pas si différents après tout.

Le silence qui s'installa entre eux cette fois-ci n'était plus chargé de distance. Il était confortable, naturel, comme si leur conversation avait tracé un pont invisible entre eux.

Beomgyu se leva finalement, ramassant son carnet.

— Ça m'a fait plaisir de vous parler, Taehyun. Peut-être qu'on pourrait le refaire ça un jour, si ça vous dit.

Il lança ces mots avec une telle simplicité que Taehyun ne put s'empêcher de sourire légèrement.

— Peut-être, répondit-il, son ton plus doux qu'il ne l'aurait voulu.

Beomgyu lui adressa un dernier sourire chaleureux avant de s'éloigner. Taehyun le suivit du regard jusqu'à ce qu'il disparaisse de la vue.

Pour la première fois depuis longtemps, il se sentit curieusement... connecté à quelqu'un. Il ne pouvait s'empêcher de penser à ce que Beomgyu avait dit, à cette idée de solitude et de connexion. Peut-être que ce garçon au regard doux et à la chaleur désarmante était le seul à pouvoir briser cette carapace de soleil brûlant dans laquelle il s'était enfermé.

Peut-être que le soleil avait enfin trouvé sa lune.