Les Fixies

Chapitre 12:

Les cours de sortilèges étaient de loin ce que Vicia préférait à l'Académie. Enfin, les cours pratiques, bien sûr.

Non seulement il s'agissait d'un cours dans lequel elle était plutôt douée, mais elle trouvait aussi diablement amusant d'observer les effets des tentatives ratées des autres élèves de la classe.

Lors du précédent cours, Mina et sa Fixie Théodora, les deux pâtissières en chef de la classe, avaient provoqué une véritable explosion de poudre fushia alors qu'elles étaient simplement censées faire léviter un objet.

Anna et Vicia, quant à elles, avaient été citées en exemple par le professeur. Ce qui n'avait rien d'étonnant, étant donné que Anna avait une prédilection pour les sortilèges de lévitation.

Cependant les sortilèges, comme tout autre cours dispensé à l'école de magie, avaient leur revers de médaille : et ce revers s'appelait les devoirs.

Cela faisait bien une heure qu'Anna et Vicia, installées au milieu de leur dortoir, étaient penchées sur le rouleau de parchemin qu'elles étaient censées remplir sur l'étymologie des différents sortilèges de lévitation, et elles n'avaient pas l'impression d'avoir beaucoup avancé depuis qu'elles s'y étaient mises.

« Tu n'as jamais jugé bon d'étudier le latin, dans tes écoles pour humains ? », lança finalement Vicia à l'adresse de Anna, ennuyée.
-Non », rétorqua Anna en se grattant la tête avec le bout de sa plume. « Et toi, tu es censée avoir étudié le latin pendant six ans de ta vie. Elles sont passées où toutes ces belles connaissances ?
-Certainement pas dans ma tête », lui répondit Vicia en lui tirant la langue.

Anna gloussa, avant de se concentrer de nouveau sur son devoir. Vicia tenta d'en faire de même - Elle essayait vraiment d'y mettre de la bonne volonté ! -, mais fut bientôt interrompue par un ronronnement bruyant.

« Oh non, elles sont pas croyables ! », s'exclama Vicia en allant se réfugier entre les cheveux d'Anna. « Je leur avais bien dit de ne pas ramener cette bestiole ici ! ».

Anna, qui avait redressé la tête en entendant le ronronnement, balaya du regard la pile de coussins et de poufs qui tapissait le sol, et finit par plonger le bras entre deux d'entre eux afin d'en extirper une boule de poils bleue aux tâches violettes un peu plus grosse que sa main.

La boule de poils, en guise de protestations, claqua furieusement ses petits crocs pointus en essayant de croquer l'un des doigts de Anna, en vain.

« Tu sais bien qu'il s'agit de leur projet d'études », fit remarquer Anna à Vicia en s'approchant du lit d'Iris afin d'y chercher la boîte dont s'était échappée la créature. « On ne pouvait pas demander à Iris et Sophie de le laisser dans la nature.
-ça ne m'aurait pas dérangé si leur projet d'études n'avait pas une dent contre moi », rouspéta Vicia en regardant la créature d'un œil noir. « Il va falloir que j'aie une sérieuse discussion avec elles concernant la vie en communauté et l'espace personnel ».

Anna, qui en un mois avait eu le temps de s'habituer aux colères fréquentes de Vicia et à son sale caractère, ne releva pas sa dernière remarque et se contenta d'enfermer à nouveau la créature, et de poser une chaussure sur le couvercle de sa boîte afin de s'assurer qu'elle ne puisse plus s'échapper.

Dehors, les couleurs d'automne faisait lentement place au gris de l'hiver, mais les premiers flocons avaient encore du mal à tenir au sol. Le paysage extérieur était donc à la fois nu et humide, attendant avec impatience l'arrivée de son manteau blanc.

« J'aurais bien aimé qu'il neige avant notre sortie historique », lança Anna d'un air songeur.

Vicia, qui essayait désormais de lire les consignes de leur devoir la tête à l'envers au cas où elle y découvrirait un sens caché et obscur, leva la tête vers son amie sorcière.