La Cité des Mesmers

Chapitre 5 : Instructions

Cela faisait déjà plusieurs jours que Leslier était enfermé chez lui, se sentant encore plus malade que la première fois qu'il avait goûté une brochette à l'algue fumée. L'incertitude le rongeait inéluctablement, l'empêchant de dormir, de manger ou de seulement penser à sortir prendre l'air ; pourtant, de manière mystérieuse, il arrivait encore et toujours à avoir de quoi vomir dans son estomac...

Il savait qu'il aurait dû faire quelque chose, n'importe quoi plutôt que cette attente interminable. Mais que pouvait-il faire ? Son instinct lui hurlait de rassembler toutes ses affaires et de déguerpir sans attendre la réponse de la bande de l'Arcadie. S'il trouvait une nouvelle planque, il n'aurait plus rien à craindre d'eux et des informations compromettantes qu'ils avaient en leur possession... Oui, mais comment s'assurer qu'ils ne trouveraient pas son nouvel emplacement ? Ils faisaient commerce de ragots, c'était littéralement leur métier de tout savoir sur les Profondeurs. D'autant plus que c'était leur territoire, tandis que lui le découvrait à peine... Et comment être sûr de trouver un nouveau refuge en premier lieu ? Après son entretien avec Arcade, Leslier avait compris qu'il avait surtout eu de la chance : Othello semblait spécifiquement cibler les fugitifs des étages supérieurs comme clients, ce qui expliquait qu'il ait été aussi arrangeant jusqu'ici. Mais ce ne serait certainement pas le cas avec un autre logeur...

Leslier crut entendre la voix de sa mère dans sa tête, lui répétant à quel point il était faible, hésitant et impuissant. Peut-être avait-elle raison, en fin de compte : peut-être Leslier menait-il un combat perdu d'avance, bien au-delà de ses capacités... Mais il se devait d'essayer. S'il abandonnait maintenant, non seulement il donnerait raison à sa mère, mais en plus il donnerait son consentement pour de terribles catastrophes à venir... Et ça, il ne pouvait l'accepter. Chaque jour de plus qu'il passait dans les Profondeurs était un jour de plus à se rebeller contre la Surface et contre sa mère. Il devait tenir, coûte que coûte...

Alors Leslier attendait, se demandant qui viendrait en premier le trahir ou le secourir. Serait-ce Othello ? Le gang de l'Arcadie ? Ou une troupe de Protecteurs armés de Mesmers ? Pourquoi pas sa mère en personne, si ses pires cauchemars se réalisaient vraiment ? Heureusement pour lui, sa mère ne s'abaisserait jamais à descendre au-delà du quatorzième niveau de la Subaqualopole, ça il en était certain...

Tandis qu'il divaguait, quelqu'un se permit de tambouriner vigoureusement à sa porte. Leslier crut tout d'abord qu'il s'agissait d'une hallucination à cause de ses angoisses ; mais le bruit assourdissant ne disparut pas quand il ferma les yeux en inspirant à fond... Donc le moment de vérité était enfin venu. Étrangement, cela procura au jeune fugitif une forme d'apaisement, lui redonnant suffisamment d'énergie pour se mettre debout. Il alla se poster derrière la porte, tentant de discerner le moindre bruit lui indiquant qui se trouvait de l'autre côté du battant.

⎯ Garçon ! C'est Othello, ouvre s'il te plaît.

Il reconnut sans mal la voix de basse de son logeur. Au moins, il était fixé sur l'identité de son visiteur : ce serait donc la collecte du loyer qui causerait sa perte... Leslier soupira, puis se résolut à entrouvrir la porte, prêt à négocier une semaine de plus par tous les moyens. Il découvrit un Othello à l'air contrit – une expression qu'il ne lui avait encore jamais vue jusqu'ici :

⎯ Je t'avais demandé une chose, une seule chose à ne pas faire, soupira ostensiblement le logeur. Et il a fallu que tu la fasses...

Othello fit un geste pour lui désigner quelque chose sur sa gauche. Leslier dut ouvrir complètement la porte pour voir de quoi il s'agissait, et faillit reculer de surprise en découvrant le Crâne d'Argent. Même la dernière fois, il ne s'était pas tenu aussi proche d'elle ; là, il se sentait paralysé par son aura imposante... Mais heureusement, elle ne semblait pas hostile :