Chapitre 4 : Julien

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Julien

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Julien


J'ai toujours été conscient que j'étais privilégié. Dès mon plus jeune âge, les signes étaient évidents : les voitures rutilantes de mes parents, la maison spacieuse, le personnel nombreux, les voyages fréquents... Cela ne m'a jamais vraiment dérangé, ni mis mal à l'aise. Mon père a consacré beaucoup de temps et d'efforts à maintenir et étendre l'héritage familial. Mon devoir en tant que fils aîné, avec l'aide de mon petit frère, c'est de continuer à faire prospérer l'entreprise créée par mon arrière-grand-père.

Notre activité a évolué au fil des générations. Initialement, c'était une usine de canne à sucre, et puis, nous nous sommes diversifiés dans les hôtels de luxe et l'immobilier. Je suis fier de l'histoire de ma famille et j'espère être à la hauteur de leurs attentes. J'ai réussi à intégrer HEC Paris pour me former au mieux. Je veux que mon père soit fier de moi, mais également toute ma famille. Oui, j'ai toujours été privilégié, j'ai toujours été protégé, mais cette année, les choses ont été différentes. j'ai eu l'impression que la coquille qui me protégeait de l'extérieur et de ses souffrances s'est fissurée. J'ai l'impression d'avoir été une cible et d'avoir terriblement manqué de chances. C'était clairement pas mon année, alors je suis content d'être ici et de reprendre cette habitude de se voir chaque été à Rodrigues. Parce que l'annulation des vacances l'année précédente a été comme le déclencheur de ma malchance. Il faut le dire : depuis, plus rien ne va. Je n'ai pas osé en parler hier pendant le feu de camp, parce que je n'ai pas envie que les gens me plaignent, j'ai plutôt envie de tourner la page. Ces vacances sont l'occasion d'écrire un nouveau chapitre, de laisser le passé derrière et d'avancer.

"Tu veux bien corriger mes fautes ?" me demande Théo, mon petit frère de 9 ans.

Nous sommes sur la varangue, un café pour moi, un chocolat chaud pour lui. Il est accoudé sur ce qui semble être un cahier de vacances. Je me redresse, attrape le cahier qu'il me tend et lis le contenu. Ce sont des exercices de mathématiques. Des coquillages à multiplier. Je suis impressionné qu'il aime faire ça pendant ses vacances.

"Je ne vois pas de fautes," dis-je en finissant de parcourir la page. "Tu ne préférerais pas les ramasser pour de vrai, ces coquillages ?"

"Maman dit qu'il ne faut pas ramasser les coquillages."

"Elle a surement raison," je réponds en prenant une nouvelle gorgée de mon café noir. "Tu veux que je t'accompagne à la plage ce matin ?"

"Oui ! Je vais chercher mon maillot et ma grosse bouée !" répond Théo avec une excitation qui fait plaisir à voir.

Nous nous rendons sur la plage publique, pas très loin de la maison, où le banc de sable est plus important. Quelques personnes s'y baignent, nous choisissons un coin et décidons d'étendre les serviettes. Théo court directement dans l'eau avec son énorme bouée pirate. Je suis triste qu'il n'ait pas eu la même chance que moi d'avoir des amis de mon âge ici. Heureusement, le fils du voisin avec qui il va souvent jouer a son âge.

Un été à Rodrigues IslandOù les histoires vivent. Découvrez maintenant