Lena
Après avoir déposé Haley pour son entretien, je réalise que je vais me retrouver seule avec Julien et Léo. Ça n'aurait pas été bizarre avant, mais depuis cette histoire de baiser près du feu, j'ai l'impression qu'on est tous mal à l'aise. Julien monte le son de la radio, sans doute parce qu'aucun de nous ne sait quoi dire. Heureusement, ici, les trajets ne sont jamais très longs. Lorsqu'on arrive, on décide de se séparer et de se retrouver à la voiture dans une trentaine de minutes. Je prends une direction opposée à celle qu'ils ont prise pour être sûre d'être seule.
Le marché de Port Mathurin est certainement mon préféré. On voit défiler les paniers tressés en vacoas, les tourtes faites maison, le miel, les piments rodriguais, les confitures et les pots de condiments. On retrouve aussi les étals de fruits et légumes locaux et des marchands de souvenirs pour les touristes de passage. Comme à chaque fois, je ne peux m'empêcher de prendre un sac tressé. J'achète également quelques cocos, ananas et limons pour ramener à la maison.
"Tu veux que je t'aide pour porter tout ça ?"
Je me retourne et vois Julien au stand d'en face.
"C'est ok merci, ça rentre dans le sac que je viens d'acheter."
Il me sourit avant de continuer à flâner dans les allées.
En continuant à parcourir les stands, je retrouve Léo devant une vendeuse de bijoux d'ou se dégage des odeurs boisées.
"Qu'est-ce que tu as trouvé ?" lui demandé-je, voyant qu'il a des achats dans les mains.
"J'ai pris un panier pour ma mère, et du piment pour mon père et moi. Je voulais aussi prendre un bijou."
"Pour ta copine ?"
"Oui," me répond-il, son regard plongé sur les bracelets.
"Tu veux que je t'aide à choisir ?"
"Hum, si tu veux."
"Quelle couleur aime-t-elle ?"
Ses sourcils se lèvent.
"Je ne sais pas."
"Ok, allons partir sur des couleurs neutres, comme celui-ci en beige ?"
Je lui montre un bracelet fait de coquillage et de ficelles beiges.
"Oui, très bien, si tu le trouves joli, elle devrait le trouver joli aussi je suppose."
Pendant que la vendeuse emballe le bijou, j'en profite pour le questionner sur cette copine. Même si ça le met mal à l'aise, j'ai envie de savoir qui c'est.
"Ça fait longtemps que vous êtes ensemble ?"
"Un peu plus de 7 mois"
"Comment elle s'appelle ?"
"Elise."
"C'est une Mauricienne ?"
"Oui."
Il remercie la vendeuse et lui tend l'argent. Puis nous nous éloignons du stand.
"Et toi, tu as un petit ami ?" me demande-t-il.
"Non, bien sûr que non."
"Pourquoi bien sûr ?"
"Eh bien, je vous l'aurais dit !"
Ses sourcils se froncent légèrement.
"On devrait retourner à la voiture, ça fait trente minutes."
Nous marchons côte à côte jusqu'au parking. Quand je suis à côté de lui, c'est comme si l'électricité était palpable. Je me demande si dorénavant, ça sera toujours comme ça. Julien est déjà devant la voiture.
"Oh, vous étiez ensemble ?" demande-t-il, les sourcils haussés.
"Oui, on s'est croisés sur le chemin."
Lorsqu'on retourne à la maison, Julien me propose de discuter avec lui. Nous nous isolons dans le jardin, derrière la maison. On ne va pas souvent de ce côté-là, préférant aller près de la plage. Mais c'est aussi très joli ici. Il y a des palmiers, des hibiscus et un grand espace où nous jouions au foot petits. On s'assoit sur un banc en fer forgé à l'ombre des arbres. Un lézard s'enfuit.
"De quoi tu voulais parler ?"
Julien prend une grande respiration, passe une main dans ses cheveux bruns, avant de se tourner vers moi.
"Tu me plais, vraiment, et j'ai envie de savoir si de ton côté, il y a ne serait-ce qu'une petite chance pour que ce soit réciproque ? Si tu me dis non, alors je t'embêterai plus avec ça, je ne tenterai plus rien et on restera amis et rien d'autre."
Oh. Si seulement il savait que dans mon esprit, toutes mes pensées vont vers Léo. Léo qui s'en fout de moi, Léo qui a une copine. Léo que j'aide pour lui choisir un bracelet.
"Je t'avouerai que je n'y ai jamais pensé..."
"Même après que je t'ai embrassée ?"
Là aussi, j'ai pensé à la réaction de Léo. Et au groupe.
"Je n'ai pas envie qu'il se passe des choses dans notre groupe, on est comme une famille, je n'ai pas envie qu'on mélange ça avec des histoires."
"Je vois. Je comprends, vous êtes tous importants pour moi aussi. Je suis désolé, je suis du genre fonceur, je n'ai pas envie de rater quelque chose dans ma vie et d'avoir des regrets."
"Je sais. J'aimerais être comme toi sur ça."
"Tu as des regrets ?"
"Ça m'arrive oui. Je n'ose pas toujours, je n'ose pas autant que toi tu oses."
"Petit à petit, je suis sûr que tu y arriveras."
Dire ce que l'on pense, faire ce que l'on veut, tenter, être courageuse. C'est ce que j'aimerais être. Mais c'est la peur qui me retient.
"Ça fait peur."
"La peur prend la place qu'on lui donne. Si on décide de l'ignorer, alors on peut tout faire. Regarde-moi, je suis en train de te déclarer ma flamme alors que je sais que tu en pinces pour Léo."
Il rit. Et je ris avec lui.
"Pourquoi tu dis ça ?"
"Parce que ça se voit."
"Ok, mais comme je t'ai dit, je n'ai pas l'intention qu'il se passe quoi que ce soit. Nous sommes une famille."
"Crois-moi, Léo ne t'a absolument jamais vue comme une sœur." réponds t-il, pince sans rire.
"Comment ça ?"
"Je ne crois pas que ce soit à moi de donner des détails là-dessus. Enfin bref, on devrait rentrer, les autres vont se poser des questions..."
Je fronce les sourcils. Il a l'air tellement sûr de lui dans ses propos. J'ai besoin d'en savoir plus.
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Un été à Rodrigues Island
Teen FictionRodrigues, une petite île cachée au cœur de l'océan Indien. Chaque été, c'est là que nous nous retrouvons, cinq amis, cinq adolescents réunis sur ses rivages. Mais cette fois-ci, tout est différent. La pandémie du covid-19 nous a séparés l'été précé...