Chapitre 22 : Josh

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Josh

C'était marrant de se réveiller directement sur son lieu de travail. Ca m'a fait bizarre de voir l'envers du décor et de passer ces dernières heures côté touristes. Je savais exactement comment chaque plat était préparé et par qui.

Aujourd'hui, c'est mon dernier jour au restaurant, je partirai juste après le service. J'ai déja prevenu le chef que je n'accepterai pas son offre d'emploi, mais que sa proposition resterait dans un coin de ma tête. Peut etre pourrais-je revenir un jour. Après mes etudes, je me vois bien venir un an ou deux ici.

Puis que j'étais déjà sur les lieux, je n'ai pas pu récupérer Kristel sur le trajet. Nous avons parlé par message depuis l'autre fois. Ca va mieux, on ne voulait pas passer ces derniers jours ensemble en froid.

L'ambiance est différente aujourd'hui. L'équipe sait que c'est mon dernier jour. j'ai envie de me donner au max, d'être de bonne humeur et de rire. Mais je me retrouve plus ému que ce que je pensais. Plus timide, plus discret, plus réservé. Le chef nous annonce qu'on a deux grandes tablées ce midi, alors il va falloir tout donner. Le service commence et les plats défilent à une vitesse que je n'ai jamais vu. On transpire dans la chaleur de la cuisine, on court dans tous les sens, je tremble sur quelques dressages, corrige mes erreurs parfois alors même que l'assiette est dans les mains du serveur. On crit pour se donner du courage, on se motive. On arrive aux desserts et nos souffles ralentissent et puis soudain, clap de fin. Le service est fini. On s'applaudit, et dans nos yeux, on est fier. Fier de notre equipe, on l'a fait.

Mais le marathon n'est pas terminé, il reste la dernière partie, plus douce et plus calme : le nettoyage. Je ramène les bacs à légumes dans la chambre froide et lorsque je reviens, sur le plan de travail en inox se dresse un gros gâteau. Derrière, toute l'équipe est réunie.

-On devait bien faire quelque chose pour marquer ton départ !

Les larmes me montent aux yeux. je serres les lèvres pour me reprendre et puis je les remercie un par un. Je ne m'attendais pas à vivre ca quand je les ai contacté pour travailler.

Avant de partir, je fais un dernier tour dans le restaurant, je dis au revoir à mon manager, et puis, seul, je retourne sur le parking pour rentrer. J'envoie un message à Kristel pour lui demander de me rejoindre. Quelques minutes plus tard, elle sors du batiment et court vers moi. Je tends mes bras pour qu'on s'enlace. Quand elle me rejoints, elle dépose ses lèvre sur les miennes et m'embrasse longuement. Je sais qu'elle est triste de mon départ. Moi aussi je le suis un peu. On avait toujours considéré notre relation comme éphémère, pas sérieuse. Une amourette de vacance. Mais on ne contrôle pas forcément les sentiments, et ils sont parfois plus fort qu'on ne le pense.

"Je te ramène chez toi ?"Je lui demande.

"Je n'ai pas terminé."

"Ah ok, alors, c'est le moment où nos chemins se séparent ?"

"Je crois bien, oui".

Ces yeux sont brillants.

"C'était chouette de te rencontrer" je lui dit la voix plus grave que je ne l'aurai voulu.

"Oui, j'étais contente de te connaitre, pense à m'écrire de temps à temps."

"Oui, promis"

"J'espère qu'on se reverra un jour Josh".

"Oui, peut-être, au revoir Kristel."

Je l'a prends dans mes bras et l'embrasse une dernière fois. J'aimerais m'éterniser, l'embrasser encore pour être sur de ne pas oublier, mais parfois, il faut être bref. Il faut savoir avancer. Je monte sur la mobylette, lui fait un dernier signe de la main, et accélère. Une page se tourne.

Sur la route, je profites de chaque moment du voyage, chaque virage de la petite route, chaque échoppe, chaque petit restaurant, chaque arbre, chaque cabris. Je regarde tout pour la dernière fois et essaye de ne pas passer aux bras de Kristel qui sont habituellement autour de moi. Quand je gare la mobylette sur le parking de la villa. Je me sens soudain vidé de toute énergie. Je rejoins le groupe en plein préparation du dernier feu de camps. J'ai l'impression d'être un zombie. C'est comme si j'étais quelque part entre le restaurant et ici. Deux ambiances distinctes que j'ai fait cohabiter cet été. Et là, maintenant que c'est fini, j'ai l'impression d'avoir perdu mes repères et de ne plus savoir ce que je préfère.

Un été à Rodrigues IslandOù les histoires vivent. Découvrez maintenant