Prologue: Elliot

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   Le soleil se lève sur Lyon tandis que je soupire pour la quarantième fois en plus d'une heure. Accoudé à la balustrade au pied de la basilique de Fourvière, je contemple la vue de ma ville natale, baignée de lumière dorée. D'ici, on voit tout, "le crayon" ou encore le vieux Lyon, chargé d'histoire, qui s'étend à nos pieds. Je distingue même mon quartier. Songeant au fait que je n'aurais peut-être plus jamais l'occasion de voir ce spectacle époustouflant, j'imagine assez bien le ressenti de ceux qui pourraient me voir ici, seul. Je dois passer pour un abruti à me morfondre, clope au bec et habits de la veille sur le dos.

J'adore cette ville de toute mon âme, de la presqu'île où j'ai la chance de vivre, les quais de Saône et l'architecture à la française. Je devrais rentrer, mais je veux profiter une dernière fois de ma vie ici, avant de m'envoler pour cet endroit que je n'ai connu que via les courts séjours estivaux de mon enfance et les quelques récits de ma mère.

Lorsqu'on m'a envoyé mon admission dans la prestigieuse université de Minneapolis, j'ai bondi de joie. J'étais d'autant plus fier de pouvoir trouver une excuse à ma mère pour rentrer au bercail. Aujourd'hui je me rends compte de tout ce que je laisse derrière moi, mes amis et ma vie ici.

Charlie aussi... à cette pensée, je ravale mes larmes pour jeter mon mégot et me diriger vers l'entrée du funiculaire*, après un dernier au revoir à la basilique que j'affectionnerai à jamais.

Dans mes oreilles « High for this » de The Weeknd résonne comme dans une scène clichée de film. Ce genre de moment où le héros part affronter son destin au péril de sa vie, alors que je rentre juste chez moi, beaucoup moins héroïque.

Je prends donc le wagon tracté et le métro, presque vide à cette heure-ci. Croiser les travailleurs avec cette tenue est d'ailleurs d'une ironie frappante, mais après tout, comme le dit mon père, "Il faut bien que jeunesse se fasse".

Le trajet n'est pas long, deux arrêts à peine et je suis déjà à Bellecour, pour mon changement vers Cordeliers. L'air est plus frais quand je sors de la rame, puis de la station. Je m'étonne toujours de voir cette grande rue commerçante, habituellement animée, vide. Rien de plus normal en plein mois d'août, où la plupart des Lyonnais sont sûrement en train de profiter des plages du sud de la France.

J'ai juste à marcher quelques minutes et me voilà en bas d'un immeuble de style Haussmannien, typique du quartier. Il ne me reste plus qu'à composer le code, gravir les étages et pousser silencieusement la porte de chez moi. Mes parents ont acheté cet appartement avant notre naissance, à Charlie et moi. Une acquisition de cent vingt mètres carrés dans un bâtiment qui empeste la soupe de poireaux à partir de dix-huit heures. La faute à Madame Guérand, une vieille dame de soixante-dix ans. Très franchement, je considère que quiconque aime cette odeur n'est pas humain.

En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, me voila dans ma chambre. Celle que j'habite depuis ma naissance. Le parquet en bois massif, les murs désormais blancs étaient encore couverts de posters et de polaroids il y a quelques jours. Tout cela va aussi me manquer. Je retire mon casque avant de m'affaler sur le matelas gonflable qui me sert de lit, car mes meubles se sont envolés aux États-Unis. En quelques minutes, bercé par l'alcool, je trouve les bras rassurants de Morphée, mais mon sommeil est loin d'être reposant.

Je suis réveillé trois heures plus tard par le doux accent de ma mère qui sonne presque désagréablement dans la pièce.

— Elliot, réveille-toi honey...

Je pousse un grognement ensommeillé pour lui signifier que je l'ai entendue et m'assieds sur le bord de mon lit de fortune.

— Es-tu rentré tard ? Demande-t-elle, suspicieuse. Je sais qu'elle n'aime pas que je traîne autant.

Scientist Lovers - Tome 1- Rewrite The StarsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant