Les Héritiers de la Guerre T.1

Chapitre 4 : Avna

Cela fait quatre nuits que nous écumons sans relâche les rues de Tsefira après chaque couvre-feu et nous sommes, pour ainsi dire, dans le pétrin jusqu’au cou. Nous n’avons toujours pas trouvé le moindre indice qui pourrait nous conduire à l’objet de mes visions. Tryvna n'a rien récupéré qui corresponde malgré ses multiples visites d'églises et la Déesse semble avoir complètement abandonné l’idée de m’aider de quelque manière que ce soit. Je m’en vois ravie !

Par contre, nous avons appris des renseignements intéressants en ce qui concerne le fonctionnement de la vie ici. Les Arah de la capitale ne sont pas libres de leurs mouvements ou actions, soumis aux règles Mahar qui interdisent, entre autres, la circulation de la population entre dix heures du soir et six heures du matin. Pour s’assurer que cela soit respecté par tous, ils font des rondes. On les appelle ainsi des rôdeurs. Les femmes ne travaillent pas, donc les commerçantes sont mal vues, des informations qui auraient été pertinentes d’obtenir avant notre départ. J’ai réussi à nous obtenir de faux passeports, moyennant une somme indécente. En tout cas, il fait tellement bon vivre que je n’ai qu’une hâte : trouver l’objet fissa, et rentrer ensuite chez moi. Hors de questions que je me fasse de vieux os ici !

Nous essayons de rester prudentes lors de nos expéditions depuis notre incident à la Sainte Chapelle de Cudrix. Ce qui s’approche d’une mission impossible. Mon amie m’a rejointe tout juste une minute après que les rôdeurs aient quitté les lieux, tandis que je me cachais de l'autre côté de la bâtisse, là où je l’attendais à en mourir d’ennui. Il s’en est fallu d’un cheveu... Le bruit et cri que j’ai entendu dans la chapelle avait été simplement en lien avec la maladresse légendaire de Tryvna, quand il ne s’agit pas de se battre.

Plus je repense à l’endroit où pourrait se trouver l’élément de ma quête, plus je me dis qu’il existe une corrélation avec ce fameux Elik. Cette idée me taraude l’esprit. Je refuse d'y songer sérieusement. Je ne veux pas me lier davantage avec lui. Il ne présage rien de bon pour moi. Cette aura mauve qui l'entourait…

Je secoue la tête, je ne peux m’attarder sur cela davantage.

Nous nous trouvons au point mort de notre quête, en plus de prendre des risques inconsidérés. Depuis maintenant douze heures, il est impossible pour Tryvna et moi d'utiliser nos pouvoirs et celui que j’ai infusé dans l’améthyste est tout aussi épuisé que nous. Nous voilà donc coincées : se déplacer représente un danger et nous ne pouvons loger nulle part avec ces apparences. Sans d’autres choix s’offrant à nous, nous avons décidé d'essayer de quitter la capitale discrètement pour rejoindre la Grande Forêt de Ghanab, où nous pourrons plus facilement nous cacher pour récupérer. Ce qui reste toujours très bancal comme plan, car jusqu'à ce que l'on y arrive, nous risquons de nous faire prendre à tout moment. Moi et ma stupide manie de ne jamais agir autrement que par impulsivité. C’est tout juste si je me tolère encore !

— Si l’on se fie à cette carte, il faut que l'on prenne encore par la gauche et nous arriverons enfin hors de Tsefira, princesse, m'explique Tryvna.
— On ignore encore s'il n'y a pas de gardes qui protègent les sorties de Tsefira, maugréé-je en enfonçant davantage ma tête dans ma capuche.

Au moment où nous allions quitter la ruelle, et rejoindre une rue plus large, j'attrape le poignet de mon amie et nous plaque contre le mur.

— Que se passe-t-il ? chuchote Tryvna, qui saisit immédiatement la gravité de la situation.
— Je sens une forte magie en contrebas, provenant sans doute d’un Mahar. On ne peut pas passer par là, il faut que tu nous trouves un nouvel itinéraire.
— Le problème, c'est qu'il n’existe pas d'autres chemins pour emprunter cette sortie.
— Dans ce cas-là, il faut que l'on passe par un côté différent, j'insiste en me mordant les lèvres de frustration et d'inquiétude — je déteste nous savoir aussi vulnérables.
— La sortie la plus proche se situe tout au Nord. Toutefois, elle reste tout de même encore assez loin de notre position et je ne crois pas que nous pourrons l'atteindre avant l'aube.